Quand la culture arabe produisait des savants et des poètes

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Publié 11/07/2006 par Pierre Léon

Chaque fois que paraît un livre d’Henriette Walter, on se régale d’avance. Avec Arabesques, L’Aventure de la langue arabe en Occident, en collaboration avec Bassam Baraké, les lecteurs seront ravis, une fois de plus.

Les auteurs sont des érudits, tous deux linguistes: Walter, professeur émérite à l’université de Rennes et membre du Conseil Supérieur de la langue française; Baraké, professeur à l’université de Beyrouth, membre du Conseil Supérieur de traduction de la langue arabe. Tous deux sont lexicologues et phonéticiens de renom international.

Arabesques est un livre passionnant. On y apprend beaucoup et de la façon la plus agréable, comme dans tous les ouvrages où Henriette Walter met sa griffe. Les auteurs nous racontent l’histoire et la culture arabe tout en nous renseignant sur les origines et le cheminement des mots jusqu’aux langues d’occident.

L’arabe est une langue sémitique, de la même famille que l’hébreux. De même que la Bible aura contribué à l’unification des tribus juives, Walter et Baraké nous montrent le rôle unificateur du Coran pour les peuples arabes. La religion musulmane connaît un succès foudroyant. En moins de deux siècles, l’Islam a conquis un empire qui s’étend de l’Arabie à la Chine et à l’Atlantique.

La langue arabe nous est présentée, succinctement mais avec une grande clarté et toujours avec des exemples intéressants. On nous montre ainsi la filiation linguistique entre tous les mots commençant par l’article al», parfois altéré, comme dans: alambic, alfa, alcôve, almanach, amiral, arsenal, etc. Les aspects phonétiques et lexicaux sont présentés de manière précise. Leur impact sur plusieurs langues occidentales est montré. Mais c’est surtout le lexique qui est privilégié.

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On trouvera donc là, classés par ordre alphabétique, une liste exhaustive de tous les termes qui nous viennent de l’arabe. Un vocabulaire de quelques 500 mots, de l’abricot au zouave, en passant l’almanach, le magasin, le sucre et bien d’autres. Il serait intéressant d’en faire un classement thématique.

Mais les auteurs, tout le long de l’ouvrage, ne manquent pas – à l’aide d’anecdotes, souvent savoureuses – de nous montrer la relation entre l’apport linguistique et la culture arabe.

La civilisation arabe compte les plus grands savants du monde, entre le début de l’Islam, au VIIe siècle, et le Moyen âge. Elle produit des philosophes, des grammairiens, des médecins, des astronomes, des poètes, des conteurs.

Les Mille et une Nuits, que la France ne découvrira qu’au XVIIIe siècle, aura un retentissement considérable. Montesquieu et Voltaire seront les premiers d’une lignée d’auteurs qui trouveront dans le texte arabe une prodigieuse source d’inspiration.

De grands poètes exaltent la passion amoureuse, les femmes, le vin – à l’époque des Abbassides, à partir du milieu du VIIIe siècle.

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Les oeuvres en prose de cette époque témoignent aussi de l’essor d’une littérature libre de s’exprimer, souvent pleine d’humour et d’esprit satirique. La femme y est omniprésente.

Parmi les écrivains cités, on trouve Abû Nuwas, le plus grand poète de son temps (VIIIe-IXe), «chantre de la jouissance sous toutes ses formes, même les plus débridées». Il a laissé une oeuvre qui va «du lyrisme élégiaque à l’érotisme le plus brûlant, le plus licencieux, le plus impudique, où l’ostentatoire se mêle à la dérision». Les temps ont bien changé…

L’ouvrage se termine par un chapitre, joliment illustré, sur ces oeuvres d’art que sont les calligraphies arabes. Au total un enrichissant et bien rafraîchissant parcours que ce livre.

Henriette Walter et Bassam Baraké, Arabesques, L’Aventure de la langue arabe en Occident, Paris, Robert Laffont/ Éditions du Temps, 2006, 320p. Bibl.

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