Témoignage de Ford à la Commission: pas de jugement pour l’instant

Doug Ford Sylvia Jones Commission d'urgence
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, et la vice-première ministre et ministre de la Santé, Sylvia Jones. Photo: archives l-express.ca
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Publié 02/11/2022 par Émilie Gougeon-Pelletier

Les avocats de Doug Ford étaient à la Cour fédérale, cette semaine, pour s’opposer à la citation à comparaître de la Commission sur l’état d’urgence. Devra-t-il tout de même témoigner? Le juge offrira «probablement» sa décision avant le 8 novembre, et certainement avant le 10.

La Commission sur l’état d’urgence, présidée par le juge Paul Rouleau, a cité le premier ministre Doug Ford et sa vice-première ministre Sylvia Jones à comparaître, le 10 novembre.

Catégoriquement opposé, le gouvernement Ford a saisi les tribunaux de l’affaire pour demander la suspension de cette assignation à comparaître.

Mardi, le juge de la Cour fédérale Simon Fothergill a entendu à Ottawa les arguments de la province et ceux de la Commission. Il a promis qu’il rendra sa décision avant le 10 novembre, et probablement avant le 8, soit deux jours avant la comparution prévue de Doug Ford et de Sylvia Jones.

Les avocats de la province ont argumenté qu’en sommant Doug Ford et Sylvia Jones à témoigner, la Commission Rouleau leur causerait des «torts irréparables».

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Le juge Paul Rouleau est aussi chancelier de l’Université de l’Ontario français, à Toronto.

«Jamais»

Le commissaire Rouleau a affirmé plus tôt cette semaine que le gouvernement exagère la portée du «privilège parlementaire», cité par les avocats de la province pour justifier sa cause.

Me Darrell Kloeze, avocat de la province, avance que l’assignation doit être suspendue parce que ce privilège offre l’immunité aux politiciens en exercice d’une législature.

«Jamais» la commission n’aurait dû citer Doug Ford et Sylvia Jones à comparaître, argue Me Kloeze.

Or, le juge Simon Fothergill a affirmé avoir «du mal à dire que la citation n’est pas valide».

«Je ne suis pas sûr qu’il soit approprié de demander son annulation», a-t-il lancé.

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Nuance

Il nuance toutefois que la province a «peut-être» une raison valide de ne pas comparaître et convient qu’il existe un principe bien établi d’utilisation du privilège parlementaire contre une convocation.

Me Kloeze juge que forcer Doug Ford et Sylvia Jones à témoigner porterait atteinte à la séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.

Or, les avocats de la Commission jugent qu’une enquête publique n’a pas le même impact légal qu’un tribunal. Le juge n’a pas semblé persuadé par cet argument.

Le juge ne semble pas non plus convaincu par l’argument de la province selon lequel Doug Ford et Sylvia Jones n’ont rien de pertinent à apporter en témoignage à la Commission.

L’audition des témoins à la Commission sur l’état d’urgence prend fin le 25 novembre.

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La semaine dernière, le gouvernement s’est défendu, à Queen’s Park, de ne pas vouloir témoigner devant cette commission, disant qu’il s’agit d’une «enquête fédérale sur la décision fédérale d’avoir recours à une loi fédérale sur les mesures d’urgence».

La province est intimement convaincue que les occupations de l’hiver dernier, tant au centre-ville d’Ottawa qu’au pont Ambassador de Windsor, «ont toujours été une affaire policière et non politique».

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Environ 400 camions ont occupé le centre-ville d’Ottawa du 28 janvier au 14 février. Photo: Inès Lombardo, Francopresse

Comment le «Convoi de la liberté» a-t-il gagné du terrain à Ottawa?

Selon des témoignages devant la Commission, le Service de police d’Ottawa aurait pu réduire la zone d’occupation du «Convoi de la liberté» après le premier week-end, mais il a plutôt permis aux manifestants de s’installer plus profondément dans les rues résidentielles de la capitale fédérale.

Les forces policières se disaient avant l’arrivée du convoi qu’en s’assurant que les camionneurs se stationnent tous sur la rue Wellington, la sécurité des résidents du centre-ville ne serait pas compromise et qu’elles pourraient consacrer leurs ressources à une seule zone. Mais la réalité fût tout autre.

Aujourd’hui, l’inspecteur du Service de police d’Ottawa (SPO) Russell Lucas constate qu’en n’obligeant pas les camionneurs à se déplacer plus près du Parlement après la première fin de semaine de manifestation comme c’était initialement prévu, les policiers ont dû affronter «une inondation avec des sacs de sable».

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L’inspecteur Lucas a déclaré à la Commission sur l’état d’urgence qu’il s’inquiétait qu’une attaque similaire à celle du 6 janvier au Capitole de Washington survienne à Ottawa, mais qu’il ne croyait pas que la présence des camionneurs devant la colline du Parlement posait un risque.

M. Lucas savait depuis le 26 janvier que certains des manifestants avaient l’intention de prendre la Colline d’assaut, mais que beaucoup de ces informations propagées dans les médias sociaux n’étaient pas nécessairement véridiques.

Arrivée des camionneurs de l’Ouest

Selon lui, lors du premier vendredi, le 28 janvier, les choses étaient plutôt «en ordre» et les camionneurs se dirigeaient vers les espaces que les autorités avaient désignés; soit la rue Wellington et la promenade Sir-John-A.-MacDonald.

Mais quand les camionneurs provenant de l’Ouest canadien sont arrivés, les choses ont commencé à dégénérer.

Selon le témoignage de l’inspecteur Lucas, ces camionneurs disaient ne pas avoir de place dans ces endroits désignés et se dirigeaient vers les rues résidentielles.

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C’est à ce moment-là que les services policiers ont dû commencer à se concentrer sur la sécurité publique, plutôt que sur le contrôle de la circulation.

L’inspecteur du SPO dit que l’impact sur la communauté a toujours fait partie des considérations de la police, et qu’il était important d’essayer de détourner les camions-remorques des zones résidentielles.

«C’était impossible que personne ne soit affecté par la situation», a-t-il souligné.

Négociations

Tout au long de l’occupation, bon nombre de résidents ont dénoncé l’attitude sympathisante des policiers à l’égard des manifestants. Bon nombre d’entre eux, par exemple, ont semblé faciliter le déplacement de bidon d’essence en plein centre-ville. D’autres se sont fait prendre en photo avec des manifestants.

Selon l’inspecteur Lucas, il s’agissait là d’une stratégie délibérée pour tenter de maintenir la paix. Il concède néanmoins que cela pouvait donner l’impression que les policiers appuyaient le «Convoi de la liberté».

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Il a notamment martelé que ces tactiques visaient à éviter les débordements.

Lorsque la possibilité de négocier avec les manifestants pour qu’ils se déplacent sur Wellington a été évoquée, une directive provenant de la chaîne de commandement de la police a rapidement fait avorter la démarche.

M. Lucas dit avoir été informé que cette directive venait du chef de police Peter Sloly.

Rappelons que lors de son témoignage devant la Commission sur l’état d’urgence, la semaine dernière, la cheffe adjointe de la police d’Ottawa Trish Ferguson a fait savoir que la possibilité de négocier avec les manifestants avait fait l’objet de désaccords entre elle et M. Sloly.

Elle croyait qu’il fallait le faire, contrairement à M. Sloly qui refusait de céder quoi que ce soit aux manifestants.

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La version de M. Lucas donnée mardi corrobore d’ailleurs les dires de Mme Ferguson.

18 jours plus tard

Finalement, ce ne sera que le 14 février, 18 jours après leur arrivée, que des camionneurs ont commencé à quitter les quartiers résidentiels et à se déplacer vers le Parlement, à la suite d’un accord entre la Ville d’Ottawa et des organisateurs du convoi.

C’est aussi le 14 février que le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, pour mettre fin à l’occupation.

Cette loi exceptionnelle adoptée en 1988, et qui n’avait jamais été utilisée auparavant, prévoit qu’une enquête publique se penche sur les circonstances ayant mené à son recours.

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