Tempête pour un verre d’eau en Autriche

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Publié 18/07/2012 par George Jahn (The Associated Press)

à 12h39 HAE, le 18 juillet 2012.

VIENNE — C’est la guerre entre les restaurateurs de Vienne et leurs clients: les premiers veulent désormais faire payer aux seconds le verre d’eau qui était jusqu’à présent offert avec le café. Les amateurs de petit noir accusent les établissements de détourner une campagne caritative et hurlent au sacrilège culturel.

Le paiement est pour l’instant facultatif, onze restaurants de la capitale autrichienne participant depuis peu à une campagne caritative destinée à recueillir des fonds pour un programme d’eau potable en Sierra Leone. Mais les établissements empochent la moitié de la note -deux euros le litre- et certains commencent à faire pression pour que les consommateurs paient obligatoirement leur verre d’eau, en dehors de toute campagne.

De nombreux Viennois pensent que l’opération Sierra Leone n’arrive pas par hasard. Et qu’il s’agit d’un subterfuge purement cynique pour gagner de l’argent. Mais beaucoup sont déterminés à résister contre ce qu’ils considèrent comme un sacrilège dans une ville où l’eau du robinet, délicieuse et alimentée par les sources alpines, est perçue comme un acquis.

Faire payer l’eau serait « absolument scandaleux », lance Marinko Medic. Pour Doris Roitner, c’est « inacceptable ». Caroline Wehner, elle-même serveuse, estime que servir un verre d’eau gratuite avec une commande devrait faire « partie d’un bon service à Vienne ».

Cette tempête autour d’un verre d’eau éclipse des sujets plus brûlants dans l’actualité, notamment la crise de la dette qui menace plusieurs pays de la zone euro. Pour l’heure, l’Autriche reste plutôt prospère et affiche le taux de chômage, 3,9%, le plus faible de l’Union européenne. Raison de plus pour que les Viennois se préoccupent d’une question qui les touche de près: la majeure partie de la ville vit de l’industrie touristique, qui lui a rapporté 16 milliards d’euros (près de 20 milliards de dollars) en 2010.

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La culture traditionnelle des cafés viennois, avec serveurs en smoking et verres d’eau gratuits, est née au XVIIe siècle après l’introduction du café dans la capitale autrichienne par les Turcs. La tradition de la carafe d’eau fraîche -et gratuite- qui accompagne chaque pichet de vin remonte à peu près à la même époque.

Peu d’établissements font payer l’eau du robinet dans les autres pays de l’UE et Vienne se vante à la fois de son eau et du service de ses restaurants. Plus des deux tiers des 3.096 personnes interrogées récemment par le quotidien « Kurier » s’opposent à l’idée de payer pour ce genre de produit. L’organisation caritative à l’origine de l’opération Sierra Leone explique elle vouloir « renforcer la prise de conscience autour de la valeur incalculable de l’eau potable ».

Et certains propriétaires de restaurants et de cafés commencent à exiger que l’eau devienne payante, alors que la Chambre de commerce a lancé un sondage auprès des restaurateurs pour recueillir leur sentiment à ce sujet. « Les gens avaient l’habitude de boire quatre chopes de bière et maintenant ils en boivent trois et un verre d’eau », observe Bernt Querfeld, qui descend d’une dynastie de restaurateurs et dirige l’un des établissements les plus fréquentés de la ville. « L’eau est pour l’instant gratuite, mais je ne peux pas vous dire si cela va durer encore longtemps ».

Le directeur du tourisme de Vienne, Norbert Kettner, a plaidé la semaine dernière pour la fin de la campagne Sierra Leone. Il a estimé que certains tentaient de profiter d’une action caritative pour « réduire les services ». « La bonne réputation de la destination viennoise est compromise » par de telles mesures, a-t-il affirmé, jugeant que le verre d’eau gratuite est « un service traditionnel de la gastronomie viennoise ».

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