Plus de diplômes en Ontario qu’au Québec… Mais que valent-ils?

La note la plus basse est 50%

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 28/06/2018 par Michèle Villegas-Kerlinger

Le 2 mai dernier, Radio Canada a publié un article intitulé Diplomation : l’Ontario fait mieux que le Québec pour le même prix.

Le journaliste Mathieu Dion fait l’observation suivante: «Alors qu’au Québec le taux de diplomation aux études secondaires a plus ou moins stagné, nos voisins ontariens ont vu leur taux augmenter considérablement depuis une décennie.»

Les statistiques qu’il cite sont les suivantes :

Année Ontario (% de diplômés) Québec (% de diplômés)
2008 72% 65%
2015 84% 64%

M. Dion souligne le fait que les deux provinces ont augmenté leurs investissements en éducation au même rythme entre 2004 et 2014. L’année suivante, en 2015, le Québec et l’Ontario ont dépensé 12 636 $ et 13 236 $ respectivement par élève et les dépenses globales en éducation, aux niveaux primaire et secondaire, représentaient presque 4% du PIB de chacune des deux provinces.

Malgré tout, les résultats au Québec semblent laisser à désirer lorsqu’on les compare à ceux de l’Ontario.

Publicité

Ordre professionnel

Selon le journaliste, le Québec envisagerait l’adoption de certaines mesures déjà mises en place en Ontario et qui pourraient expliquer en partie le plus grand nombre de diplômés dans cette province.

D’abord, il y a l’ordre professionnel, l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, fondée en 1997, qui réglemente la profession. Ensuite, l’école est obligatoire en Ontario jusqu’à l’âge de 18 ans en vertu du projet de loi 52 qui a été adopté en 2006.

Efficacité

M. Dion cite Égide Royer, spécialiste en matière d’éducation, qui fournit une autre explication: «L’Ontario a ciblé ses dépenses en fonction de ce qui a le plus d’effet.»

Bien que la prétention de M. Royer mérite d’être examinée de plus près, certains experts avancent un quatrième facteur qui expliquerait le succès de l’Ontario: les politiques mêmes du ministère de l’éducation.

En 2010, ce dernier a publié un document intitulé Faire croître le succès, dont voici un extrait: «Le gouvernement de l’Ontario s’est engagé à créer les conditions nécessaires pour que tous les élèves puissent atteindre leur plein potentiel et réussir. Puisque les élèves sont tous uniques, notre défi consiste à ajuster nos stratégies pédagogiques en fonction de leurs objectifs d’apprentissage personnels, de leurs habiletés, de leurs préférences en matière d’apprentissage et de leurs champs d’intérêt afin de favoriser leur succès. Nous avons établi des attentes et des normes élevées que les élèves doivent satisfaire afin d’obtenir leur diplôme d’études secondaires; nous avons aussi élaboré de nombreuses initiatives qui répondent aux besoins éducatifs des élèves et qui favorisent leur réussite.»

Publicité

50%, le nouveau zéro?

On pourrait se demander en quoi consistent ces «initiatives» auxquelles fait allusion le gouvernement.

L’une d’elles serait l’élimination des zéros, politique introduite en Ontario en 2010 et déjà très populaire aux États-Unis où, dans certains états, la note la plus basse est 50% et, dans d’autres, 70%. En Ontario, l’élimination des zéros veut dire actuellement que le professeur n’a pas le droit d’accorder un zéro à un élève qui a manqué un test ou qui n’a pas remis un travail.

Mais, peu à peu et de plus en plus, la politique de l’Ontario ressemble à celle des États-Unis. Plusieurs provinces du Canada, qui avaient adopté cette même politique, sont déjà revenues sur leur décision suite à son échec.

Chose étonnante, d’un côté, Faire croître le succès conseille aux professeurs de n’accorder des zéros qu’en dernier recours, alors que d’un autre côté, le ministère impose une politique d’élimination des zéros à tous les conseils de la province.

Alors, est-ce que réussir veut dire que l’élève peut refaire le même test autant de fois que nécessaire jusqu’à obtenir une note de passage?

Publicité

Le succès, est-ce permettre à l’élève coupable de plagiat de refaire tout simplement une tâche?

Peut-être que la réussite passe par le remplacement de tous les tests par des projets, phénomène de plus en plus commun dans les écoles vu l’impossibilité d’un nombre croissant d’élèves de réussir des tests et des examens. Qu’est-ce que l’impossibilité d’échouer enseigne aux jeunes?

Moyennes trop élevées

Selon Faire croître le succès, le standard de la province est fixé à un niveau 3 (entre 70% et 79%) sur une échelle de 4.

Donc, si la moyenne du cours d’un professeur est d’un niveau 2 (entre 60% et 69%) ou 1 (entre 50% et 59%), il se peut bien que l’enseignant ait à expliquer ces résultats à la direction de l’école et, dans certains cas, il pourra être fortement encouragé à changer des notes.

Par contre, si les moyennes sont d’un niveau 4 (80% ou plus), personne ne dira rien car tout le monde y trouve son compte : la direction, le professeur, les parents et les élèves. Mais, qu’est-ce que les élèves apprennent si l’on leur donne une note qu’ils ne méritent pas?

Publicité

9 années d’échec = 1 réussite?

Voici un autre exemple: une classe de mathématiques, 9e année. Les élèves ont déjà fait huit années d’études en maths et, par conséquent, on pourrait s’attendre à ce qu’ils aient les connaissances de base dans la matière.

Mais combien de ces élèves ont échoué un, plusieurs ou même tous leurs cours de mathématiques entre la 1re et la 8e année?

Comme les élèves ne redoublent plus les cours à l’école élémentaire en cas d’échec, les lacunes peuvent devenir extrêmement difficiles à combler une fois le jeune arrivé à l’école secondaire. Dans ces cas-là, le professeur de la classe de 9e année est obligé de retourner à la case départ, surtout si un nombre important de ses élèves accusent un sérieux retard.

Après tout, comment enseigner la géométrie et l’algèbre à un élève qui ne sait pas les quatre opérations de base?

Pourtant, à la fin du trimestre, la plupart des élèves, sinon tous, recevront leur crédit de 9e année, mais pour un cours dont le curriculum ne correspond pas forcément à celui de la 9e année. Ce sera à l’enseignant d’assurer la réussite de ses élèves en modifiant le contenu du cours.

Publicité

Il y a écoles et écoles

Autre point non négligeable: il n’y a pas d’uniformisation d’un conseil scolaire à l’autre ni même d’une école à l’autre dans un même conseil. Cela veut dire qu’un élève peut avoir un 80% dans une école pour un cours et un 90% dans une autre école pour le même cours.

De tels résultats favorisent le magasinage des écoles dont certaines cherchent désespérément des élèves, une baisse de leurs effectifs signifiant des mutations ou des mises à pied de professeurs.

De leur côté, les élèves cherchent l’école qui leur garantira les meilleures notes pour qu’ils puissent être admis dans le programme postsecondaire de leur choix. Mais une fois acceptés dans ce programme, combien de ces élèves auront les compétences nécessaires pour le terminer?

La pertinence des tests provinciaux

Depuis ses tout débuts, la pertinence de l’OQRE, l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, fondé en 1996, est sujette à controverse. Chaque année, cet organisme administre trois tests provinciaux de mathématiques (en 3e, en 6e et en 9e années) et le TPCL, ou le Test provincial de compétences linguistiques, pour les élèves en 10e année.

Certains détracteurs de l’OQRE se plaignent des 35 millions $ dépensés chaque année pour les tests. Mais d’autres, dont certains professionnels de l’éducation, veulent les abandonner en raison des piètres résultats des élèves, surtout en mathématiques.

Publicité

L’institut Fraser, un organisme canadien indépendant se spécialisant dans l’économie, la société et l’éducation, publie chaque année les résultats des tests de l’OQRE. Leurs données sont assez révélatrices :

https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/ontario-secondary-school-rankings-2018.pdf

https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/bulletin-des-ecoles-secondaires-du-quebec-2017-11688.pdf

Bien que les tests provinciaux ne soient pas parfaits, ils sont les seuls moyens de mesurer le progrès, ou le recul, de tous les élèves en Ontario. Et même si ces tests ne disent pas tout, ce sont les seuls tests standardisés dont on dispose. Ils nous permettent de comparer les résultats des élèves et des écoles et de voir les tendances générales à l’échelle de la province.

En fin de compte, il y a peut-être plus de diplômés en Ontario qu’au Québec, mais on peut se demander ce que vaut réellement le diplôme d’études secondaires de l’Ontario.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur