Aux yeux de plusieurs chercheurs, le devoir premier des géographes est de dresser des cartes qui situent et délimitent la population francophone en Amérique, par exemple. En tentant de faire précisément cela, les géographes Dean Louder et Éric Waddell, de l’Université Laval, se sont rendu compte qu’ils avaient affaire à un univers tellement fluide et fuyant, qu’ils ont dû «construire un portrait structurant du continent». Ce portrait est décrit en détail dans un essai intitulé Franco-Amérique.
Pour concevoir et régionaliser cette Franco-Amérique, les auteurs se penchent d’abord sur les grands bassins versants (les fleuves), ensuite sur les axes ferroviaires qui suivaient les voies fluviales (vallées du Saint-Laurent, du Mississipi et de la rivière Rouge, régions des Grands lacs, côtes Est et Ouest). Cela les amène à distinguer une hiérarchie de manifestations du fait français en Amérique. Ils les appellent zone pivot, zone tampon, diaspora et frange métisse.
La zone pivot comprend les régions «où la francité est un fait de vie». Dans cette zone, l’éventail des réalités s’avère très vaste, «allant de situations où il est surtout question de conserver une gamme très réduite d’acquis au niveau institutionnel, à celles où l’État et la vie sur la place publique sont des réalités francophones. C’est là que se situent le Québec, l’Acadie et une partie de l’Ontario.
La zone tampon inclut «ces lieux où la francité est un fait de mémoire, et qui s’exprime à travers des sociétés historiques et généalogiques et par une multitude de gestes isolés et essentiellement individuels centrés sur ce que les gens appellent leur “héritage”». Ce phénomène est très répandu en Nouvelle-Angleterre, dans la région de Détroit, en Haute-Louisiane et au pays des Illinois.
La diaspora et la frange métisse désignent cette réalité qui se trouve «sur les marges de l’espace franco, tel qu’on le connaît aujourd’hui, et se limite surtout – mais pas exclusivement – aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le Midwest américain et la Floride en sont des exemples notoires. La francité se limite, ici, à un fait d’histoire, inscrit uniquement sur des plaques commémoratives.