Nouvelle cartographie de la Franco-Amérique

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 08/07/2008 par Paul-François Sylvestre

Aux yeux de plusieurs chercheurs, le devoir premier des géographes est de dresser des cartes qui situent et délimitent la population francophone en Amérique, par exemple. En tentant de faire précisément cela, les géographes Dean Louder et Éric Waddell, de l’Université Laval, se sont rendu compte qu’ils avaient affaire à un univers tellement fluide et fuyant, qu’ils ont dû «construire un portrait structurant du continent». Ce portrait est décrit en détail dans un essai intitulé Franco-Amérique.

Pour concevoir et régionaliser cette Franco-Amérique, les auteurs se penchent d’abord sur les grands bassins versants (les fleuves), ensuite sur les axes ferroviaires qui suivaient les voies fluviales (vallées du Saint-Laurent, du Mississipi et de la rivière Rouge, régions des Grands lacs, côtes Est et Ouest). Cela les amène à distinguer une hiérarchie de manifestations du fait français en Amérique. Ils les appellent zone pivot, zone tampon, diaspora et frange métisse.

La zone pivot comprend les régions «où la francité est un fait de vie». Dans cette zone, l’éventail des réalités s’avère très vaste, «allant de situations où il est surtout question de conserver une gamme très réduite d’acquis au niveau institutionnel, à celles où l’État et la vie sur la place publique sont des réalités francophones. C’est là que se situent le Québec, l’Acadie et une partie de l’Ontario.

La zone tampon inclut «ces lieux où la francité est un fait de mémoire, et qui s’exprime à travers des sociétés historiques et généalogiques et par une multitude de gestes isolés et essentiellement individuels centrés sur ce que les gens appellent leur “héritage”». Ce phénomène est très répandu en Nouvelle-Angleterre, dans la région de Détroit, en Haute-Louisiane et au pays des Illinois.

La diaspora et la frange métisse désignent cette réalité qui se trouve «sur les marges de l’espace franco, tel qu’on le connaît aujourd’hui, et se limite surtout – mais pas exclusivement – aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le Midwest américain et la Floride en sont des exemples notoires. La francité se limite, ici, à un fait d’histoire, inscrit uniquement sur des plaques commémoratives.

Publicité

Autrefois, les Canadiens, au sens originel du terme, ont été partout en Amérique. Ils l’ont nommée, habitée, chantée et écrite. Leurs traces subsistent toujours, même si la dimension continentale de leur civilisation a été oubliée par nombre d’entre eux.

Aujourd’hui, avec la mondialisation, l’espace, la société et la politique se complexifient. À titre d’exemple, le vecteur haïtien prend de l’importance au fur et à mesure que l’axe Port-au-Prince – Miami – New York – Montréal se constitue.

Par ailleurs, les francophones des pays du Tiers Monde déferlent sur les grandes villes canadiennes… et américaines.

En ce XXIe siècle, les Francos d’Amérique vivent de nouvelles réalités et font face à de nouveaux défis. Le rêve n’est plus le même car il est de moins en moins question d’un espoir partagé, encore moins d’un destin commun. Le nouveau rêve produit des réussites remarquables telles que Le Cirque du Soleil, Softimage et Bombardier. Il est difficile de cerner une dimension collective et culturelle dans ces manifestations où la langue devient souvent une réalité accessoire, voire une entrave à des ambitions mondiales.

Aujourd’hui, ce ne sont pas des territoires mais plutôt des parcours, des itinéraires qui meublent et trament la carte de la Franco-Amérique. Résultat: les géographes ont de plus en plus de difficulté à tracer la carte de cet univers si fluide et si fuyant. En revanche, une telle difficulté demeure «un indice de la richesse insaisissable dont tous les Francos d’Amérique sont provisoirement les dépositaires».

Publicité

Franco-Amérique, sous la direction de Dean Louder et Éric Waddell, Éditions du Septentrion, Québec, 2008, 378 pages, 39,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur