C’est chose bien connue, l’écrivain est jaloux de ses confrères. Il ne l’avouera pas, bien entendu. Je vais faire exception à la règle et vous avouerai que j’aurais bien aimé être l’auteur du recueil Il faut me prendre aux maux. Mais cet honneur revient à Luc Bureau que je félicite bien fraternellement. À partir de quatorze mots, définis dans un esprit encyclopédique, il a inventé autant de récits en se consolant de maux puisés dans le «vaste souffroir» de la vie, et en tirant une sagesse à quatre sous: «l’homme est un animal qui perd la tête quand le dos lui fait mal.»
Avant de plonger dans les mots/maux, Luc Bureau cite Montaigne: «Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matière de mon livre: ce n’est pas raison que tu employes ton loisir en un sujet si frivole & si vain. À Dieu donq.»
Il cite aussi Maupassant: «Mon Dieu! Mon Dieu! Je vais donc écrire ce qui m’est arrivé! Mais le pourrai-je? Cela est si bizarre, si inexplicable, si incompréhensible, si fou!» Puis, en guise d’avant-propos, Luc Bureau écrit que «les mots propagent indifféremment la vérité et le mensonge, la réalité et la fiction.» Nous sommes prévenus.
Chaque récit est précédé de la définition d’un mot. Définition qui occupe toujours une demi page et qui se termine toujours par «Ô Satan, prends pitié!»
Le premier mot est mirage, n. m. du latin mirare (regarder, refléter). Et l’auteur de donner quelques exemples: «Toujours de courte durée, le mirage est à la réalité ce que le coup de foudre est au mariage, le maquillage au visage, la griserie à la sobriété.»