Quand l’histoire des Noirs fera partie de tout le calendrier

Février, mois de l’histoire des Noirs

Mois de l'Histoire des Noirs
Le rappeur Webster veut «sortir le mois de l'histoire des Noirs de février». (Photo: Philippe Ruel)
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Publié 05/02/2019 par André Magny

Depuis 1995 au Canada, février annonce ce temps de l’année où est souligné l’apport des Afro-Canadiens à leur communauté, qu’elle soit francophone ou anglophone. Presque 25 ans après son officialisation, un tel mois est-il toujours pertinent?

Un historien américain

De fait, il faut remonter à 1926, aux États-Unis, pour voir apparaître une première célébration de l’importance des Noirs au pays de l’Oncle Sam.

C’est l’historien afro-américain, Carter G. Woodson, qui proposa d’honorer les réalisations des Noirs américains et d’accroître ainsi la connaissance de leur histoire à l’occasion de la Negro History Week.

Par la suite en février 1970, la semaine devient un mois de commémoration. Ce dernier est officiellement reconnu en 1976 par le gouvernement américain, dans la foulée du bicentenaire des États-Unis.

Mois de l'Histoire des Noirs
Leonard Braithwaite, Jean Alfred, Jean Augustine

Une députée canadienne

Au Canada, selon Patrimoine canadien, bien qu’il y ait eu certaines célébrations au début du XXe siècle, il faudra attendre 1995 avant que la Chambre des communes ne reconnaisse «officiellement le mois de février comme étant le Mois de l’histoire des Noirs au Canada à la suite d’une motion initiée par l’honorable Jean Augustine, première Canadienne noire élue au Parlement.»

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Mme Augustine, née à la Grenade, était membre du Parti libéral du Canada.

Du côté francophone, Jean Alfred est passé à l’histoire quand il a été élu député du Parti québécois en Outaouais, lors de la première élection d’un gouvernement péquiste en 1976.

C’est Leonard Braithwaite qui aura été le premier Afro-Canadien à siéger dans un parlement au Canada, soit celui de l’Ontario, en tant que député libéral d’Etobicoke en 1963.

Mois de l'Histoire des Noirs
Le rappeur Webster (Photo: Philippe Ruel)

Un navigateur portugais

À la question quelque peu impertinente sur le bien-fondé d’un tel mois en 2019, le rapeur et historien québécois Webster va droit au but. «L’histoire des Noirs, ce n’est pas vraiment encore dans les mœurs des gens. Quand on parle d’histoire des Noirs, les référents sont afro-américains. Les référents afro-canadiens, on n’en parle pas. Tout comme l’histoire des Autochtones, l’histoire des Noirs au Québec ou au Canada, ce n’est pas dans la tête des gens.»

Mathieu DaCosta

Après tout, qui peut affirmer qu’il a entendu parler dans ses cours d’histoire du primaire ou du secondaire de la présence de l’Africain Mathieu Da Costa, polyglotte (français, hollandais, portugais) et interprète entre les Micmacs, les Innus et Champlain lors de ses premiers voyages en Nouvelle-France?

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Bien que Da Costa fut un homme libre, le porte-parole du Mois de l’histoire des Noirs à Québec affirme qu’il n’était pas rare que le bilinguisme ou le trilinguisme de certains esclaves soit mis en évidence par leurs maîtres ou les esclavagistes qui les vendaient…

Sortir l’histoire des Noirs de février

Pour Webster, il n’est pas question de faire deux voies parallèles en ce qui concerne l’histoire des Noirs et l’histoire tout court. «Il faut sortir l’histoire des Noirs du mois de février. Cette histoire doit intégrer l’histoire, point. C’est notre histoire collective.»

Il n’y a qu’à regarder la composition des bureaux des différents organismes œuvrant au soutien des francophones au Canada, pour voir combien est florissant l’engagement des Noirs francophones.

Certaines associations comme la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) n’hésitent pas à soutenir diverses activités reconnaissant la vitalité de la communauté noire.

Mois de l'Histoire des Noirs
Padminee Chundunsing (Photo: Minesh Ramchurn Studio)

Dans le sens de l’inclusion

Pour Padminee Chundunsing, présidente de la FFCB originaire de l’ile Maurice, «le Mois de l’histoire des Noirs est pertinent en milieu minoritaire francophone, car il va dans le sens de l’inclusion de la reconnaissance. Ce sont des valeurs piliers de notre communauté. Connaître l’histoire du Canada, de ses communautés, ne peut que nous enrichir. Cela nous apprend que la nation s’est bâtie, parfois dans la peine, de cultures et d’ethnies diverses.»

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Questionnée à savoir si les Franco-Colombiens apprécient à leur juste part tous ces accents formant leur communauté, Padminee Chundunsing est d’avis que «pour certains, c’est quelque chose de nouveau qu’il faut apprivoiser le temps de la découverte, pour d’autres, c’est une façon de vivre et une ouverture d’esprit dont on s’enrichit au quotidien.»

Championne de diversité

Dans l’Est, à l’Île-du-Prince-Édouard, la Société Saint-Thomas d’Aquin (SSTA) est dirigée par Isabelle Dasylva-Gill. Originaire de France, elle reçut en 2016 le Prix de championne de diversité, décerné par la Coopérative d’intégration francophone de l’IPÉ.

Bien que la SSTA n’organise rien pour le Mois de l’histoire des Noirs, sa directrice générale est d’avis que ce serait «certainement une opportunité à explorer dans le futur».

Celle-ci estime que la pertinence d’un tel mois «est liée au fait qu’il existe encore le besoin de sensibiliser les citoyens et citoyennes, quelle que soit la génération à laquelle ils ou elles appartiennent. C’est une occasion de célébrer l’histoire et le patrimoine des Canadiens noirs.»

Mois de l'Histoire des Noirs
Isabelle Dasylva-Gill

À lire ou relire: Rue Deschambault de Gabrielle Roy

Dans ce roman formé de récits, l’auteure franco-manitobaine pose notamment un regard sur tout ce qui la rapproche et la sépare des êtres et des choses.

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L’arrivée de deux Noirs, employés de la compagnie de train, sera l’un de ces éléments qui transformera le petit monde de sa rue alors que Blancs et Noirs se rassembleront finalement grâce à la musique.

Ce qui fera dire à Joseph Nnadi, ancien doyen de la Faculté des lettres à l’École normale supérieure de l’Université du Nigéria à Nsukka, que Gabrielle Roy est «une romancière de l’antithèse».

Auteur

  • André Magny

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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