Quand une femme doit disparaître pour mieux renaître

femme, Isabelle Hébert, Destins
Isabelle Hébert, Destins, tome 1, Les porteuses de secrets, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2022, 360 pages, 24,95 $.
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Publié 29/06/2022 par Paul-François Sylvestre

La vie québécoise au début du XIXe siècle demeure un sujet de prédilection pour nombre de romanciers et romancières qui tissent des histoires à plus d’un tome, souvent centrée sur des femmes. Isabelle Hébert embarque dans le jeu avec Les porteuses de secrets, premier tome de Destins.

Nous sommes en 1907, dans le village de Saint-Simon-des-Neiges où la famille Roy est invitée par le curé Boucher à héberger pour un moment Agathe Senécal. Cette jeune fille vient d’accoucher clandestinement d’un enfant qu’elle a dû donner en adoption. Il faut secourir l’infortunée et la sauver du déshonneur.

Un curé très présent

Je mentionne le curé parce qu’il occupe une place prépondérante, voire démesurée, dans la vie de ses ouailles. Il conseille non seulement en matières spirituelles mais matérielles aussi. Lors d’élans amoureux, c’est lui qui autorise ou non les fréquentations.

En toutes situations, «l’homme d’Église se devait de pouvoir trancher.»

Isabelle Hébert excelle dans la description détaillée des sentiments, que ces derniers soient d’amour, de honte, de détermination ou de détresse. Tous les personnages sont peints dans des tons qui font écho à leur vie souvent bouleversée par des rebondissements bien dosés.

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Réapprendre à faire confiance aux hommes

Pour être heureuse, Agathe doit réapprendre à faire confiance aux hommes. Elle tombe heureusement dans une famille bienveillante et se rend utile dans toutes les tâches ménagères. Lorsque la mère accouche de jumeaux, le séjour de la jeune fille est prolongé.

Les nouveaux-nés, une fille et un garçon, sont appelé «les bessons». Cela m’a rappelé un souvenir d’enfance. J’ai eu une sœur jumelle et le voisin frappait à notre porte pour demander à mère s’il pouvait entrer afin de voir… les bessons.

Dans ce roman, on passe facilement d’élans réconfortants à de tristes abîmes. Célina, une sœur d’Agathe, accouche elle aussi clandestinement. Elle perd l’enfant et on l’envoie s’occuper d’une veuve en campagne. Le curé Boucher est aussi mêlé au sort de cette «orpheline».

Une femme qui prend son destin en main

Ce premier tome de Destins montre comment on peut disparaître pour mieux renaître. Une fille peut apprendre à survivre sans homme, sans se marier. Elle peut «prendre en main son destin», se bâtir une vraie vie à elle.

La romancière se penche aussi sur le destin de la famille d’Agathe et de Célina, qu’elle exile à Waterville, dans l’État du Maine où vivent plusieurs Canadiens français qui travaillent dans les factories. C’est une occasion d’illustrer comment «le point de vue d’une femme peut être bien différent de celui des hommes».

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Parlant d’hommes, le roman décrit avec une acuité discrète le comportement d’un mari, d’un beau-père et d’un prétendant. Ici, les dialogues sont plus courts, plus saccadés, plus directs. Le présumé amoureux d’Agathe n’aime pas se retrouver «les deux pieds dans cette mélasse collante qu’il avait tant redoutée».

Des jeunes femmes de caractère

Ce premier de deux tomes campe des jeunes femmes de caractère. Elles ont beau penser faire le deuil d’une situation sordide, les émotions qui y sont rattachées ne les quittent jamais.

Et la romancière a entrouvert plusieurs portes sur des avenues à explorer dans le prochain tome.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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