Le prochain premier ministre de l’Ontario ne parlera pas français

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Le drapeau Franco-Ontarien flotte en permanence au mat de Queen's Park. Photo: archives l-express.ca.
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Publié 24/10/2021 par Émilie Gougeon-Pelletier

Aucun des chefs des trois principaux partis politiques de l’Ontario ne parle français. Un promet de l’apprendre depuis qu’il est élu. L’autre juge ne pas avoir besoin de l’apprendre pour bien représenter les Franco-Ontariens. Et la dernière affirme ne pas avoir trouvé de programme à la hauteur.

Le premier ministre progressiste-conservateur Doug Ford promet depuis qu’il est élu qu’il apprendra le français. Mais les seules phrases qu’on a pu l’entendre prononcer dans la langue de Molière sont «Bonjour mes amis» et «Restez à la maison».

En 2019, il avait réitéré cette promesse, en affirmant qu’il serait «pretty easy» («plutôt facile») pour lui d’apprendre le français.

«Quand il a annoncé qu’il allait apprendre le français et que ce serait facile, ça démontrait dès le départ une incompréhension de la tâche qui était devant lui», souligne la professeure adjointe au département de science politique du Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Stéphanie Chouinard.

«Apprendre une langue seconde, quiconque est passé par là sait que ça se fait avec un effort soutenu. Disons que les attentes n’étaient pas très élevées d’avance.»

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Le chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, le premier ministre Doug Ford.

Ford: à cause de la pandémie

Doug Ford a déjà affirmé que toute personne élue devrait apprendre le français! Cette sermaine, il a fait savoir qu’il a dû mettre sur pause ses apprentissages durant la pandémie, pour des raisons de sécurité.

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Stéphanie Chouinard

«La pandémie m’a fait arrêter. Je vais y arriver, mais je voulais juste être prudent», a lancé le premier ministre aux médias, lundi.

«Cette excuse ne tient pas vraiment la route», juge la politologue. «Compte tenu du fait qu’on sait qu’il y a des cours de langue en ligne.»

Stéphanie Chouinard note d’ailleurs que «M. Ford devrait le savoir, puisque le gouvernement de l’Ontario a demandé aux élèves de l’Ontario de suivre des cours en ligne» durant une grande partie de la crise sanitaire.

Modernisation de la Loi sur les services en français

Elle rappelle que lors des premiers mois du gouvernement Ford, la communauté franco-ontarienne a été «profondément blessée» par ses actions.

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«On est à moins d’un an des prochaines élections. Malgré certaines avancées, il demeure que les gros dossiers, pour le moment, stagnent.»

Le Commissariat aux services en français n’a toujours pas retrouvé son indépendance, rappelle-t-elle, et malgré les promesses de la ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney, la Loi sur les Services en français n’a toujours pas été modernisée.

La rumeur court que cette modernisation sera incluse dans un projet de loi omnibus en novembre ou décembre… Et qu’elle sera en deçà des attentes de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, le lobby politique des Franco-Ontariens.

Même s’il ne suit plus de cours de français, Doug Ford soutient qu’il pratique la langue «tout le temps» avec la ministre Mulroney.

«Elle est une bonne enseignante de français et me donne toujours les phrases, alors j’y arriverai.»

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Le chef du Parti libéral de l’Ontario, Steven Del Duca, a été ministre dans le gouvernement de Kathleen Wynne.

Del Duca: pas besoin

Steven Del Duca juge qu’il n’a pas besoin d’apprendre le français pour être un bon leader pour la communauté francophone.

Pourtant, il avait lui aussi promis de le faire lors de son élection comme chef du Parti libéral de l’Ontario (PLO), en mars 2020.

«C’est un très mauvais départ pour M. Del Duca de revenir aussi rapidement sur une promesse qu’il avait faite», remarque Mme Chouinard.

«Le Parti libéral se targue d’être le champion de la communauté francophone… De voir un nouveau chef fraîchement choisi revenir sur sa parole comme ça de façon un peu nonchalante… Ça pourrait endommager l’image de marque du PLO auprès des électeurs francophones.»

La politologue souligne que le chef du PLO ne devrait pas utiliser la présence de voix connues de la francophonie, telles que celles d’Amanda Simard et de Lucille Collard, notamment, comme une béquille.

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Andrea Horwath, cheffe du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario, l’Opposition officielle à Queen’s Park.

Horwath: pas de bon programme

Cette béquille, elle existe aussi au sein du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, avec une présence importante d’élus francophones au Nord de la province, tels que France Gélinas et Guy Bourgouin, entre autres.

La cheffe de parti Andrea Horwath est élue à l’Assemblée législative de l’Ontario depuis 2004. Elle est à la tête du NPD depuis 2009. Elle affirme ne pas encore avoir été en mesure de trouver un programme d’apprentissage du français qui lui convient.

«On est plus que passé le temps des excuses pour Mme Horwath. Si elle avait voulu, elle aurait été en mesure de le faire à ce point-ci», déplore Stéphanie Chouinard.

En 2018, lorsque son parti est devenu l’opposition officielle à Queen’s Park, Andrea Horwath avait affirmé ne pas pouvoir promettre d’apprendre le français si elle devenait première ministre.

Queen's Park
Discours du Trône à l’Assemblée législative de l’Ontario en 2018.

Un recul

Le chef du Parti vert Mike Schreiner est le seul à la tête d’un parti ontarien qui suit des cours de français actuellement. Mais c’est aussi le seul parti à ne pas offrir de version française de son site web.

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«Ça démontre un recul de la place du fait français, à tout le moins symboliquement sur la scène politique ontarienne», estime Stéphanie Chouinard.

«Au cours des dernières années, il y a des chefs qui ont fait des efforts. L’ancienne première ministre Kathleen Wynne s’est améliorée durant son temps à la tête de la province. Elle envoyait des signaux comme quoi il y avait une importance symbolique de la place du fait français.»

L’actuel gouvernement ontarien a été élu le 7 juin 2018. Les prochaines élections doivent être tenues le ou avant le 2 juin 2022.

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