Une large all-dressed, deux grosses poutines italiennes, deux cokes, 58,20 $. Voilà ce que Karl doit livrer. Il nous livre aussi ses états d’âme et ses élans libidineux dans Antonio Pizza, roman de Francis Juteau.
La pizzeria Antonio est située à Rosemont (Montréal) et fournit du travail à plusieurs employés, dont quatre ou cinq livreurs. La mécanique des livraisons donne lieu à des échanges tour à tour sympathiques, comiques ou stressants. L’action se déroule un vendredi-samedi-dimanche d’hiver où une neige abondante rend les déplacements parfois pénibles.
Porno
Karl, 32 ans, explique comment il a «d’abord consommé de la porno par interdiction, ensuite par excitation, puis par habitude, enfin par ennui». Dans l’industrie du sexe, note-t-il, les bons comédiens sont rares. Ils excellent dans l’art de se mettre n’importe quoi en bouche… sauf des dialogues. «Quand on en trouve qui savent à la fois jouer et jouir, il ne faut pas les lâcher.»
Notre livreur-narrateur a une blonde prénommée Charlie qui semble capable de jouir longtemps. «Je ne parle pas juste d’orgasmer, plutôt de jouir de l’orgasme. […] Rien n’est encore terminé dans la douche alors qu’elle continue de frissonner un peu, preuve que son orgasme n’est pas qu’un moment, mais un espace à habiter aussi longtemps qu’elle désirer y rester.»
Pizza apolitique
Quelque part entre le parmesan et la mozzarella, Karl réussit à souligner comment la pizza est apolitique. Il parle de Donald Trump qui vient à peine d’être élu (2016) et glisse que tout le monde mange de la pizza, les Démocrates comme les Républicains. «Aucune autre bouffe ne rassemble autant qu’elle.»