Réconciliation avec les peuples autochtones… au Cameroun

Cameroun, autochtones
Le mont Tinguelin, site mythique de refuge des autochtones Fali pendant la période de la conquête peule au Cameroun.
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Publié 28/11/2021 par Annik Chalifour

Les conquêtes et les colonisations continuent d’impacter négativement le quotidien des populations du Nord du Cameroun, les Fali, considérées comme des «autochtones» dans ce pays d’Afrique.

Un processus de réconciliation et de réparations des pages sombres de l’histoire devrait être engagé «afin de créer une société soucieuse de justice sociale, dignité humaine, multiculturalisme, diversité et inclusion».

C’est la thèse du doctorant et chargé de cours en anthropologie à l’Université d’Ottawa, Richard Atimniraye Nyéladé, et de l’écrivain et cadre au ministère du Commerce du Cameroun, Alexis Bindowo.

Ils sont coauteurs de l’ouvrage Lamidalisme, colonialisme, esclavage et génocide des autochtones au nord Cameroun – Aux confins de l’expérience cachée des « Fali » publié aux Éditions scientifiques canadiennes.

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L’ouvrage de MM. Atimniraye Nyéladé et Bindowo.

«Contrairement aux ‘bienfaits’ de la mission civilisatrice et salvatrice tant vantés, notre ouvrage exhume la réalité des peuples d’Afrique avant, pendant et après les conquêtes, les colonisations et les traites interafricaine, orientale et occidentale des esclaves», explique Richard Atimniraye Nyéladé à l-express.ca.

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L’ouvrage présente un parallèle entre les effets «dévastateurs» de la triple colonisation (occidentale, orientale et interafricaine) sur la vie des peuples autochtones du Nord du Cameroun et de celle des Premières Nations au Canada.

Il tente d’apporter des réponses à des questions cruciales pour la coexistence pacifique entre peuples de diverses cultures partageant le même espace.

auteur
Richard Atimniraye Nyéladé

Pourquoi cet ouvrage?

«Nous avons été inspirés par l’implication des acteurs œuvrant pour la protection du droit des Autochtones au Canada et les tentatives du gouvernement canadien à rencontrer ces revendications.»

«Notre ouvrage retrace l’époque sombre du lamidalisme (système de gouvernance traditionnelle peule) et du colonialisme, et son impact sur les peuples autochtones jusqu’à aujourd’hui, en évoquant l’histoire des populations autochtones du Nord Cameroun.»

Qui sont les lecteurs cibles?

«Notre ouvrage s’adresse à tous ceux ayant une connaissance des thématiques liées au Nord Cameroun, aux traites négrières, aux colonialismes, aux génocides.»

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«Il propose également des pistes de réflexion et solutions aux politiciens, législateurs, activistes et chercheurs engagés dans le processus de réconciliation avec les peuples autochtones.»

auteur
Alexis Bindowo

Quels sont les éléments clés de votre message?

«Notre livre (327 pages) rappelle l’histoire de la conquête des Fali (peuple autochtone du Nord Cameroun majoritairement agriculteurs) par les Peuls (originellement un peuple de commerçants nomades de l’Afrique de l’Ouest et du Centre) au début du 19e siècle. Par les Allemands à la fin du 19e siècle. Et par les Français au début du 20e siècle.»

«L’instauration forcée d’un système socio-idéologique bâti sur un fond islamique comportant un élément de culture importé, le mode de production capitaliste, selon le sociologue camerounais Motaze Akam

«Sa conséquence: la destruction des cultures et des peuples locaux, comme le décrit l’historien Saibou Issa

cameroun, autochtones
Statue érigée dans la ville de Garoua, au Nord Cameroun, en l’honneur de la conquête peule.

Voici un aperçu des sujets traités en 10 chapitres:

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  • L’organisation sociopolitique et culturelle harmonieuse des Fali avant la conquête des Peuls.
  • L’instrumentalisation du lamidalisme comme système d’expansion politique et d’exploitation économique au Nord Cameroun.
  • Les ravages subséquents perpétrés durant la colonisation menée par les Allemands, puis les Français.
  • La marginalisation et l’invisibilisation soutenues des peuples autochtones.
  • Les pistes de solutions possibles et les exemples à suivre.

Quelles voies de réparations proposez-vous?

«Les Autochtones doivent procéder à l’autoréparation en restaurant les pans de leurs cultures détruites par la triple colonisation… Par des actions comme l’apprentissage de la langue, l’organisation des festivals, les productions artistiques et scientifiques…»

Danses traditionnelles des Fali.

«L’État devrait revoir la hiérarchisation des cultures consacrée par les échelons dans les chefferies traditionnelles (1er, 2e, 3e degré) et dans lesquelles les chefferies autochtones sont généralement au bas de l’échelle (2e ou 3e degré).»

«Créer une commission de vérité et réconciliation comme l’exemple du Canada. Appliquer des quotas en faveur des Autochtones à l’instar de la Norvège

«La reconnaissance de l’implication des anciennes puissances coloniales dans la déstructuration des Autochtones et leur responsabilité pour la restauration.»

«S’inspirer de l’exemple de Mouammar Kadhafi, feu président de la Lybie, qui a demandé pardon aux Africains pour l’esclavage au nom de tous les Arabes.»

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«Sans oublier le devoir de mémoire par la construction de musées et de monuments en hommage aux peuples autochtones.»

cameroun
Le Cameroun en Afrique de l’Ouest, conquis par les Peuls, puis colonisés par les Allemands et par les Français. Carte: Google

Retourner à l’humanité

«On doit retourner à ce qui nous unit tous, colons et colonisés, conquérants et conquis, dominants et dominés, bref l’humanité. C’est vers cette humanité unique et indivisible que ce livre nous convie», conclut Richard Atimniraye Nyéladé.

Amazon fait valoir ici «un ouvrage monumental, richement documenté nous tirant de l’oubli et du silence factices pour nous amener à nous voir face au passé et face à notre responsabilité pour ajuster le présent afin de préparer un meilleur avenir».

Les deux auteurs planifient la rédaction d’un second ouvrage qui pourrait être intitulé Pourquoi le silence des Autochtones?

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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