Six personnages en quête d’eux-mêmes

Exit(s) au TfT

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Publié 11/04/2006 par Pierre Karch

Il faut du courage pour monter la première pièce d’un dramaturge. Le Théâtre La Catapulte (Ottawa) et le Théâtre du Nouvel-Ontario (Sudbury) en font preuve encore une fois.

Luc Moquin est un jeune auteur de l’Alberta. Exit(s) est la pièce qu’il a écrite et qui réunit ce qui devait être deux pièces en un acte. Elle était présentée la semaine dernière au Théâtre français de Toronto.

Les spectateurs

Exit(s) (Confiance! Et Bang!) commence à l’entracte. Six spectateurs quittent la salle pour se retrouver dans le fumoir où il est interdit de fumer. Comme ils se connaissent, la conversation va bon train. Aucun n’aime la pièce qu’ils sont venus voir, invités par Mme Lavie (Magali Lemèle). On critique tout: l’éclairage, les costumes, l’intrigue, les comédiens, la gestuelle… On s’entend là-dessus, mais sur rien d’autre.

M. Guttenberg (Carol Beaudry) a la tête pleine de ses auteurs préférés, des Allemands comme lui, qu’il nomme et qu’il cite quand on ne lui coupe pas la parole. Mme Guttenberg (Chanda Legroulx) a honte de lui et tente de séduire M. Infrastructure (Pierre Simpson). Les choses tournent mal à partir du moment où elle réussit. Mme Infrastructure (Stéphanie Kym Tougas) sort un revolver que son mari lui a donné et lui tire une balle dans la cuisse.

Tout le monde voudrait quitter le théâtre, mais personne ne réussit à ouvrir la porte. Le spectateur, celui du petit théâtre de la rue Berkeley, commence à comprendre que ces personnages sont prisonniers du texte de l’auteur. On les retrouve dans la salle alors qu’ils s’apprêtent à assister, contre leur gré, au deuxième acte.

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Les comédiens

C’est à partir de ce moment que les six comédiens ne font qu’un avec leur personnage: pas de faux gestes, pas d’accent emprunté. Nous assistons maintenant au second acte, sans avoir vu le premier sur lequel on a dit tant de mal. On retrouve, dans des costumes différents, les six comédiens. C’est la course folle, ce qu’on appelle en anglais «the rat race». On n’a pas le temps de vivre; il faut courir.

La victime de la vie que l’on mène dans le monde du travail est Fred (Pierre Simpson). Il fait une dépression; son employeur lui a donné un congé de maladie. Il voit un psychiatre qui lui fait prendre des comprimés qui, de toute évidence, ne produisent pas l’effet escompté.

Les scènes se succèdent. Pépé (Daniel Aubin) tente de se réaliser en défendant une cause, n’importe laquelle. Il rencontre Zette (Chanda Legroulx) qui vit d’eau et de pain sec. Pour lui faire plaisir, Pépé va -inviter les étudiants à faire la grève de la faim, ne serait-ce que pour les sensibiliser à la famine dans le monde. Mais Zette aime toujours Joe (Carol Beaudry). Les deux forment un couple (JoeZette).

La mise en scène

Les co-metteurs en scène, Joël Beddows et Geneviève Pineault, ont réussi à créer deux univers distincts, ceux du théâtre et de la critique, qui se rencontrent forcément.

Ils évoquent, sous le mode réaliste le monde des répétitions et des représentations. Ils réservent, pour l’univers de la critique, le mode caricatural. Rien de nouveau dans ce choix. Molière, pour ne nommer que lui, l’a déjà fait. Comme cela arrive souvent dans le théâtre de l’absurde, la pièce se termine un peu comme le «second acte» avait commencé. Plutôt que de courir, on rame. On ne sait pas où cela va mener, mais on rame de plus en plus fort, jusqu’à ce que les lumières s’éteignent.

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Le titre

Le titre renvoie à la traduction anglaise de la pièce de Jean-Paul Sartre, Huis-clos (No Exit), sauf qu’ici, les comédiens ne cessent pas de sortir. On pense aussi à Pirandello à cause du nombre de personnages: six personnages en quête d’un auteur. Mais, encore une fois, il y a une différence. Les personnages de Luc Moquin partent à la quête d’eux-mêmes.

Et, comme le théâtre est une représentation possible de la réalité, ces personnages ne se trouvent pas: ils rament vers l’infini, sans étoile pour les guider. Exit(s) (Confiance! Et Bang!) de Luc Moquin était l’avant-dernier spectacle de la saison du Théâtre français de Toronto.

Les personnages de Luc Moquin partent à la quête d’eux-mêmes. Et, comme le théâtre est une représentation possible de la réalité, ces personnages ne se trouvent pas : ils rament vers l’infini, sans étoile pour les guider.

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