Radio-Canada toujours trop montréalais

Un rituel avant le renouvellement de ses licences radio et télé

L'entrée de CBC et Radio-Canada au 250 rue Front Ouest au centre-ville de Toronto.
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Publié 24/01/2021 par Laurent Rigaux

Radio-Canada passe sur le grill du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour le renouvellement de ses licences en radio et en télé. Pendant treize jours d’audience, des dizaines d’intervenants se succèdent pour dire ce qu’ils pensent du respect par le diffuseur public de son mandat.

Pour les francophones hors Québec, encore une fois, la copie est à revoir.

«Beaucoup d’émissions faites à Montréal ne prennent pas toujours en compte les préoccupations des francophones hors Québec.» Louise Imbeault ne passe pas par quatre chemins. La présidente de la Société nationale de l’Acadie (SNA) estime que le diffuseur public ne «parle pas, ou pas suffisamment» de ce qui se passe en dehors de la Belle Province.

Le mandat de Radio-Canada, prévu dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991, est pourtant limpide: la programmation doit «refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions».

Quatre entités autonomes

En Ontario, l’Assemblée de la francophonie (AFO) a appuyé la demande de renouvellement de licence de Radio-Canada… à la condition que des gestes concrets soient posés afin que la Société d’État remplisse pleinement son mandat de diffuseur national.

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Organismes franco-ontariens AFO
Carol Jolin

Témoignant devant le CRTC le 19 janvier, le président de l’AFO, Carol Jolin, a vanté le travail des stations régionales de Radio-Canada. Mais il s’est montré insatisfait du travail qui se fait au niveau national.

«Les Franco-Ontariens sont nombreux à percevoir la Société d’État comme trop centrée sur le Québec, et qu’elle ne nous représente pas bien.»

Pour y remédier, l’AFO recommande un changement à la gouvernance de Radio-Canada en y créant quatre entités autonomes (Atlantique, Québec, Ontario et Centre et Ouest du pays), toutes responsables de leurs budgets et de leur programmation.

Radiojournal «national» de Montréal

Le radiojournal national du matin, diffusé depuis Montréal, est un exemple typique des griefs des francophones hors Québec. Les informations qui y sont abordées, présentées comme «nationales», sont principalement québécoises, avance-t-on.

Louise Imbeault

«La tête du réseau à Montréal se comporte comme une station régionale», lance Louise Imbeault. «Elle ne fait pas la distinction entre les moments où elle s’adresse aux Montréalais, aux Québécois, ou au reste du pays.»

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Pour la présidente de la SNA, «Radio- Canada manque à ses devoirs», et elle l’a fait savoir devant le CRTC. Une fois de plus serait-on tenté d’ajouter: «Je l’ai déjà dit des dizaines de fois», précise celle qui fut directrice de Radio-Canada Acadie.

Le président l’AFO, lui, a imagé: «Ça fait des décennies que ça dure! Ça fait des décennies qu’on l’endure!»

«Un manque de représentativité»

Même son de cloche du côté de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (SAF’Île). Sa directrice, Isabelle Dasylva-Gill, regrette «un manque de représentativité»: «On a le sentiment d’être apparent en temps de crise, de manière exceptionnelle ou très sporadique. Et qu’il n’y a pas de francophonie ailleurs qu’au Québec.»

SAF’Île
Isabelle Dasylva-Gill

Louise Imbeault tient cependant à citer des améliorations, comme le téléjournal national sur RDI «qui reste une portion congrue».

Elle réaffirme aussi l’importance de préserver ce qui existe: les centres régionaux comme celui de Charlottetown (qui produisent les émissions matinales), et des rendez-vous comme les téléjournaux provinciaux ou régionaux. «Le seul lien permanent entre les quatre provinces de l’Atlantique» dans le cas du Téléjournal Acadie.

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«S’entendre parler»

Ce n’est pas assez pour satisfaire Marie-Claude Rioux. La présidente de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) ne mâche pas ses mots en ce qui concerne Radio-Canada. «Sur le plan national, on est absent!»

Selon elle, il n’est pas seulement question des nouvelles, mais aussi des autres émissions radio ou télé, où l’on fait «très peu appel à des intervenants qui viennent d’ailleurs que Montréal». Elle lâche: «On est très loin d’un service public dont le mandat est d’unifier le Canada.»

Marie-Claude Rioux

Les reproches de Marie-Claude Rioux ne s’arrêtent pas à Montréal. Au sein même des programmations de Radio-Canada Acadie, elle estime que la Nouvelle-Écosse n’est pas assez représentée. «On a l’émission du matin, comme à l’Î.-P.-É., mais c’est tout. À Moncton, on est un peu plus présent, mais pas beaucoup.»

Pour la directrice de la FANE, l’importance de «s’entendre parler» à la radio est une question de sécurité linguistique, notamment dans une province où les communautés francophones sont éclatées géographiquement. «Si on ne se voit pas, si on ne s’entend pas, si on ne se lit pas, ça contribue à ce sentiment d’insécurité linguistique, et ça n’encourage pas nos jeunes à postuler à Radio-Canada.»

Diversifier le recrutement

Car du côté de la FANE comme pour la SNA ou la SAF’Île, il faut  diversifier le recrutement, avec plus de journalistes issus de l’Acadie, plus de «gens qui connaissent notre réalité.»

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Louise Imbeault abonde dans le même sens: «Le recrutement est trop centralisé à Montréal».

Pour Isabelle Dasylva-Gill, la diversité devrait aussi se retrouver «au niveau décisionnel», avec une plus grande décentralisation.

Marie-Claude Rioux aimerait quant à elle voir plus de contenus produits localement et rejette l’excuse du coût ou du nombre d’auditeurs potentiels, en comparaison à celui du Québec: «C’est l’excuse qu’on nous donne toujours. Or, Radio-Canada n’est pas un service privé, mais public!»

La FCFA encore plus sévère

«Tous nos collègues sont du même avis, dans toutes les provinces», ajoute la présidente de la FANE. «Je ne pense pas que les Québécois de Gaspésie ou du Nord du Québec se retrouvent à Radio-Canada.»

FCFA
Jean Johnson, président de la FCFA

«Le mémoire que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) va présenter sera plus vindicatif», ajoute Louise Imbeault.

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Le document, qui sera présenté officiellement le 27 janvier, est effectivement sévère. La FCFA appuie «avec réserve» le renouvellement des licences de Radio Canada et se dit «profondément insatisfaite» de la manière dont le diffuseur s’acquitte de son mandat.

Et elle tacle aussi au passage CBC, qui ne ferait preuve, selon elle, d’«aucune volonté» pour créer des liens entre francophones et anglophones au pays.

NDLR: Les cinq paragraphes sur l’Ontario ont été ajoutés à cet article de l’IJL par l-express.ca

Auteur

  • Laurent Rigaux

    L’Initiative de journalisme local est financée par le gouvernement du Canada et gérée par l'Association de la presse francophone.

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