Sentiments vs pragmatisme à la campagne

Geneviève Boudreau, La Vie au-dehors, nouvelles, Montréal, Éditions Boréal, 2019, 168 pages, 19,95 $.
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Publié 19/08/2020 par Paul-François Sylvestre

Après quelques livres de poésie, Geneviève Boudreau signe un premier recueil de nouvelles intitulé La Vie au-dehors, où elle nous présente des visions mélancoliques, étranges et bouleversantes d’une campagne à la fois familière et cruelle.

Vingt-huit nouvelles parfois dures sur la précarité de la vie.

Au fil des textes, nous sommes souvent campés sur une ferme où se dresse «une bâtisse aussi grise que novembre».

Les dialogues sont le plus souvent directs et parfois crus, comme «Le petit câlice, quand j’vas y mettre la main dessus… Y s’est rendu jusqu’au village, le tabarnac.» Qui ça? Un petit veau.

Fins de vies

Les nouvelles sont finement ciselées. Il peut être question d’une bête, pour qui la mort est déjà annoncée, et qui présente à un garçon de quinze ans un œil «trop noir et pourtant scintillant, suppliant que tout s’achève».

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Ou encore d’un fils qui attend un mot d’un père trop taciturne, un simple «C’est ben beau, mon homme».

Peut effacer de la carte un village parce qu’il s’est presque vidé de villageois? Cela n’équivaudrait-il pas à faire disparaître un lieu d’enfance?

Et quand un vieillard fait son inventaire en fin de vie, est-il réduit à penser au «dernier érable coupé, la dernière virée à l’étable, la dernière tomate cueillie dans la dernière serre du dernier été où il pouvait encore marcher»?

Le mariage

Dans une brève histoire, la nouvelliste démontre que le mariage est un peu comme une courtepointe, «trois millimètres de fil qui s’ajustent aux autres pour former une ligne régulière, imperceptible. Votre vie.»

Il arrive que nous apprenions à craindre «ce qui ne peut être vu, ce qui parfois passe dans le regard des hommes: le sauvage, l’indompté».

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Contrairement à ce que j’ai toujours pensé, parce que mes voisins avaient des vaches laitières et un chat rôdant dans les parages, l’auteure écrit qu’une laiterie, «c’est pas une place pour des chats, ça fait juste stresser les vaches pis leur donner des maladies». (Le mot pis est bien choisi, ne trouvez-vous pas?)

L’endroit demeure cependant mal choisi pour le chat Grisou.

Série programmée

Dans la dernière nouvelle, nous apprenons que la vie serait plus facile si l’existence était réduite à une série programmée de gestes et de paroles, «les mêmes actions, les mêmes rencontres». Ça ne marche pas comme ça puisque le temps en décide autrement, bien entendu.

Je ne sais pas si Geneviève Boudreau a grandi à la campagne… Chose certaine, elle a compris que les enfants apprennent tôt qu’il vaut mieux taire leurs sentiments au contact d’adultes à qui les codes agricoles demandent un pragmatisme sévère.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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