Regain des maladies d’amour

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Publié 16/08/2011 par Isabelle Burgun (Agence Science-Presse)

Les maux d’amour gagnent du terrain dans toutes les franges de la population. En marge du sida, de nombreuses maladies font leur retour: syphilis, gonorrhée, chlamydia…

Le 19e Congrès de la Société internationale pour la recherche sur les maladies transmissibles sexuellement, qui se tenait récemment à Québec, ouvrait sur une nouvelle inquiétante: l’apparition en Asie d’une souche de gonorrhée capable de résister à tous les antibiotiques. Michel Alary, professeur au Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l’Université Laval et président du comité organisateur du congrès, nous explique ce regain.

Agence Science-Presse (ASP) – Selon vous, le sida pourrait disparaître d’ici 50 ans. Comment éliminer la progression de l’infection transmissible sexuellement (ITS) la plus meurtrière de l’histoire?

Dr Michel Alary (MA) – Nous pourrions même y parvenir plus vite. Nous avons fait des progrès énormes au point de vue des traitements, même si nous n’avons pas encore de vaccin, et certaines approches de prévention ont démontré leur efficacité. Par exemple, chez les couples sérodiscordants (un totalement hétérosexuel et l’autre, partiellement homosexuel), le traitement précoce du VIH diminue les risques de transmission de 96%.

Chez les personnes à risque — qui changent fréquemment de partenaire — la prise d’antirétroviraux prévient l’épidémie de 50 à 70%. La circoncision réduirait aussi de 70% le risque d’infection. L’utilisation de condom permet de réduire le risque dans l’ensemble de la population. Si on met cela tout ensemble, on a ce qu’il faut pour avoir une couverture complète. Il faudrait seulement doubler notre aide — qui s’élève actuellement à 14 milliards $ — pour atteindre les 22 milliards $ nécessaires pour l’éliminer. Si les pays industrialisés se décidaient à verser 0,7% de leur PIB en aide humanitaire, ce serait possible.

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ASP – C’est une bonne nouvelle, mais pendant ce temps, les autres infections sexuellement transmissibles (ITS) progressent…

MA – C’est un phénomène généralisé. Les ITS gagnent du terrain. Au Québec, nous comptions trois cas infectueux de syphilis en 1997, et guère plus au Canada. Aujourd’hui, nous avons de 300 à 400 cas par année. C’est le résultat de la tendance du «zero sorting», les relations sans condom entre partenaires séropositifs, très populaires au sein de la population homosexuelle. Cela entraîne une résurgence d’ITS qu’on voyait rarement ici, comme le lympho granulome vénérien — invisible depuis des décennies, on en compte maintenant 20 cas chaque année — ou les cas nombreux de gonorrhée.

ASP – Quels sont aujourd’hui les «maux d’amour» les plus populaires au Québec?

MA – En plus de la syphilis, il y a aussi la chlamydia. C’est l’ITS de M. Tout-le-monde. On en retrouve particulièrement chez les jeunes hétéros. Son augmentation est elle aussi liée aux progrès de la lutte contre le sida. Il y a 10-15 ans, on mourait du sida, alors les jeunes commençaient leur vie sexuelle avec un condom. L’habitude était prise.

Aujourd’hui, ce n’est plus une maladie mortelle ou du moins, il n’est pas rare de voir des personnes vivre jusqu’à 60 ans grâce à la médication.

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Le VIH a perdu son image de dangerosité et la motivation pour mettre le condom est moins grande. C’est pour cela aussi que l’on retrouve deux à trois fois plus de gonorrhée aujourd’hui que dans les années 1980. La chlamydia est également en hausse. Elle surgit lorsqu’on change de partenaires — on note aussi une susceptibilité biologique chez les jeunes filles.

ASP – Le regain des ITS proviendrait donc des progrès liés à la lutte contre le sida?

MA – Le sida a modifié notre regard. Les gens plus à risque sont morts dans les années 80 et 90. Il était alors impératif de s’en protéger, ce qui éloignait aussi les autres infections. C’est moins vrai maintenant, car nous avons une thérapie efficace, alors les jeunes portent moins le condom et donc se protègent moins. La gonorrhée touche partiellement la communauté homosexuelle, mais aussi les personnes aux comportements à risques. Cette ITS s’avère inquiétante, car de plus en plus de souches deviennent résistantes aux traitements, aux antibiotiques. Une souche, au Japon, résiste même à tous les antibiotiques — cela a fait la nouvelle de l’ouverture de notre congrès. D’une infection banale, cela risque de devenir un vrai problème de santé publique. Dans les pays en voie de développement, les ITS autres que le sida diminuent. J’y travaille depuis 25 ans et j’en vois 10 fois moins qu’avant. La peur du sida reste très forte.

ASP – Quelles sont les solutions pour que les ITS diminuent de nouveau?

MA – Il faut trouver du fun à mettre un condom! Pour la chlamydia, il faut un retour de l’éducation sexuelle et aussi un dépistage systématique de cette infection chez les moins de 25 ans; et cela tous les ans.

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Pour la gonorrhée, cela prend de meilleurs services de notification de partenaires. Nous avions auparavant les unités sanitaires où les infirmières enquêtaient.

Sans revenir à cela, nous devrions nous inspirer de l’Ouest canadien où l’on donne aussi des prescriptions pour les partenaires. Cela semble bien fonctionner là-bas, mais ici, le Collège des médecins s’oppose à la prescription d’antibiotiques de cette manière, c’est-à-dire sans voir tous les patients. Pour la syphilis, il faut cibler le milieu gai.

Mais il faut mettre en place des stratégies gagnantes, car jusqu’à présent, les dépistages (dans les saunas, par exemple) et les campagnes de sensibilisation dans le Village ne marchent pas.

Ce qui avait bien fonctionné auprès de la population pauvre du sud des États-Unis: la grande mobilisation de la communauté avait permis d’obtenir de bons résultats. Il faut d’abord cibler la santé sexuelle et ne pas être négatif. Convaincre qu’il faut se protéger même si nous avons de bonnes nouvelles pour le sida.

Connaissez-vous vos ITS ?

La syphilis: connue aussi sous le nom de vérole, cette infection transmise sexuellement provient d’une bactérie, le tréponème pâle. Elle se manifeste par des ulcérations incolores que l’on retrouve sur les parties génitales. Le «mal de Naples», «mal des Français», «mal des Anglais», se propage 10 fois plus depuis les années 2000.

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La gonorrhée: C’est la célèbre «chaude-pisse», une infection des organes génito-urinaires causée par une bactérie, le gonocoque. Brûlures, écoulement de pus, douleurs… Cette infection entraîne parfois la stérilité. Elle se traite par des antibiotiques, mais certaines souches deviennent plus résistantes à ce traitement.

La chlamydia: C’est la plus courante des infections sexuellement transmissibles hors sida. Le petit bacille (C. trachomatis) attrapé lors de relations sexuelles provoque des infections génitales, des écoulements, des boutons et des douleurs. Un dépistage systématique et la prise d’antibiotiques sera nécessaire.

www.sciencepresse.qc.ca

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