On protège davantage les «beaux» animaux

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il vaut mieux être beau si on est un animal qui veut susciter la sympathie et attirer du financement. Photo: SEPAQ
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Publié 29/07/2022 par Catherine Crépeau

L’annonce l’an dernier, par la ville québécoise de Longueuil et la SÉPAQ, que des chevreuils allaient être euthanasiés en raison de leur surpopulation, a fait bondir les amis des animaux. La réaction aurait-elle été la même s’il avait été question d’un animal moins mignon? Nous constatons que poser la question, c’est y répondre…

Beauté et moralité

Les animaux en voie de disparition ont avantage à être mignons ou attendrissants s’ils veulent faire l’objet d’une campagne de conservation, à en croire la littérature scientifique.

Selon les participants à une étude publiée en 2019 dans la revue Animals, les animaux mignons, comme les dauphins et les koalas, se méritent plus de considération morale que les espèces moins attrayantes, comme les chauves-souris et les sangliers.

Les chercheurs de l’Institut universitaire de Lisbonne sont arrivés à cette conclusion après avoir demandé à 509 adultes de regarder 120 photos d’un animal sur un fond blanc.

Les participants devaient ensuite évaluer les animaux — allant des lixiviats aux vers de terre en passant par les vaches et les chimpanzés — sur 11 aspects, dont leur dangerosité, leur capacité à penser et à ressentir, l’acceptabilité pour les humains de manger l’animal et le sentiment de protection qu’il provoquait.

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Biais d’attractivité

Ces résultats sont confirmés par ceux de six études menées auprès de 1662 personnes par des chercheurs australiens.

Ces derniers ont exploré l’effet de l’attrait physique sur nos préférences pour certaines espèces… En s’appuyant sur le fait que les personnes attirantes sont plus susceptibles d’être perçues comme intelligentes et compétentes que les personnes peu attirantes. Un phénomène appelé biais d’attractivité.

Ils ont aussi découvert que nous accordons une plus grande valeur morale et une plus grande pureté à la beauté, que ce soit chez les personnes, les animaux, les paysages ou les bâtiments.

Ainsi, nous sommes plus préoccupés par les beaux animaux que par les animaux laids, même les plus dangereux.

Des animaux comme nos enfants

Une explication parfois évoquée est que les animaux mignons nous rappelleraient les bébés humains.

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Une étude publiée à ce sujet en 2014, évoquait que les animaux avec de grands yeux et des traits faciaux doux, déclencheraient nos instincts parentaux.

D’autres chercheurs ont conclu que l’effet de l’apparence du visage sur la gentillesse était lié à l’intérêt humain pour les nourrissons. L’anthropozoologue James Serpell appelle cela la réponse humaine mignonne, qui interprète le comportement social des compagnons animaux en termes humains.

Les beaux animaux ne sont cependant pas tous mignons. Par exemple, le papillon monarque est jugé magnifique, mais ne suscite pas de réflexe parental…

L’effet Bambi

L’autre explication est appelée l’effet Bambi: une objection à la mort d’animaux perçus comme mignons ou adorables. Le terme s’inspire évidemment du film d’animation de Walt Disney de 1942 où la mère du jeune paon se fait tuer par le chasseur, laissant le petit Bambi seul et vulnérable.

C’est en vertu de cet effet que des groupes d’amis des animaux en viennent parfois à s’opposer aux organismes qui gèrent la faune, au risque de nuire au reste de l’écosystème.

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Par exemple, les opposants à l’euthanasie des cerfs du parc Michel-Chartrand à Longueuil semblent oublier que leur trop grand nombre menace l’habitat.

Une étude sur la protection des koalas publiée en 2008 faisait allusion à l’effet Bambi, suggérant que pour aider les animaux sauvages les plus agressifs et hostiles à être plus aimés, des dessins animés plus «mignons» devraient être créés pour eux.

Animaux «charismatiques»

En biologie, on parle bel et bien de mégafaune charismatique ou d’espèces charismatiques.

Le premier terme désigne essentiellement de grands mammifères comme le lion, l’éléphant d’Afrique, la baleine à bosse ou le panda géant, possédant tous quelques caractéristiques des humains — réelles ou perçues — comme l’intelligence.

Les auteurs d’une revue sur l’utilisation du terme en science — et dans le domaine de la conservation des espèces — évaluent que le potentiel charismatique de ces espèces semble un paramètre crucial dans la définition d’un programme de conservation et sa promotion.

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Verdict: nous sommes sensibles à la beauté

Les études s’entendent, sans surprise, pour dire que nous sommes sensibles à la beauté. Et cela suscite un désir de protection.

Autrement dit, il vaut mieux être beau si on est un animal qui veut susciter la sympathie et attirer du financement. Les chevreuils de Longueuil pourraient en témoigner, s’ils pouvaient parler.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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