Parlons chanson avec… Richard Séguin

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Publié 18/01/2016 par Dominique Denis

«Je suis très touché par l’attention que vous portez à mon travail et à ma création artistique», admet d’emblée Richard Séguin. «C’est toujours une grande émotion pour moi de savoir que les chansons trouvent écho dans le cœur des gens.»

À vrai dire, une telle modestie de la part d’un des géants de la chanson québécoise ne devrait pas nous étonner. En effet, cela fait quarante ans que l’auteur-compositeur originaire de Pointe-aux-Trembles nous livre ses mots et ses mélodies avec simplicité et intégrité.

À l’instar de Félix, Richard Séguin est davantage un «homme qui chante» qu’un chanteur dans le sens que l’industrie musicale a donné à ce terme.

Dans le cadre de cette chronique mensuelle qui raconte la petite histoire des grandes chansons, les étudiants du cours Parlons chanson avec Dominique Denis se sont entretenus avec Richard Séguin sur la genèse de Dans ma peau, une pièce qui, bien qu’elle ait été dévoilée au public il y a une quinzaine d’années (étant parue en 2000 sur l’album Microclimat), n’a strictement rien perdu de sa pertinence.

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Dans ma peau demande à l’auditeur de se mettre à la place de ceux et celles qui se trouvent dans des situations douloureuses, ce qui n’est pas toujours facile. Comment y arrivez-vous dans votre propre vie?

Il faut prendre le temps, le temps des rencontres et d’entendre les autres.

Cet été, pendant ma tournée dans l’est du Québec, j’ai fait la rencontre d’une mère célibataire employée dans un hôtel de Gaspésie. Elle me raconte qu’elle vit seule avec son enfant et que la vie est parfois difficile. Elle aurait bien aimé voir le spectacle, mais elle n’en avait pas les moyens financiers.

Nous lui avons offert des billets de courtoisie. Quelques mots échangés dans la simplicité, l’écoute et l’authenticité, cela permet de rejoindre l’autre dans sa réalité. C’est parfois beaucoup plus simple qu’il n’y paraît.

Cette chanson est-elle née d’expériences concrètes que vous avez vécues ou dont vous avez été témoin, et qui vous ont confronté à la délicate question de l’empathie?

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«Les mots méritent qu’on les vive, sinon ils ne disent rien et trahissent le réel». Cette citation est du poète Michel Garneau.

Il ne faut pas chercher loin, les gens sont là près de nous, mes chansons parlent d’eux. Toutes les personnes croisées au fil des tournées, du quotidien ou des voyages sont présentes dans l’acte d’écriture.

Au fond, j’aimerais que mes chansons témoignent de toutes leurs histoires de vie.

Pensez-vous que des chansons comme Dans ma peau ont encore la capacité d’inspirer les gens à réévaluer leurs valeurs, ce qui permettrait d’améliorer la situation de ceux et celles qui sont muets, invisibles et impuissants?

Pour répondre à cette question, voici une anecdote. Un jour, j’ai reçu un courriel de Marc Chabot avec qui j’ai écrit les paroles de Dans ma peau.

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Voici ce qu’il me confiait: «Hier, je prenais ma marche dans le quartier, tu sais quand on passe par les rues d’en arrière pour aller aux Puces, on passe sur un parking de «vans», c’est un centre de distribution pour les magasins Provigo.

Actuellement, c’est la grève, les employés font du piquetage 24 heures par jour pour empêcher les camions de venir s’en mettre plein le ventre. Les grévistes avaient fait un petit feu pour se réchauffer et ils ont même fabriqué un arbre de Noël. Ils étaient là sur la ligne et ils écoutaient et chantaient Les petits pouvoirs. Parfois les chansons sont utiles. Elles voyagent sans nous. »

Ma grande joie est de savoir que la chanson Dans ma peau fait maintenant partie du répertoire de Florent Vollant.

Si vous deviez maintenant écrire un couplet additionnel à cette chanson, pour y introduire un quatrième personnage «sacrifié» par la société, qui choisiriez-vous et pourquoi?

Le fleuve Saint-Laurent, parce que les pétromonarchies s’apprêtent à faire de ce fleuve une autoroute maritime au profit des pétrodollars. C’est un sacrilège.

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Dans ma peau

Elle dit : J’ai vingt ans
Pas d’amour, pas d’argent
Mais je garde mon enfant
À l’abri des grands vents
Se cacher pour pleurer
Faire comme si rien n’était
J’voudrais me reposer
Me coucher dans l’été
[…]
Je suis d’une nation
Arrachée aux forêts
La langue de ma mère
Liée à la rivière
C’est par où la franchise
Quand tout est marchandise
Besoin d’une terre promise
Qui battrait sous ma chemise
Dans ma peau pour une heure
Mets-toi dans ma peau.


Entrevue réalisée par les étudiants du cours de français langue seconde Parlons chanson avec Dominique Denis. Pour en savoir davantage sur ce cours, rendez-vous sur le site www.dominiquedenis.ca


À lire aussi dans L’Express: les autres articles de la série Parlons chanson avec…

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