Pajtim Statovci: connaissance trouble de l’amour

Pajtim Statovci, Bolla
Pajtim Statovci, Bolla, roman traduit du finlandais par Claire Saint-Germain, Saint-Germain-en-Laye, Éditions Les Argonautes, 2023, 256 pages, 40,95 $.
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Publié 26/08/2023 par Paul-François Sylvestre

Le roman Bolla de Pajtim Statovci, jeune prodige de la littérature finlandaise, est en cours de traduction dans 17 langues. Au sujet de ce roman implacable sur le désir, la liberté et la destruction, le New York Times a écrit qu’il s’agit «d’une réalisation splendide» et que Statovci est «un talent majeur».

Bolla met en scène Arsim, 24 ans, qui rencontre Miloš, 25 ans, à l’université de Pristina, au Kosovo en 1995. Tout semble les opposer: le premier est Serbe, le second est Albanais, et leurs deux ethnies s’enfoncent dans un conflit meurtrier. Pourtant, face à une société où l’homosexualité est un crime, ils s’aiment.

Rencontre et séparation

Arsim décrit leur première rencontre dans un café en ces termes: «il y a quelque chose de nu et d’indompté, d’inexplicable mais éloquent». Après avoir couché avec un homme pour la première fois, il se dit que c’était encore meilleur que dans ses rêves les plus débridés. «C’était fou et follement bon.»

La relation est de courte durée, car la guerre éloigne les deux hommes. Arsim, son épouse et son enfant sont contraints de de fuir à l’étranger pour échapper aux affres d’un conflit meurtrier. Après la guerre et son retour au Kosovo, Arsim se met à la recherche de Miloš.

Articulé autour de la légende d’un serpent démoniaque, Bolla, le récit de cette passion contrariée et vouée à l’échec, se déploie dans une prose de grande élégance. Pajtim Statovci écrit que «le bonheur c’est de savoir qu’il n’y a pas de bonheur, et le chagrin c’est la sagesse de le supporter».

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Supporter la réalité

Miloš apparaît à Arsim en souvenirs qui s’abattent sur sa rétine, en sons qui lui déchirent l’esprit, en odeurs contenant de notes de lui. «Je pense beaucoup à Miloš. À l’émotion qui me prenait à le regarder dans les yeux, à cette intrication merveilleuse de distance et de proximité.»

Les deux hommes ont été longtemps absents l’un à l’autre. Ce qu’ils ont laissé derrière eux prend une importance capitale. Cela devient mythique.

Bolla passe d’une anticipation de l’avenir à une négociation tendue du passé. Selon Statovci, ce n’est qu’en échappant aux circuits étouffants de la fantaisie que nous pouvons commencer à supporter la réalité.

Deux inconnus

Arsim livre le fond de sa pensée en ces termes: «Je ne peux pas dire que je connais cet homme, seulement l’homme qu’il fut un jour, et même celui-là superficiellement, le temps d’un été. Et je ne connais pas l’homme qui sut un jour quelque chose de cet homme-là, car lui non plus n’est plus. Ni ce qui un jour s’est produit et a été entre ces deux hommes.»

Pajtim Statovci est né au Kosovo en 1990 et a émigré à l’âge de deux ans avec sa famille en Finlande. Professeur de littérature comparée à l’université d’Helsinki, il est l’auteur de Mon chat Yugoslavia (Denoël, 2016) et de La Traversée (Buchet-Chastel, 2021). Bolla a remporté le prestigieux Prix Finlandia en 2019.

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Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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