Cameroun: une crise héritée du colonialisme

En 1960, Français et Britanniques laissent derrière eux un pays fracturé entre francophones et anglophones

Samedi 24 octobre 2020 à Kumba, après le massacre à la Mother Francisca International Bilingual Academy. Photo: Twitter
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Publié 03/04/2021 par Clara Bauer-Babef

Depuis plusieurs années, le Cameroun est le théâtre de violents affrontements. Une fracture profonde divise le pays, héritage de son histoire coloniale. 

«Après le départ des colons, il a fallu ramasser les morceaux»

«Nous sommes les enfants de la colonisation», commence Rubie, étudiant camerounais qui se dit «résolu». Le jeune homme, qui vit en Allemagne, porte un regard critique sur la crise qui gangrène son pays. «Après le départ des colons, il a fallu ramasser les morceaux et essayer de faire quelque chose avec. Ce qui en sort n’est pas très beau», explique-t-il.

Ce qui en sort, c’est ce que l’on appelle communément la crise anglophone au Cameroun. Une profonde fracture qui divise le pays. 

En réalité, cette crise n’a d’anglophone que le nom. «On dit la crise anglophone, car on a l’impression que c’est porté sur la langue, que c’est juste un problème de revendications. Mais ce n’est pas que ça. Ça serait trop facile de dire que l’un des deux camps a tort. C’est le cumul de beaucoup de problèmes», déclare Rubie. 

Manifestation contre la réélection du président du Cameroun Paul Biya
Manifestation de Camerounais de Toronto en 2018. À droite: le drapeau du Cameroun. À gauche: le drapeau des sécessionnistes d’Ambazonie.

Colonisation du Cameroun

En 1946, l’ONU signe un accord de tutelle avec la France et la Grande-Bretagne, qui vont alors administrer le Cameroun.  Lorsque les colons partent en 1960, ils laissent derrière eux deux peuples pour un pays. L’un est anglophone, l’autre francophone. Chacun héritier d’un système politique différent.

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Les anglophones habitent principalement dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Ils sont une minorité et représentent environ 20% de la population camerounaise. Le pays est séparé en deux.

Pour l’étudiant, l’équation est simple. «C’est facile d’ignorer les 20% d’anglophones. Sauf que ces 20%, ce sont des êtres humains. Il faut comprendre leurs problèmes, et voir comment ils pourraient se sentir mieux au sein de la population camerounaise.»

Manifestation contre la réélection du président du Cameroun Paul Biya
Le président du Cameroun Paul Biya (Photo: Amanda Lucidon).

Affrontements de 2016 

Ce mal-être donne lieu à des manifestations et des affrontements. En octobre 2016, des grèves éclatent à Bamenda et Buea, les capitales anglophones. Les enseignants anglophones reprochent au gouvernement, majoritairement francophone, d’essayer d’éradiquer l’enseignement en anglais dans ces régions.

La riposte des militaires est sévère. Les tensions s’accentuent dans les deux camps. Chez les anglophones, un mouvement séparatiste émerge et va jusqu’à demander la création d’un nouvel État: l’Ambazonia. 

Le 1er octobre 2017, nouvelle manifestation. Plusieurs dizaines de milliers d’anglophones sont dans les rues pour réclamer l’indépendance d’Ambazonia. La tension monte encore d’un cran et 20 personnes sont tuées par les forces de sécurité, selon Amnistie internationale. 

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Référendum de 1972

En mai 1972, le président Ahmadou Ahidjo organise un référendum afin d’adopter une nouvelle Constitution. La proposition a pour but de «consolider l’unité nationale, et d’accélérer le développement économique, social et culturel de la nation».

Avec 99,9% de «oui», le Cameroun passe d’un État fédéral, à un État unitaire: la République unie du Cameroun. Malgré un résultat rempli d’espoir, en 2021, les choses n’ont pas vraiment bougé. 

Le Cameroun en Afrique.

Unifier un peuple meurtri 

Le défi du Cameroun reste le même: unifier un peuple meurtri. Selon Rubie, le système politique centralisé actuel est obsolète. Pour sortir de la crise, il ne faut pas uniquement changer de gouvernement, mais réformer tout le système politique en profondeur: «Paul Biya est au pouvoir depuis 38 ans. Je n’attends rien de lui

Il pense au fédéralisme. «Ce sont deux systèmes différents, mais qui peuvent cohabiter. Rendre aux anglophones leur autonomie gouvernementale, politique et économique.»

De nombreux Camerounais partent étudier dans la zone anglophone. Une expérience qui prouve que malgré les différences culturelles, il y a une synergie entre les deux régions. L’indépendance totale des anglophones, Rubie est contre. Pour le jeune homme, une cohabitation est possible: «Au Canada, il y a beaucoup de différences culturelles qui arrivent à coexister. Pourquoi ça ne serait pas possible au Cameroun?»

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