Pourrait-on ressusciter le mammouth d’ici 10 ans?

Une équipe veut recréer un mammouth en laboratoire et l’amener à fouler les steppes de la Sibérie, 4000 ans après sa disparition.
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Publié 17/01/2022 par Laurie Noreau

On évoque depuis longtemps le rêve de recréer un mammouth en laboratoire et de l’amener à fouler les steppes de la Sibérie, 4000 ans après sa disparition. Le projet pourrait se concrétiser d’ici la prochaine décennie, ont affirmé en 2021 les fondateurs de la nouvelle société américaine Colossal. Vraiment?

Une question d’argent?

En 2017, George Church, le scientifique derrière Colossal, annonçait que le premier hybride mammouth-éléphant verrait le jour «dans deux ans». Quatre ans plus tard, il n’y a toujours pas de mastodontes à l’horizon.

Les concepteurs plaident que les fonds n’étaient pas suffisants. Qu’à cela ne tienne: cette nouvelle entreprise bénéficie d’un appui financier de 15 millions $ grâce à des investisseurs et des dons.

Cette fois, les promoteurs se donnent une plus grande marge de manœuvre et estiment que le projet pourrait voir le jour d’ici 10 ans.

Deux exploits technologiques

Deux exploits seraient nécessaires pour «ressusciter» un mammouth. L’un, au niveau de la génétique, l’autre, au niveau des utérus artificiels.

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Du côté de la génétique: à partir de fragments d’ADN retrouvés dans des fossiles de mammouths, les chercheurs veulent modifier le génome de son plus proche cousin, l’éléphant d’Asie.

Grâce à la technologie CRISPR, qui permet des manipulations génétiques avec une précision beaucoup plus grande qu’il y a 10 ans, ils couperaient des séquences précises d’ADN dans un embryon d’éléphant pour les remplacer par ces séquences d’ADN identifiées dans des ossements de mammouths.

Du côté de la gestation: cet embryon serait ensuite placé dans un utérus artificiel, pour une gestation de 22 mois, la durée chez une éléphante.

La raison d’un utérus artificiel: l’éléphant d’Asie est une espèce dont le statut est «en danger», et il faudrait un nombre indéterminé de gestations avant d’espérer mener à terme celle de cet hybride «éléphant-mammouth».

SI la technologie CRISPR a progressé très vite ces dernières années, celle de l’utérus artificiel n’en est qu’à ses balbutiements.

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Dans l’estimation la plus optimiste de l’entrepreneur et cofondateur de Colossal, Ben Lamm, si tout se déroule comme prévu, le premier bébé mammouth verrait le jour dans six ans. Il faudra cependant compter 14 autres années pour que ce mammouth hybride atteigne sa maturité sexuelle et puisse éventuellement se reproduire.

Où en sont-ils?

En 2017, l’hôpital pour enfants de Philadelphie a créé un utérus artificiel pour maintenir un agneau en vie pendant quatre semaines. Il faudrait maintenant en développer un pour non seulement mener à terme la gestation d’un éléphanteau, mais un éléphanteau qui, de surcroît, atteindra près de 100 kilos à la naissance.

L’équipe de Colossal a ciblé une soixantaine de gènes qui confèrent ses particularités au mammouth, notamment sa tolérance au froid et son épaisse couche de graisse. Ce sont ces gènes qui seront intégrés dans l’éléphant d’Asie.

Le bémol: en 2015, une équipe de généticiens avait estimé à 2020 le nombre de différences entre les génomes de deux mammouths et ceux des éléphants d’Asie aujourd’hui, et c’est probablement une sous-estimation.

Un choix éthique?

Même si ça marchait, la contrepartie de ce rêve, c’est que l’animal ne réussisse pas à s’adapter à son environnement et devienne une sorte d’«éco-zombie» qui erre sans véritablement participer à son écosystème.

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En effet, rien n’assure qu’un hybride mammouth-éléphant adopterait le même comportement que ses cousins disparus, et l’environnement a beaucoup changé en 4000 ans.

Verdict: Ça reste une hypothèse douteuse. En 2017, autant scientifiquement que technologiquement, il n’existait aucune raison pour prendre au sérieux la perspective d’un clonage de mammouth à très court terme.

Auteur

  • Laurie Noreau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. la seule agence de presse scientifique au Canada et La seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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