Sept bémols sur les tests génétiques censés révéler les pays de nos ancêtres

Se méfier des tests génétiques

De plus en plus d’entreprises proposent de déterminer les pays d’origine de nos ancêtres à partir de notre ADN. La conclusion d’un de leurs tests pourrait par exemple ressembler à: «vous êtes à 60 % Français et à 30 % Italien». Mais quelle est la fiabilité de ces tests?
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Publié 21/12/2018 par Salomé Gotreau

De plus en plus d’entreprises proposent de déterminer les pays d’origine de nos ancêtres à partir de notre ADN. La conclusion d’un de leurs tests pourrait par exemple ressembler à: «vous êtes à 60% Français et à 30% Italien». Mais quelle est la fiabilité de ces tests?

Le mystère de vos origines contre une goutte de salive et une centaine de dollars? C’est ce que font miroiter des entreprises comme AncestryDNA ou 23andMe.

Si les scientifiques ne remettent pas en doute la qualité de leurs analyses génétiques, c’est l’interprétation des résultats obtenus qui pose problème.

1) Ces tests n’analysent que 0,1% du génome

La première chose à souligner, c’est que ces tests n’analysent pas la totalité du génome. Comme celui-ci est semblable à 99,9% chez tous les humains, ces compagnies se concentrent uniquement sur des portions d’ADN — dites «marqueurs génétiques» — dont on sait qu’elles sont très variables entre les individus et les populations, soit le 0,1% restant.

2) Ces tests reposent sur des probabilités et non des certitudes

Un marqueur génétique est parfois identifié à un trait précis, comme la pigmentation de la peau, la capacité à digérer le lait ou à métaboliser l’alcool. Comme on sait que les populations humaines se distinguent par la fréquence plus ou moins élevée de certains marqueurs, il devient dès lors possible, selon ces compagnies, de recouper ces informations avec les résultats d’un test.

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Par exemple, un marqueur appelé l’haplogroupe maternel H, est porté par environ 40% des Européens — mais se retrouve de manière moins fréquente en Asie et en Afrique, et est quasiment absent des populations d’Amérique ou d’Australie.

Toutefois, cela ne veut pas dire que d’être porteur de ce marqueur spécifique prouve qu’on est de descendance européenne. On parle uniquement de probabilités d’être lié à telle et telle population.

Ainsi, «la seule chose que ces tests peuvent réellement dire, c’est que tel pourcentage de votre ADN est similaire à celui de telle population qui vit à tel endroit, depuis environ 500 ans (ou 20 générations)», explique Simon Gravel, professeur de génétique à l’Université McGill.

3) Ces tests ne remontent en arrière que de 500 ans

Ce critère temporel n’est pas anodin. «Les compagnies ont choisi de remonter à cette époque, car il y avait alors beaucoup moins de flux de populations qu’aujourd’hui», poursuit le chercheur.

N’oublions pas, de plus, que ces entreprises sont américaines. «Ce qui intéresse l’essentiel des clients de ces compagnies, c’est de connaître leur pays d’origine avant la colonisation du continent américain, il y a environ 500 ans», précise de son côté Paul Verdu du Musée de l’Homme à Paris.

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4) Certaines régions du monde sont plus privilégiées que d’autres

Ce n’est pas la seule limite de ces études. Ce qu’elles définissent comme une «population de référence» peut varier d’une compagnie à l’autre.

Pour définir ces populations, les compagnies compilent le génome de groupes de personnes dont les travaux généalogiques classiques ont montré qu’ils vivaient dans la même région depuis de nombreuses générations. Par exemple, si tous vos arrière-grands-parents sont nés dans le même pays, votre génome est candidat à l’inclusion dans le «groupe de référence» de ce pays.

Or, comme le précise Guillaume Lettre, dont les recherches à l’Institut de cardiologie de Montréal portent sur l’étude génétique des maladies complexes, nous sommes loin de disposer de telles informations pour l’ensemble de la planète.

«Les compagnies disposent essentiellement de données sur les populations de pays développés et sur quelques populations dites « isolées » très étudiées en anthropologie.»

Résultat, ces tests fonctionnent relativement bien pour les groupes comme les Afro-Américains dont les ancêtres sont issus de continents différents qui vivaient loin les uns des autres (Afrique et Europe). Les tests donnent alors une idée du pourcentage de l’héritage génétique africain versus l’héritage européen.

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5) La nation, un critère peu scientifique

En revanche, lorsqu’il s’agit de placer un pourcentage sur un pays, comme le promettent certaines entreprises, la tâche se complique grandement.

Comme le souligne M. Gravel, «il n’existe pas de gènes allemands ou pakistanais, seulement des marqueurs que l’on retrouve plus souvent chez les habitants de ces pays». Et encore, ça peut être compliqué, même au sein d’un pays.

«Au sein d’un même pays», poursuit M. Verdu, «différentes populations peuvent coexister sans jamais se mélanger, que ce soit pour des questions religieuses, sociales ou politiques». À cela s’ajoutent les migrations, les guerres, les génocides et la modification des frontières qui, au fil des siècles, brouillent les pistes.

Bref, «le critère de nation n’est pas particulièrement pertinent en génétique».

6) Nous sommes tous cousins

Difficulté supplémentaire: comme chacun sait, plus on remonte dans le temps, plus nos ancêtres sont nombreux. Ainsi, nous avons tous deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents.

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Or, si on poursuit dans cette logique, on se retrouve, après 20 générations, soit seulement cinq siècles, avec un million d’ancêtres! Reculons encore de quelques siècles, et on se retrouve avec plus d’ancêtres que de marqueurs génétiques — pour la simple raison qu’à un moment donné, les arbres généalogiques de tous les êtres humains finissent par être interreliés. Autrement dit, à des degrés divers, nous sommes tous des cousins!

Et si on remonte suffisamment loin, tous nos ancêtres sont originaires d’Afrique. Ainsi, comme le souligne Simon Gravel, «la génétique peut apporter des réponses, mais jusqu’à un certain point. On ne peut pas reconstruire tout notre arbre généalogique à partir de notre ADN».

«La génétique n’est pas de la généalogie!», martèle Paul Verdu.

7) L’information génétique, ça se perd

Enfin, au fil des générations, l’information génétique ne se transmet pas complètement. Cette transmission est aléatoire — une partie vient du père, une partie de la mère — et des processus naturels peuvent altérer le génome.

Si bien que, inévitablement, «une bonne partie du matériel génétique se perd au fil des générations», résume M. Gravel. Ainsi, un frère et une sœur n’hériteront pas des mêmes gènes de leurs parents et obtiendront des résultats légèrement différents aux tests de ces compagnies, bien qu’ils aient exactement les mêmes ancêtres.

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«On peut très bien descendre de quelqu’un sans pour autant avoir gardé une trace génétique de lui dans notre génome. Être apparenté, ce n’est pas la même chose que de partager un matériel génétique.» À mesure que l’on remonte les générations, ces tests génétiques s’expriment donc par des probabilités de plus en plus faibles. Une réalité souvent occultée ou peu expliquée par ces compagnies.

Migrations humaines trop complexes

L’histoire des migrations humaines est beaucoup trop complexe pour pouvoir savoir avec certitude que tel marqueur génétique correspond parfaitement à telle population qui vivait il y a tant d’années à tel endroit. Votre arbre généalogique est enchevêtré avec les arbres généalogiques de tous les êtres humains.

Certaines de ces compagnies proposent de retrouver à quelle personne célèbre vous êtes apparenté. Charlemagne, par exemple. Mais comme le YouTubeur DirtyBiology l’explique, tous les Européens sont, d’une façon ou d’une autre, descendants de Charlemagne.

Auteur

  • Salomé Gotreau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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