Quelques échos d’été

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 26/09/2006 par Dominique Denis

Passé le cap de la rentrée, il était temps de renouer avec les rituels d’automne, et donc avec ces chroniques hebdomadaires qui balisent mes découvertes et mes réflexions. Mais avant de m’attaquer à la pile de nouveautés que septembre nous apporte, je tenais à faire mention de quelques-unes des galettes qui ont servi de trame sonore à mon été, et que j’ai apprivoisées pour le pur plaisir mélomane. En autres mots, il s’agit pour la plupart d’honnêtes coups de cœur.

grandeur et intimité

Pas très estivales, de prime abord, ces Bach Transcriptions (Naxos) réalisées il y a près de 75 ans par Léopold Stokowski, et recréées pour notre ravissement par le chef uruguayen José Serebrier et l’orchestre symphonique de Bournemouth.

À contre-courant de l’hégémonie «authentique» qui préconise un retour aux instruments et aux techniques du Baroque, ces opulentes recréations de thèmes provenant de cantates, de fugues ou de suites orchestrales ont quelque chose de grandiose, voire de presque décadent. Si l’effet risque de surprendre, n’oublions pas qu’il y a deux ou trois générations, c’est dans cet habillage que l’on appréhendait Bach.

Souhaitons que les puristes sauront mettre de côté leurs principes pour s’imprégner de cette approche que Jean-Sébastien aurait sans doute lui-même adoptée, s’il y avait eu accès.

Publicité

Également de velours, ces deux sonates pour clarinette et piano, opus 120, de Johannes Brahms, jumelées ici à une sonate de son élève Gustav Jenner (1865-1920) sur étiquette Atma. Si la partition de Jenner offre un plaisir épidermique mais limité, on retrouve en revanche dans celles de Brahms un véritable concentré de génie mélodique, qui en font certaines de ses partitions les plus gratifiantes, tant de prime abord qu’au terme d’écoutes approfondies.

Comme en témoigne le klezmer d’Europe de l’Est, la clarinette est l’instrument qui fait le plus éloquemment écho à la voix humaine, et cette qualité n’est pas perdue dans le jeu fluide du Montréalais André Moisan: grâce à une maîtrise technique irréprochable, il parvient à nous faire oublier l’instrument et sa dimension mécanique, pour ne devenir que le vaisseau d’un chant qui, dans les plus tendres passages (on pense notamment à l’andante de la première sonate), touche au sublime.

Mémoire et honnêteté

Pour la durée de l’été, j’ai imposé chez moi un moratoire sur la chanson francophone, comme une cure de désintoxication après une overdose de chroniques télé et écrites.

J’ai quand même triché par curiosité quand nous est arrivé Un homme libre (Disques XXI/Distribution SRI), coffret regroupant trois rarissimes microsillons que Georges Dor avait gravés sur sa propre étiquette (les Disques Sillons) en 1972, 1974 et 1976. Une œuvre inégale, certes, mais fascinante dans son dénuement extrême, tant instrumental qu’émotionnel.

Sur le plan de l’écriture, Dor n’atteint pas assez systématiquement la cible pour qu’on puisse voir en lui un des très grands, et sa façon de jouer la carte fleurdelysée à la moindre occasion a de quoi agacer (c’était dans l’air du temps, vous me direz).

Publicité

Pourtant, les quelques perles que renferme ce coffret (Qui bat la mesure du cœur, par exemple) sont au niveau de ce que faisaient Léveillée et Ferland à la même époque, le panache en moins. Quant au son de ces disques, largement déterminé par leur petit budget, il reflète l’esthétique low-fi qui a maintenant cours chez tant d’artistes. Autant dire que cette œuvre mérite d’être redécouverte, ne serait-ce pour que son auteur soit associé à autre chose que le refrain de La Manic

Lyrisme et Volupté

Au royaume du jazz, il y a les héros romantiques de la trompette, les Miles et Chet, qui incarnent non seulement un art d’improviser mais aussi un art de vivre, irrésistible parce que dangereux. À l’autre extrême, il y a les Ruby Braff et les Warren Vaché, qui n’ont jamais su – ou cru nécessaire – de se fabriquer un personnage à l’image du lyrisme déchirant qui émane souvent de leur instrument.

Maintenant que Braff nous a quittés, Warren Vaché porte seul le flambeau de cette discrète élégance. Dans la noble tradition des disques pour soliste et ensemble à cordes (Charlie Parker, Clifford Brown, Stan Getz et Chet Baker s’y sont tour à tour adonnés), Vaché nous livre Don’t Look Back (Arbors).

Un disque profondément gratifiant, tant pour la sonorité veloutée que produisent les douze instrumentistes du Scottish Ensemble que pour les arrangements à l’ancienne, qui ne sont pas sans évoquer Nelson Riddle, le génial arrangeur de Sinatra.

Soucieux de ne pas s’en tenir aux lieux communs, Vaché évite les My Funny Valentine et autre Stardust au profit d’une superbe lecture de It Was Written In The Stars de Harold Arlen, et une séduisante Valse Prismatique, composée pour l’occasion par le guitariste James Chirillo, qui mériterait de passer au répertoire des standards du jazz.

Publicité

Pas du genre à tartiner le pathos, Vaché laisse son instrument faire corps avec l’orchestre, et l’improvisation – toujours respectueuse de la mélodie – faire le reste. Du grand art.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur