Sexe et traduction

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 11/03/2008 par Paul-François Sylvestre

La littérature sur l’intersexualité, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits des minorités sexuelles est beaucoup plus répandue en anglais qu’en français, espagnol, portugais, hindi ou arabe. La traduction est donc monnaie courante. Jusqu’à maintenant, peu de traducteurs s’étaient réunis pour échanger sur les défis que posent «le sexe et la traduction». Un forum à Mexico a récemment changé la donne.

Comme je traduis souvent des textes sur les droits de la personne reliés à l’orientation sexuelle et l’identité de genre, j’ai été invité à une rencontre les 19 et 20 février à Mexico. Nous étions neuf participantes et participants représentant autant de pays: Mexique, Guatemala, Argentine, Brésil, Chine, Inde, Liban, États-Unis et Canada.

J’étais le seul qui traduit vers le français; les autres langues étaient l’espagnol, le portugais, l’arabe, le hindi et le mandarin. La rencontre se tenait sous l’égide de Mulabi, une agence espagnole de traduction, basée en Argentine.

Il appert, selon les échanges entre traducteurs et traductrices, que la littérature sur la sexualité a souvent tendance à être académique. Elle ne tient pas toujours compte des différences culturelles, sociales, politiques ou religieuses. Les concepts sont parfois décrits en noir et blanc. Il manque de nuances.

Au Guatemala, où il y a 24 langues ou dialectes, l’influence de la religion catholique est omniprésente. S’ajoute à cela le courant fondamentaliste qui se propage peu à peu. Cela colore inévitablement le dire sexuel. Quand on parle de «genre» on ne se réfère pas exclusivement à masculin (M) ou féminin (F). On touche carrément à l’identité d’une personne. Dans ce contexte, M veut parfois dire Mucho et F peut signifier Frecuente.

Publicité

La littérature arabe regorge de connotations sexuelles qui sont souvent méconnues.

Les Contes de mille et une nuits que nous lisons sont souvent des versions épurées ou homogénéisées. Résultat: leur contenu homosexuel ou bisexuel a été aseptisé.

La vision américaine de la ou des sexualités est omniprésente, surtout grâce à Internet. Au dire des hispanophones et lusophone que j’ai rencontrés, il est temps qu’un dire plus diversifié se fasse entendre dans le cyberespace. La traduction doit cesser de se faire presque exclusivement dans un sens (anglais/ espagnol, anglais/portugais, etc.).

Ici à Toronto, la communauté gaie bénéficie des services de FrancoQueer. Ce dernier vocable montre que le terme «queer» a été francisé ou approprié par la collectivité francophone. Il en va de même en espagnol et en portugais. En Chine, le terme est traduit/adapté par un mot qui ressemble à «cool».

Selon le délégué chinois à la conférence, le mot «sexe» a une connotation biologique alors que le mot «genre» revêt une signification sociologique.

Publicité

Deux déléguées venaient de l’Inde. Elles ont noté que plusieurs mots anglais sont carrément adoptés dans la traduction en langue hindi. C’est le cas des termes transgendered, closeted et coming out, par exemple. La terminologie sexuelle en Inde est plus reliée à l’anatomie et à la médecine qu’aux mouvements sociaux (droits des femmes, des gais, etc.).

Pour ma part, j’ai souligné que l’égalité des sexes est sacrée au Canada. On ne parle pas des droits de l’Homme mais plutôt des droits de la personne. On écrit la députée, la juge, la ministre (ce qui exige des connaissances additionnelles lorsqu’on traduit un texte anglais).

J’ai aussi noté que nous avons accès à des ressources linguistiques fort intéressantes, notamment le dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française et la banque de données Termium du Bureau fédéral de la traduction.

Lors de ce forum tenu dans la capitale mexicaine il a été convenu de créer un espace virtuel qui permettrait aux gens traduisant des textes reliés à la sexualité de garder le contact, de discuter et de partager des ressources. Un dictionnaire en ligne pourrait même être envisagé.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur