Dans un quartier ouvrier d’une petite ville sans nom, un garçon de «pas encore sept ans» raconte une époque que les plus vieux pourraient se remémorer avec gaieté ou nostalgie et les plus jeunes avec étonnement, voire incrédulité.
«Théâtre d’un jeu dramatique, dont nous étions à la fois acteurs et spectateurs, la ruelle en arrière d’la maison était notre scène, notre plateau.» D’où le titre du carnet de Michel Jetté : La ruelle en arrière d’la maison.
La grande roue du progrès
Nous sommes au milieu du siècle dernier où l’arrivée du gros réfrigérateur Westinghouse met bien involontairement à la retraite le livreur de glace, qui «faisait office de rapporteur officiel pour maman (…) enclavée entre les enfants et la cuisine, le reprisage et les devoirs».
La grande roue du progrès s’oppose, ici, à la nostalgie d’une époque révolue où la radio Admiral AM bleu pâle régulait le rythme de la maisonnée avec «ses bulletins de nouvelles, ses radioromans, le signal horaire de l’Observatoire national à midi et son opéra du Met le samedi après-midi».
La télévision arrive avec la face du Sauvage et les oreilles de lapin qu’il faut rediriger pour «arrêter l’image de s’étirer, de s’amincir, de bâiller, de tourner, de diagonaliser, de sauter, de pâlir, de foncer, de neiger».
Un petit garçon «différent»
Tel que mentionné plus haut, le narrateur est un petit garçon de pas encore sept ans, qui est «différent des autres», sans plus de précisions; chose certaine, il est sensible et rusé. «Je prenais l’argent à déposer dans mon compte de caisse scolaire et j’achetais des Chinois en donnant les sous à la Sainte-Enfance à la place.»