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Plan de réforme des langues officielles

Médias communautaires langues officielles
Omission intentionnelle ou erreur? Quand Mélanie Joly pense média, elle pense Radio-Canada... Photo: Sam McGhee, Unsplash
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Publié 04/03/2021 par Bruno Cournoyer Paquin

Dix-sept. C’est le nombre de fois que le diffuseur public CBC/Radio-Canada est mentionnée dans le document de réforme des langues officielles présenté par la ministre Mélanie Joly en février. Les autres médias privés et communautaires: zéro.

Une situation qui préoccupe certains intervenants du milieu et les partis d’opposition à Ottawa.

Journaux et radios

«C’est certainement une déception de voir qu’on ne se retrouve pas [dans le document de réforme des langues officielles], parce qu’on n’est pas Radio-Canada. Alors, c’est une surprise d’une part, et c’est une déception forcément», se désole Francis Sonier, président de l’Association de la presse francophone (APF).

[NDLR: la salle de rédaction de Francopresse est indépendante de l’APF.]

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Francis Sonier

Un sentiment que partage François Côté, directeur général de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC du Canada). «Lors de notre analyse préliminaire du document, notre constat est assez simple, c’est bien sûr l’absence de nos 105 médias [communautaires]. Nos médias que ne se retrouvent pas dans ce livre blanc.»

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Les médias en question sont ceux représentés par le Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire, dont font partie Quebec Community Newspapers Association (QCNA), English-Language Art Network (ELAN), l’ARC du Canada et l’APF.

Protéger les institutions

David Larose, responsable des relations avec les médias à Patrimoine canadien, souligne par courriel que «dans la réforme [des langues officielles], le gouvernement du Canada a reconnu qu’il doit toujours protéger et appuyer les institutions clés des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour soutenir leur vitalité et concrétiser les engagements énoncés dans la partie VII de la Loi».

«Le soutien aux médias communautaires en vertu de la Loi se déploie à travers le cadre du Plan d’action pour les langues officielles» qui prévoit 10 millions $ pour les médias communautaires de 2018 à 2023, précise David Larose.

Pas encore un projet de loi

Francis Sonier et François Côté se consolent en rappelant que le document présenté la semaine dernière est un «livre blanc», un rapport d’étape, et non un projet de loi.

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François Côté

«Donc, on se dit qu’il y aura surement moyen de changer le texte et de se retrouver enfin dans ce projet-là», croit Francis Sonier.

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«Ça nous a permis de travailler avec le bureau de la ministre, et c’est ce qu’on a fait, on a immédiatement appelé le bureau de la ministre. On a eu des échanges avec le bureau de la ministre Joly, et on a fait part de notre constat après la lecture de ce livre blanc», souligne François Côté.

Francis Sonier fait la même observation: «On a déjà amorcé des discussions avec le bureau de la ministre Joly et ce qu’on a découvert, c’est qu’il y a une bonne écoute, d’une part. Il semble y avoir de l’ouverture.»

Quelle place pour les médias?

Dans le document de réforme des langues officielles, on attribue à Radio-Canada les capacités de protéger, promouvoir et favoriser l’apprentissage des deux langues officielles, ainsi que de contribuer au rayonnement du français et d’être un vecteur de culture francophone.

«On reconnait l’importance de Radio-Canada, mais les 105 médias communautaires dans les milieux minoritaires anglophone et francophone partout au pays font un travail colossal sur le terrain pour amener les gens à consommer de l’information et se divertir en français», explique Francis Sonier.

Pour François Côté, les médias communautaires «c’est bien sûr un service d’intérêt public, c’est souvent un des premiers services dans leur communauté aussi. Radio-Canada ne fait pas du local, Radio-Canada est plus au niveau national et régional, alors que nous, on est vraiment des médias de proximité, des médias de communauté».

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Médias communautaires langues officielles
Le journalisme de proximité est assuré par les médias communautaires. Photo: Austin Distel, Unsplash

La voix des minorités

David Larose, à Patrimoine canadien, souligne que «bien que CBC/Radio-Canada et les médias communautaires diffèrent de par leur mission, il est évident que les médias communautaires sont cruciaux pour donner une voix aux communautés de langue officielle en situation minoritaire».

Lors des audiences du CRTC sur le renouvèlement de licence de Radio-Canada, plusieurs intervenants des communautés francophones en situation minoritaire ont soutenu ne pas se reconnaître dans la couverture de Radio-Canada.

Or, explique François Côté, «c’est déjà ce qu’on fait. Le mandat d’un média de communauté, c’est exactement ça: c’est de refléter leur communauté. Il faut que les gens puissent se reconnaitre dans leur radio, se reconnaitre dans leur journal, c’est pour ça qu’on est là.»

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Il y a plus d’une centaine de journaux ou radios communautaires en milieu linguistique minoritaire au pays. Photo: Jesus Benjamin Yam Aguilar, Pixabay

Inclus dans le plan d’action

Pour Francis Sonier, à l’APF, «les médias communautaires ont un rôle extrêmement important eux aussi au niveau de la promotion de la langue française et de la culture francophone. C’est dans ce sens que les médias communautaires doivent avoir leur place et être reconnus quelque part dans [le] projet de loi.»

Dans un mémoire présenté au Comité permanent du Sénat sur les langues officielles en 2018, le Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire proposait plusieurs pistes de solution pour soutenir les radios et les journaux en situation minoritaire.

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Il revendiquait entre autres que les médias communautaires soient explicitement nommés dans un plan d’action pour les langues officielles qui serait inscrit dans la Loi sur les langues officielles.

Le Consortium proposait aussi que la Loi reconnaisse explicitement la place des médias communautaires dans le plan de communication des organismes fédéraux.

Une erreur

Pour Alain Rayes, porte-parole du Parti conservateur pour les langues officielles, le cas des médias communautaires dans le document de réforme des langues officielles «est une omission qui est importante».

Mais «c’est un document de travail qui n’a aucune force de loi. C’est quand on va voir un vrai projet de loi qu’on va savoir quelles sont les véritables intentions de ce gouvernement, de ce qu’il veut mettre à l’avant-plan.»

Projet de loi C-10 radiodiffusion francophonie Alain Rayes
Alain Rayes

Alexandre Boulerice, le chef adjoint et porte-parole sur les langues officielles du NPD, y voit «une erreur de la part de la ministre Joly ou de son équipe, parce que quand on parle de soutenir les communautés francophones minoritaires ou de la vitalité des communautés francophones, on ne peut pas passer à côté des médias, et notamment des médias communautaires.»

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Il ajoute que «dans certains endroits, l’hebdo local ou régional peut être parfois le seul, à part Radio-Canada, le seul média qui va, en français, parler des activités de la communauté, des activités locales, des enjeux des entreprises, des écoles, etc. Donc ça fait vraiment partie de la vie.»

Dompter les géants du Web

Le député de Rosemont – La Petite-Patrie rappelle aussi que les médias communautaires sont d’autant plus vulnérables que la situation est difficile pour l’ensemble des médias. Les dernières années ont vu des suppressions de postes de journalistes et même la fermeture de plusieurs salles de nouvelles.

Projet de loi C-10 radiodiffusion francophonie Alexandre Boulerice
Alexandre Boulerice

Selon Alexandre Boulerice, le gouvernement pourrait en faire davantage. «Dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, ou peut-être [à travers] un autre ministère comme Patrimoine [canadien], il pourrait y avoir une aide spécifique et distincte pour ces médias francophones en situation minoritaire.»

Mais, pour le député néodémocrate, le gouvernement doit accélérer le processus pour assurer que les géants du Web, qui diffusent du contenu journalistique, compensent les médias financièrement pour l’utilisation de leur contenu.

Auteur

  • Bruno Cournoyer Paquin

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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