Modernité et tradition au Musée de la civilisation de Québec

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Publié 06/05/2014 par Gabriel Racle

Le Musée de la civilisation de Québec, qui se distingue par sa muséologie innovatrice et audacieuse, et se définit comme un lieu de savoir et d’idées, offre cette année trois expositions qui concilient modernité et tradition.

En cours jusqu’au 28 septembre 2014, Pierre Gauvreau. J’espérais vous voir ici. Esprits libres sera à l’affiche jusqu’au 8 février 2015 et Haïti, in extremis se terminera le 17 août 2014. Voilà tout un programme pour les nombreux visiteurs de Québec.

Pierre Gauvreau «peintre, auteur, réalisateur, jardinier et penseur, (qui) a marqué l’imaginaire des Québécois», pour reprendre la présentation de Josianne Desloges dans Le Soleil, est né à Montréal le 2 août 1922 et il est décédé le 7 avril 2011.

C’est le frère aîné de Claude Gauvreau, né le 19 août 1925 et mort le 7 juillet 1971, poète, dramaturge et critique d’art engagé.

Très jeune, Pierre, qui lit beaucoup, se montre non conformiste, il est expulsé du collège des Jésuites. Sa mère ne s’affole pas car elle pense que ses fils ont du génie, comme il apparaîtra par la suite.

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Orientation artistique

Entré à l’École des beaux-arts de Montréal, Gauvreau n’y trouve que traditionalisme et conformisme et s’en éloigne. Il découvre alors des peintres comme Picasso, Matisse, Pellan, dont l’influence va l’orienter vers l’art non figuratif.

En 1944, il réussit à faire ce dont il rêve depuis longtemps, un tableau non figuratif, Pulsion allègre, grave, jaune, assoiffée, qui marque le début de son aventure automatiste, qui s’achèvera vers 1950. Ce mouvement québécois fondé par Paul-Émile Borduas en 1942 «sert à exprimer les impulsions les plus spontanées du geste, les pulsions de l’inconscient».

Après cette expérience, Gauvreau, dont Borduas a dit qu’il était un «peintre né», au vu de ses tableaux, a acquis la maîtrise de son art pictural et peint à son rythme, selon son inspiration, tout en s’adonnant à d’autres activités artistiques comme producteur, acteur, réalisateur au théâtre ou à la télévision.

J’espérais vous voir ici

Cette exposition présente, avec une riche sélection d’œuvres de 1941 à 2011, les créations picturales de Gauvreau au cours de 60 ans d’exercice de son art. S’y trouvent aussi, avec des inédits, de photographies, des artefacts et des films réalisés par son ami Charles Binamé.

«Pierre Gauvreau a porté, dans sa vie et dans son œuvre, une vision inspirante du monde touchant à l’ensemble des thématiques de notre projet culturel, a commenté le directeur général des Musées de la civilisation, Michel Côté. Il a été un formidable décrypteur de notre monde et un acteur clé de son évolution. Il s’est attaqué aux contraintes et limites d’une société rigide en soulignant la nécessité de la liberté.»

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L’exposition se déroule en quatre temps: Regards d’avant-garde évoque les débuts de l’artiste, L’Atelier des possibles est un lieu inventé par Gauvreau pour peindre librement, L’Observatoire lyrique ouvre l’univers des symboles et Jardins infinis montre l’artiste humaniste.

Un superbe livre illustré, Pierre Gauvreau. Passeur de modernité, permet d’approfondir sa connaissance de cet artiste, de son génie créateur et de ses réalisations.

Esprits libres

«Je rejette toutes ces classifications-là qui, au fond, quand on les regarde et qu’on les examine un peu, sont extrêmement méprisantes. Cela fait finalement, du milieu des critiques, des historiens de l’art, une espèce de Clergé de la Culture, qui décide s’il faille allumer des cierges ou pas».

C’est ainsi que Gauvreau, épris de liberté, exprimait son amour pour l’art populaire et ses créateurs, afin qu’ils soient reconnus comme artistes à part entière.

En suivant cette approche, le Musée de la civilisation a laissé place à l’imaginaire et aux œuvres qui parlent d’elles-mêmes dans Esprits libres. Beauté, liberté, indiscipline et tradition revisitée forment quatre cadres thématiques présentés dans une mise en valeur circulaire qui attire le regard: Création et beauté, Les vacances d’un cyclope, Indomptable et indiscipliné, et le dernier cadre concilie tradition et imaginaire.

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L’exposition Esprits libres est l’occasion de soulever des questions portant sur les pratiques et la reconnaissance de l’art populaire et de ses créateurs et, surtout, d’apprécier sans filtre la beauté, l’utopie et la liberté!

Haïti In Extremis

«Cette exposition est extrêmement forte par son propos et par ses œuvres. Le visiteur est véritablement happé par la muséographie et est saisi par la puissance qui se dégage des créations des artistes haïtiens, véritables passeurs d’une culture vivante encore trop peu connue. Cette exposition ne peut nous laisser indifférents: elle nous déstabilise, nous bouscule, nous touche, nous surprend… bref, elle joue son rôle», de dire Michel Côté.

Les nombreuses œuvres présentées, toiles, œuvres de récupération, œuvres en métal coupé, combinent à la fois la modernité des créateurs haïtiens et leurs sources traditionnelles, comme le vaudou, le fer coupé ou le perlage, qu’ils intègrent dans leurs créations. Une découverte à faire.

Un catalogue illustré en anglais accompagne cette exposition intrigante.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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