Proxima du Centaure: un vieux rêve

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Publié 01/09/2016 par Pascal Lapointe

Les Na’vi, les Tibériens, les Cybertrons, les Alphans et bien d’autres… Qu’ont en commun ces extraterrestres? Depuis trois quarts de siècle, toutes sortes de récits de science-fiction en ont fait des habitants d’une planète tournant autour d’Alpha ou de Proxima du Centaure, là même où l’on vient d’annoncer la découverte d’une planète.

Si «Alpha du Centaure» — comme on a longuement baptisé un groupe composé en réalité de trois étoiles — a été à ce point présente dans la culture populaire, c’est parce qu’étant notre plus proche voisine, à «seulement» quatre années-lumière de nous.

C’est la cible logique pour une première mission interstellaire, bien qu’un tel voyage prendrait des dizaines de milliers d’années avec les moyens actuels. Et lorsqu’un auteur de science-fiction envoie une mission vers une autre étoile, il a intérêt à y placer des planètes pour pimenter le récit.

De fait, les romanciers ont été optimistes tout au long du XXe siècle. Bien qu’il ait fallu attendre 1995 avant que les astronomes ne découvrent pour la première fois des planètes autour d’autres étoiles que la nôtre, non seulement les récits ont-ils offert de nombreuses planètes autour d’Alpha ou de Proxima du Centaure, mais surtout, des planètes habitables.

Et parfois même, une civilisation. Des insectes intelligents de Philip K. Dick (Les Clans de la lune alphane, 1964) jusqu’à la civilisation technologique des Centauriens humanoïdes de John Harrison (The Centauri Device, 1975) ou prétechnologique du film Avatar (James Cameron, 2009). Sans compter les humains eux-mêmes qui, lorsque le récit démarre, ont colonisé Alpha du Centaure depuis des siècles (Babylon 5), voire des millénaires (la série Fondation d’Asimov).

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Bref, le système du Centaure a créé à lui seul davantage d’attentes que les 100 milliards d’autres étoiles de notre galaxie!

Si la découverte annoncée le 24 août se confirme, elle constitue donc une récompense, mais aussi un point final: quoi qu’il arrive, l’humanité ne trouvera jamais une planète extrasolaire plus proche que celle-là.

Comme l’écrit la journaliste Rebecca Boyle dans The Atlantic: «Aucune autre étoile, faible ou froide, ne gît dans les abysses entre le système d’Alpha du Centaure et notre système solaire. D’une certaine façon, la première découverte d’une planète possiblement habitable dans notre cour arrière est aussi une dernière. Dans la chasse à nos voisines cosmiques, cette planète est ce que nous aurons de mieux.»

Et la vie ?

Il pourrait s’écouler beaucoup de temps avant qu’on ne sache si cette planète est plus qu’un bloc de pierre inerte.

Les experts évaluaient cette semaine à au moins 10 ans le délai avant d’avoir des télescopes assez puissants pour déterminer si la planète possède une atmosphère, et pour y détecter éventuellement de la vapeur d’eau, de l’oxygène ou du méthane, indices qui seront attendus avec impatience.

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Pour l’instant, les détails sur «Proxima Centauri b» sont minces, et pour rendre cette planète «habitable», il faut jongler avec beaucoup de «mais»…

Parce qu’elle tourne autour de son étoile en seulement 11,2 jours, elle lui présente toujours la même face (comme notre Lune par rapport à la Terre), ce qui signifie que cet hémisphère reçoit des doses de radiations néfastes pour la vie et pour une éventuelle atmosphère.

Mais, spéculent les chercheurs, peut-être la planète s’est-elle initialement formée plus loin, donnant le temps à la vie d’émerger.

Cet écart entre les deux faces doit créer d’énormes différences de température entre le jour et la nuit, rendant difficile la présence d’eau. Mais, spéculent encore les chercheurs, on peut imaginer une zone tempérée à la frontière du jour et de la nuit.

La journaliste Nadia Drake, du National Geographic, a même trouvé un duo d’astrophysiciens à l’Université Cornell qui ont spéculé, dans une étude à paraître, sur des êtres vivants capables de «transformer des radiations mortelles en fluorescence pour survivre». Jack O’Malley-James et Lisa Kaltenegger ont imaginé ce scénario dans un contexte où, depuis quelques années, la communauté des astronomes s’est mise à considérer avec plus d’intérêt les naines rouges comme Proxima du Centaure.

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Mais peu importent les bémols, renchérit l’astrobiologiste Caleb Scharf, toutes les réserves évoquées cette semaine l’ont également été pour toutes les planètes extrasolaires prometteuses des 20 dernières années.

Or, celle-ci a quelque chose d’unique pour exciter l’imagination: sa proximité. «La chose la plus importante de toutes est que notre contexte cosmique n’avait pas besoin d’être comme ça. Le plus intéressant des systèmes exoplanétaires proches n’avait pas à être celui qui serait le plus proche de nous.»

«Personnellement, je pense que cela pourrait (et devrait) marquer un tournant dans notre regard sur le cosmos. Changer notre vision de l’Univers ne se fera pas du jour au lendemain, et agir en fonction de cette nouvelle perspective peut prendre encore plus de temps. Mais ça devra se produire.»

«Les mondes de Proxima du Centaure pourraient se révéler inhospitaliers, mais la simple confirmation de ce fait aura un impact scientifique énorme. Et peut-être cette nouvelle planète se révélera-t-elle être un endroit tempéré, habitable et habité. Cela n’aurait pas juste un impact scientifique, ça nous ouvrirait littéralement le cosmos.»

Quelques considérations

C’est donc le 24 août qu’une équipe internationale a annoncé, en conférence de presse et par un article dans Nature, avoir détecté une planète faisant 1,3 la masse de la Terre, autour de l’étoile Proxima du Centaure.

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Proxima du Centaure est la plus petite des trois étoiles formant le système du Centaure (Alpha, AlphaB et Proxima). Elle est aussi un peu plus proche de nous que les deux autres. Elle n’a été découverte qu’en 1915.

On parle traditionnellement de 4,2 années-lumière. Pour être précis, Alpha du Centaure A et B sont à 41 200 000 000 000 de km de nous. Proxima du Centaure, à 39 900 000 000 000 de km.

Proxima est une naine rouge, c’est-à-dire une étoile qui émet peu de chaleur et de lumière (seulement 12% de la masse de notre Soleil, 0,15% de sa brillance). Toutefois, comme cette planète se trouve très près de son étoile, elle tombe, selon les astrophysiciens, dans la «zone habitable»: celle où la température ne serait ni trop chaude, ni trop froide.

C’est en référence à cette naine rouge qu’en parallèle, une équipe de communicateurs associée à ces chercheurs a créé le site Pale Red Dot, un effort pour vulgariser cette quête d’une planète autour de Proxima du Centaure.

Comme c’est le cas avec la quasi-totalité des planètes extrasolaires détectées depuis 1995, il ne faut pas attendre de photo avant longtemps: il s’agit d’une détection indirecte, où les variations de la luminosité de l’étoile trahissent la présence d’un «compagnon».

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D’autres variations, évoquées récemment par le chercheur principal, Guillem Anglada-Escudé, de l’Université de Londres, pourraient trahir la présence d’une autre planète, plus massive, mais le signal est jugé encore trop faible et incertain.

La présence d’une planète autour d’Alpha du Centaure B a été évoquée en 2012, puis rejetée, mais des astronomes gardent encore espoir.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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