Paris berbère: cœur et raison s’éclatent

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Publié 13/03/2012 par Paul-François Sylvestre

Hédi Bouraoui a récemment publié son douzième roman intitulé Paris berbère. À eux seuls, ces deux mots laissent déjà deviner qu’il est question de pluralisme culturel, un thème cher à ce professeur émérite de l’Université York.

Paris berbère nous introduit dans la vie d’un couple franco-algérien, Théophile Deviau et Tassadit Aït Mohand. Leurs relations constituent un chassé-croisé qui nous fait traverser aussi bien les frontières historiques que les frontières culturelles. L’aïeul de Théophile et celui de Tassadit partagent d’ailleurs l’amour de la poésie, ce «don du verbe qui enflamme».

Auteur de 21 recueils de poésie, Hédi Bouraoui est prisonnier des mots, ce qui ne l’empêche pas d’en inventer au besoin. Son personnage, écrit-il, est heureux quand il donne libre cours à ses rêveries qui aboutissent à ce qu’il appelle sa faisance ou ce plaisir de faire quelque chose de gratuit, «ce coup qui comble de bonheur».

Théophile cherche à «délier quelques nœuds gordiens de sa vie», à résoudre un algorithme «qui apporterait le point d’orgue à la faisance ultime et en même temps le repos à sa conscience torturée». La vie de Théo se module au gré d’absences et de présences, tantôt de sa mère, tantôt de sa femme.

La partie la plus intéressante du roman, à mon avis, porte sur Mai 68. J’ai eu l’impression qu’Hédi Bouraoui était presque aux côtés de Daniel Cohn-Bendit, qu’il faisait la guerre des barricades dans le Quartier latin, qu’il entendait Sartre se faire huer à la Sorbonne et qu’il prêtait une oreille critique à Charles de Gaulle discourant sur une réforme en profondeur.

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À travers la confrontation des colons et des colonisés dans ce Paris berbère, il m’a semblé poindre une définition de l’écriture. Je dirais même que c’est là le mérite principal du roman.

Pour Hédi Bouraoui, «l’écriture est une démarche où le devoir d’aligner des mots se confond avec la joie de voir surgir devant soi tout un monde à partir de l’impossible dans un chaos d’inspiration et de blocages.»

Le roman est truffé de références littéraires. Théo est d’abord un descendant du «prince des poètes» du XVIIe siècle, Théophile de Viau.

À un moment donné, il se retrouve muet «comme Meursault, dans L’Étranger d’Albert Camus. [… Il] éprouve des affinités avec Roquentin de Sartre dans La Nausée, Tchen dans La Condition Humaine de Malraux, Augustin dans Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier.»

Chaque chapitre a une citation en exergue; certaines sont d’auteurs très connus comme Baudelaire, Montesquieu ou saint Augustin; d’autres sont d’auteurs maghrébins tels que Malek Alloula, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Abou-l-Qasim Ach-Chabbi et Mustapha Nyssaboury.

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Paris berbère est un roman finement architecturé, avec ces accents historiques et, surtout, ses élans poétiques. Le cœur et la raison s’affrontent, se marient, se séparent pour mieux s’éclater.

Hédi Bouraoui, Paris berbère, roman, Ottawa, Éditions du Vermillon, 2011, 294 pages, 20 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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