Rentrée culturelle hybride: les diffuseurs (presque) en mode reprise

Rentrée culturelle, présentiel, scène
Le public aime les spectacles à l’extérieur, comme celui du Festival Acadie Rock présenté le 15 août à Moncton. Photo: courtoisie Luc d’Eon
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Publié 22/08/2021 par Andréanne Joly

La rentrée culturelle sur fond de pandémie pas complètement éradiquée présente son lot de défis pour les diffuseurs de spectacles. Ceux-ci doivent encore faire preuve d’une flexibilité hors du commun pour assurer la sécurité des spectateurs et des artistes.

De Moncton à Whitehorse, plusieurs ont déjà profité de l’été pour présenter des spectacles extérieurs et mettre en valeur les talents locaux. D’autres recommencent bientôt.

Francopresse a fait une tournée du pays pour voir ce que préparent les diffuseurs de spectacles et les troupes de théâtre pour l’automne.

Vivement une rentrée culturelle en personne

Le public a soif d’activités culturelles en personne, estiment différents acteurs de la francophonie canadienne. Pendant la belle saison, les restrictions assouplies et les activités extérieures ont permis des rassemblements comme on en a peu vu dans les 18 derniers mois.

Denis Bertrand
Denis Bertrand. Photo: Mélanie Tremblay

À Yellowknife, fin juin, on a pu souligner la Saint-Jean et le public a répondu à l’appel. Grâce à des restrictions alors assouplies, le site a accueilli jusqu’à 200 personnes à la fois et près de 350 personnes ont participé à la journée d’activités.

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«Les activités extérieures sont celles qui sont favorisées par le public», au Canada comme ailleurs, rapporte l’expert-conseil en développement des publics Denis Bertrand. Il cite ici une étude publiée au début août aux États-Unis.

La distanciation est plus facile et généralement le masque peut être retiré lorsqu’il y a des sièges.

Une barrière psychologique

Cependant, la rentrée culturelle rime avec la rentrée en salle, ce qui inquiète le grand public.

À la Fédération culturelle acadienne de la Nouvelle-Écosse (FéCANE), qui rassemble des diffuseurs, le directeur général Luc d’Eon souligne qu’il «y a certainement une barrière psychologique à franchir pour assister à un spectacle après [s’être fait dire] de rester à la maison pendant un an et demi».

Acadie
Luc d’Eon.

En Nouvelle-Écosse, les salles ont compté parmi les derniers lieux à rouvrir au public. «Quand on pense spectacle, on pense “foule”, ce qui fait peur même si en réalité il n’y a pas plus de contact qu’au supermarché», observe Luc d’Eon.

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Il a d’ailleurs constaté cet été que même à capacité réduite, «les salles ne se remplissent pas comme avant».

Denis Bertrand lie notamment ce phénomène au «niveau de crainte envers le variant Delta qui augmente, même auprès des gens vaccinés».

Chaque projet au cas par cas

Pour pallier l’inquiétude du public, les diffuseurs devront encore faire preuve de flexibilité et, surtout, faire savoir que leurs installations sont sécuritaires et que «les gens qui les fréquentent s’y sentent en sécurité», estime Denis Bertrand.

Malgré ce nouveau défi et peut-être une 4e vague de covid, certains diffuseurs ont fait le choix de se lancer.

Le festival musical torontois Francophonie en fête compte présenter 26 concerts dans la promenade The Bentway, sous l’autoroute Gardiner, du 16 au 19 septembre.

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À Whitehorse, des artistes de l’extérieur — Fred Pellerin et Étienne Fletcher — doivent se présenter dans le cadre du Coup de cœur francophone (CCF) en novembre-décembre.

Dans les théâtres de Winnipeg et Moncton, on attendra à janvier. «Comme la saison dernière, nous nous ajusterons en fonction des consignes», indique la directrice artistique du Théâtre Cercle Molière (TCM), Geneviève Pelletier. Là comme au théâtre l’Escaouette de Moncton, on gère «chaque projet de façon individuelle».

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Geneviève Pelletier. Photo: Steven Ackerman

Un renouveau forcé

Le mot d’ordre, «c’est d’être à l’écoute, flexible et joyeux», soutient encore Geneviève Pelletier.

Le bien-être des publics et des artistes doit rester au cœur des décisions de tout diffuseur. «Quand tu réussis à bâtir une communauté qui t’aime, ces gens-là sont plus disposés à soutenir tout ce que tu fais», fait valoir Denis Bertrand.

Ce soutien est crucial durant cette période où les coffres se remplissent peu ou pas.

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«Tous les diffuseurs vont perdre de l’argent. Ils en perdaient dans des conditions normales, mais en pandémie, il y a moins de gens qui vont acheter de billets. À moins d’aller vers l’option hybride, en ligne et en personne», ajoute l’expert-conseil.

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À Sudbury, la Slague sonde le public pour mesurer la hâte et les inquiétudes. Photo: laslague.ca

Rentrée culturelle hybride

Justement, nombreux sont les diffuseurs qui ont eu recours, de plein gré ou à contrecœur, aux diffusions virtuelles, question d’entretenir leur lien avec le public.

«Je trouve que les organismes en Nouvelle-Écosse se sont quand même très bien adaptés aux défis de la pandémie, observe Luc d’Eon. Plusieurs ont produit du super bon contenu virtuel et commencent maintenant à faire des spectacles hybrides.»

«C’est une superbe façon de rencontrer de nouveaux artistes», renchérit Geneviève Pelletier du TCM.

C’est aussi une façon de joindre un plus grand public. «Les diffuseurs et producteurs qui ont eu recours au numérique affirment qu’ils ont rejoint dans bien des cas plus de gens que si le spectacle avait été présenté en salle», relève Denis Bertrand.

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En septembre, le Théâtre français de Toronto présente La Bulle, un spectacle présenté en extérieur. Photo: Muriel Cavanhac, TfT

Rendez-vous local

Les artistes locaux seront une clé de voûte pour la prochaine saison. «Les talents locaux vont prendre de plus en plus de place dans la programmation», estime Maxime Joly, directeur général de l’Association franco-culturelle de Yellowknife (AFCY).

C’est d’ailleurs l’approche préconisée cet été en Nouvelle-Écosse, ainsi que pour l’automne et le début de l’hiver au TCM.

Le théâtre l’Escaouette a pour sa part gardé ses artistes au travail en préparant sa production maison Crow Bar au printemps dernier, dans l’espoir de la présenter cet automne.

Malgré les obstacles, la situation a du bon. Les talents locaux y trouvent leur place grâce à différentes initiatives mises de l’avant. «Les fonds sauvés sur la production de grands concerts peuvent être mis au profit d’initiatives locales», soutient Maxime Joly.

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Maxime Joly. Photo: archives L’Aquilon

Rien ne remplace la scène

Au théâtre par exemple, le Cercle Molière, l’Escaouette, le Théâtre français de Toronto (TfT) et le Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO) ont diversifié leur programmation pour faire place à des expositions, des projets numériques, des balados et des captations.

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«Ça ne remplace jamais la présence physique d’acteurs sur scène», croit cependant Marcia Babineau de l’Escaouette.

«La programmation sera certainement différente, car le monde a changé», résume Geneviève Pelletier du TCM.

Mais les espoirs sont permis. «À voir l’engouement pour la programmation extérieure cet été, j’ose espérer qu’avec les consignes sanitaires en place, les publics seront au rendez-vous. Les artistes le sont certainement.»

Auteur

  • Andréanne Joly

    À titre de journaliste et de rédactrice, Andréanne Joly couvre les communautés francophones de l'Ontario et du Canada depuis 25 ans. Elle collabore notamment avec Francopresse, Le Voyageur de Sudbury et L'Express de Toronto. Elle travaille principalement à des dossiers liés à l'histoire, à la culture et au tourisme.

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