Québec et francophonie minoritaire: un rapprochement en vue?

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Les drapeaux de la francophonie canadienne. Illustration: quebeccultureblog.com
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Publié 21/03/2023 par Camille Langlade

Le mois de mars résonne depuis longtemps comme celui de la francophonie. Mais cette année, un nouveau rendez-vous vient s’inscrire à cet agenda: la Journée québécoise de la francophonie canadienne, le mercredi 22 mars.

Organisée par le Centre de la francophonie des Amériques, cette journée s’inscrit dans le cadre du Plan d’action qui accompagne la nouvelle politique en matière de francophonie canadienne du Québec.

Parmi les objectifs affichés par le gouvernement: mieux faire connaître aux Québécois la réalité des francophones vivant en milieu minoritaire. Mais aussi «sensibiliser», complète Jean-François Roberge, ministre de la Langue française.

Méconnaissance et empathie

«C’est une bonne intention de viser les Québécois. C’est un des enjeux centraux des relations [entre la province et le reste de la francophonie canadienne]», estime le sociologue acadien Joseph Yvon Thériault.

Journée québécoise de la francophonie canadienne
Joseph Yvon Thériault. Photo: Émilie Tournevache

«Ce n’est pas un antagonisme; c’est un angle mort, une espèce d’inconscience du Québec du fait qu’il y a un million de francophones dans le Canada autour du Québec.»

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«Dans la population québécoise en général, il y a une empathie, une sympathie pour les francophones hors Québec. Mais avec une espèce de méconnaissance, de surprise que ça existe encore», reconnaît-il.

Quand on parle de la francophonie minoritaire, c’est souvent à travers une lentille démographique ou institutionnelle, mais rarement sous le prisme de la «vitalité communautaire», poursuit le spécialiste. Ou par temps de crise.

«La question de l’Université en Ontario français a suscité un grand sentiment d’empathie au Québec, qui a participé d’ailleurs à ce renouveau des relations. On voit que la crise linguistique au Nouveau-Brunswick le fait, analyse-t-il. Mais dans la vie ordinaire, il n’y a pas de grandes pressions pour ça.»

«Voir les bonnes pratiques ailleurs»

L’idée d’un rapprochement entre les deux francophonies n’est pas nouvelle. Mais pour Sylvain Lavoie, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, la politique actuelle du gouvernement québécois «se veut vraiment une politique action».

Journée québécoise de la francophonie canadienne
Sylvain Lavoie. Photo: Jean Rodier

«C’est une façon de s’ouvrir et de vraiment marquer le coup. Pour inciter les organisations, que ce soit gouvernementales, la société civile, communautaire ou autres à s’intéresser davantage à la francophonie canadienne et de créer des ponts.»

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Un rapprochement d’autant plus important selon lui «dans le contexte linguistique» actuel, alors qu’une «question nationale se pose sur l’avenir de la langue».

«Cela permet d’aller chercher les bonnes pratiques de l’un et de l’autre», s’enthousiasme Sylvain Lavoie. «En francophonie canadienne, il y a effectivement des expériences uniques qui sont favorables pour le Québec dans son questionnement par rapport à la langue française. Allons voir les bonnes pratiques ailleurs!»

Un tournant politique?

Pour autant, est-ce que cette politique introduit réellement un nouveau chapitre dans la relation particulière qu’entretient le Québec avec le reste des francophones au pays?

Selon Joseph Yvon Thériault, les dernières années ont été synonymes d’un certain rapprochement politique. «L’élection de la CAQ [Coalition avenir Québec] et l’affaiblissement du projet souverainiste ont ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunité pour les relations entre la francophonie hors Québec et les Québécois.»

Une occasion qui, d’après lui, n’a pas été totalement saisie. «Je ne suis pas sûr que les francophones hors Québec l’ont compris et ont tiré le maximum de profit qu’ils pouvaient de cette ouverture, ou le maximum de reconnaissance. Ils sont demeurés un peu craintifs et instrumentaux dans leurs relations.»

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Mais depuis un an, on assiste à un certain refroidissement de ces relations, estime le sociologue. Notamment à cause des débats autour du projet de loi C-13, portant sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Déclin de langue française

Pourtant, les deux francophonies se rencontrent autour d’un même combat: le maintien du français au Canada.

«Se lever chaque matin, choisir de vivre en français et de renouer avec cet engagement chaque jour: cela fait partie de l’ADN francophone. Du Québec, il faut démontrer qu’on est solidaires et qu’on est ensemble pour la maintenir vivante!», déclare Sylvain Lavoie.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) applaudit d’ailleurs la création de cette Journée québécoise. Pour Liane Roy, sa présidente, cet événement s’inscrit dans une série de gestes au service du rapprochement des francophonies canadiennes.

Enjeux francophones, élections fédérales
Liane Roy. Photo: FCFA.

Elle rappelle que la Loi 96 inclut «une volonté du gouvernement du Québec de tendre la main aux francophones des autres provinces et territoires et d’assurer son leadership en matière de francophonie canadienne».

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Pour Liane Roy, les 75 actions du nouveau Plan d’action du Québec constituent également un tournant: «Avant, on travaillait seulement avec le secrétariat aux relations canadiennes. Maintenant, on peut travailler avec plusieurs ministères et agences de l’administration.»

Sylvain Lavoie se veut très optimiste pour la suite. D’après lui, les Québécois veulent répondre présents. «Des librairies indépendantes participent aussi à l’évènement en proposant des auteurs francophones. Tout le monde a voulu mettre la main à la pâte. C’est une formule gagnant-gagnant pour tout le monde», affirme-t-il.

Pouvoir faire communauté

«On s’est aperçu, avec tout ce qui est sorti dans les recensements, que le français est vraiment vulnérable au Canada et nous avons tout à gagner à nous rassembler», corrobore Liane Roy.

«Si on veut faire société en Amérique, il faut qu’il y ait une communauté qui se construise avec le Québec», considère de son côté Joseph Yvon Thériault.

«Les francophones hors Québec ne peuvent pas percevoir le Québec comme une culture étrangère. S’ils le perçoivent ainsi, il sont voués à une espèce de minorisation et ce n’est pas ça qu’ils veulent.»

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Pour le sociologue, le milieu artistique est celui qui a le mieux réussi «sa jonction avec le Québec».

«Les communautés culturelles et artistiques hors Québec ont d’une certaine façon compris que leur public était québécois, et qu’ils ne pouvaient pas faire du Québec bashing continuellement.»

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