Quand l’art donne vie aux mots

Pseudo-Fiction à l'Alliance française pendant un mois

Shawn Serfas, peintre, Catherine Parayre, auteure, Laëtitia Delemarre, directrice culturelle de l'AFT.
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Publié 16/11/2017 par Laurie Humbert

Catherine Parayre, auteure francophone, et Shawn Serfas, artiste anglophone, ont collaboré pour créer un ensemble de pièces uniques, mêlant art visuel et littérature, intitulé Pseudo-Fiction.

Leur travail est exposé jusqu’au 14 décembre à la galerie Pierre Léon de l’Alliance française, au 24 Spadina Road, où l’entrée est gratuite.

Pseudo-fiction, pas autobiographie

Catherine Parayre écrit des textes liés au thème de la blessure. Elle s’inspire de son expérience personnelle, notamment des deux accidents auxquels elle a survécu.

Il lui a fallu 10 années pour être presque tout à fait guérie d’un premier accident de la route, survenu lorsqu’elle avait 18 ans, dans le sud de la France.

Un deuxième accident, cette fois au Canada, lui a laissé des séquelles au niveau de son bras gauche.

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Les textes de Catherine ne sont pas autobiographiques. «Je n’aime pas les autobiographies, c’est pas que je déteste, c’est juste que ce n’est pas un genre littéraire que j’aime», confie-t-elle à L’Express.

«En un certain sens, tout est autobiographique dans la vie, on met une part de nous-même dans ce qu’on produit. Mais je n’écris rien d’intime.»

Elle trouve alors une alternative à l’autobiographie, la «pseudo-fiction», où elle regroupe ses textes. Dans son travail d’écriture, elle a reçu de l’aide de la part de l’auteur franco-ontarien Paul Savoie.

Catherine Parayre explique son travail à l'aide de l'oeuvre Chemicals
Catherine Parayre explique son travail à l’aide de l’oeuvre Chemicals

Une collaboration «réussie»

Shawn et Catherine se sont rencontrés à l’Université Brock, dans la région de Niagara, où ils enseignent tous les deux – elle la littérature, lui les arts visuels. Shawn Serfas est peintre et réalise des lithographies.

«Avec Shawn, nous ne sommes pas amis, nous avons une relation de collègues, de coopération, un respect et une admiration mutuelle, on aime simplement travailler ensemble», précise Catherine.

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Shawn est un peintre abstrait, Catherine elle, cherche l’abstraction dans l’écriture. C’est donc naturellement qu’ils on eu l’idée de cette collaboration.

«On a vu que ça rendait quelque chose de bien, on s’est dit «c’est pas mal», alors on a continué. Ce sont les meilleures collaborations, celles qui ne sont pas forcées. Est-ce que nos œuvres sont réussies? Ce n’est pas ça la question. Ce qui est réussi, c’est notre coopération.»

Shawn Serras devant une de ses collaboration avec Catherine Parayre.
Shawn Serras devant une de ses collaboration avec Catherine Parayre.

Esprit et matière

Selon Catherine, écriture littéraire et art visuel sont indissociables.

Shawn apporte la matière organique. La lithographie, est un travail en relief, très organique, de superposition de couches de papier, d’enduits, et d’acryliques…

Catherine apporte le texte, qu’elle écrit directement, à la main, à l’aide de stylos et feutres de bonne qualité, dans un travails très précis et longs.

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«Le résultat, c’est une question de placement. Le texte est déstructuré, car Catherine doit composer avec ma matière. Ce serait intéressant de lui demander de nous lire un de ses textes de bout en bout, avec l’œuvre pour support», suggère Shawn à L’Express.

Selon Catherine, elle apporte «ce qui change». L’ajout de ses textes au travail de Shawn est le fruit d’une réaction chimique: lentement, de façon invisible pour l’œil, les mots de Catherine font corps avec le papier et les différents matériaux. Parfois, les mots s’effacent au moment même où Catherine les couche sur le papier.

«Son travail devient un fantôme», selon Shawn.

Les mots de Catherine prennent vie pour se mouvoir avec ce qui les entoure, puis, finalement disparaîssent et ne laissent que des traces fantomatiques, sur le papier.

Zoom sur On the River, une des pièce de la collection Pseudo-Fiction
Zoom sur On the River, une des pièce de la collection Pseudo-Fiction

Description ≠ interprétation

Mais gare aux interprétations, Catherine Parayre n’en veut pas.

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«À l’université, j’enseigne l’introduction à la littérature francophone. Un de mes cours consiste à enseigner l’art visuel et la littérature: comment certaines œuvres littéraires prennent la forme de l’art. Ce qui importe, ce sont les techniques, je ne cherche pas l’interprétation!»

Cette logique, elle l’applique à son propre travail, qu’elle décrit, mais n’interprète pas. «On ne demande pas aux gens d’aimer, ou de ne pas aimer. On cherche seulement à ce que les gens interagissent avec les œuvres, sans rien verbaliser, c’est ça la base de l’art. Une interaction.»

Passion pour l’observation

Selon Catherine, le bonheur ne consiste pas à parler, mais à regarder. «Une définition du bonheur consiste pour moi à traîner dans des musées des jours entiers. J’adore ça, j’y passe des heures. Sans parole,  il faut juste se laisser pénétrer par l’œuvre.»

Les textes de Catherine sont composés en majeure partie de longues descriptions. Elle le dit elle-même, elle ne s’attache pas aux personnages, elle traduit sa passion pour l’observation par le caractère indéniablement descriptif de ses textes. Pour l’auteure, écrire est un art visuel.

On se laisse pénetrer par les longues description de Catherine.

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Grâce à une mouche

Aujourd’hui enseignante, Catherine a appris l’art de la description toute seule. Elle se souvient de la révélation de cette passion.

«J’étais au collège en France, en 6e, (l’équivalent de la 7e au Canada, ndlr). Je n’étais pas une très bonne élève, car j’étais plutôt… rebelle. On avait reçu une consigne de rédaction, qui nous demandait de décrire un animal. Ça ne me botte pas trop les animaux. Les autres avaient tous un chat, un chien ou un poisson à la maison, moi non.»

«Je me souviens d’un jour ensoleillé, j’étais chez moi, dans ma cuisine, je réfléchissais à ce devoir. Et alors, dans mon ennui profond, dans mon désespoir, une mouche est arrivée et s’est posée juste devant moi, sur la table. C’était une belle grosse mouche! Alors j’ai passé ma composition à la décrire, je l’ai observé longtemps, cette mouche qui se déplaçaient sur la table de la cuisine, et j’ai eu une bonne note!»

C’est à ce jeune âge que Catherine a découvert à quel point elle aimait observer, regarder, et décrire, simplement, sans jugement.

L'exposition Pseudo-Fiction à l'AFT est gratuite jusqu'au 14 décembre
L’exposition Pseudo-Fiction à l’AFT est gratuite jusqu’au 14 décembre

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