Sexe, argent et politique

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Publié 11/04/2006 par Paul-François Sylvestre

Si après une campagne électorale, un scrutin hivernal et un changement de gouvernement vous avez encore soif de politique, je vous propose de lire Transfuges, le tout-dernier roman de Luc Bertrand. Vous ne serez pas déçus, loin de là! L’ouvrage mêle sexe, argent et politique, trois ingrédients essentiels à la construction d’une intrigue réussie. L’auteur ajoute une pincée de mafia, une rasade de crime organisé et – comme si cela n’était pas suffisant – une tasse de débat constitutionnel. Quelle recette!

Luc Bertrand a passé cinq ans au bureau du premier ministre Robert Bourassa. L’action de son roman se situe donc dans un milieu qu’il connaît bien. On y retrouve des anciens premiers ministres, un chef de parti souverainiste, un chef de gouvernement fédéraliste et un député «dévoué à sa cause et en apparence discret, mais avide d’intrigues, dangereusement ambitieux et passé maître dans l’art de la manipulation». On découvre aussi une Ligue du Canada qui ressemble beaucoup à Option Canada.

Au cœur de l’intrigue figure Marc Rivard, ancien premier ministre qui est perçu comme un homme dont l’intégrité n’a jamais été entachée. Les révélations d’un policier fédéral ont l’effet «de départir Rivard d’une grande part de l’idéalisme qu’il avait toujours éprouvé à l’égard de la politique».

Le policier lui fait découvrir l’existence d’un monde d’intrigues, de complots et d’activités souterraines dont il ne pouvait jamais soupçonner l’existence. Ce policier résume ainsi le travail mené par une cellule d’agents fédéraux au Québec: espionnage, écoute électronique non autorisée, cambriolage, infiltration et fabrication de faux. Cette cellule a même recours à des éléments du crime organisé pour arriver à ses fins.

Transfuges est à la fois un roman policier et un roman d’espionnage. L’action se déroule dans les arcanes du pouvoir, dans les backrooms de la mafia et dans une cour de justice. Cette dernière entend des révélations qui ont l’effet d’une immense charge de dynamite. Un témoin n’hésite pas à clamer que «c’est de la merde, de la pure merde… Je pense qu’il y a quelqu’un qui doit la brasser pour ouvrir les yeux des gens…» Surtout que le premier ministre s’apprête à vendre les Québécois «pour une bouchée de pain moisi».

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Luc Bertrand excelle dans l’art de peindre le portrait d’un personnage en un seul coup de pinceau. En voici un bel exemple: «Du haut de ses six pieds et quatre pouces, l’homme au faciès typiquement policier et à la moustache roulée élevait rarement la voix et ne succombait que peu souvent à la colère, commandant d’emblée un respect et une autorité que personne n’osait lui contester, malgré un type de gestion aux accents dictatoriaux.»

L’auteur sait aussi sertir son roman de dialogues savoureux: «Achalle-moi pas avec ça! Souveraineté-ci, souveraineté-ça, souveraineté-bidon… Leur espèce de mélasse non comestible… 50% + 1: c’est tout ce dont nous avons besoin.» Enfin, le romancier a souvent un style coloré: «abattre une mouche en utilisant une .22».

Transfuges figure parmi les meilleurs romans que j’ai lus cette année. L’intrigue est corsée, les personnages sont attachants, même les plus sordides, les phrases sont finement ciselées et les dialogues sont réalistes. Je dois signaler que Transfuges est la suite de Traquenard paru en 2001. Il n’est cependant pas nécessaire d’avoir lu le premier roman pour pleinement apprécier le second.

Luc Bertrand, Transfuges, roman, Éditions L’Interligne, Ottawa, 2005, 336 pages, 24,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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