Microagressions imaginaires et lâcheté systémique

Un pavillon de l'Université d'Ottawa. Photo: Simon Séguin-Bertrand, Le Droit
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Publié 23/10/2020 par François Bergeron

J’ai toujours détesté le mot «racisé» et je n’ai jamais cru au racisme «systémique» dans le contexte canadien.

Au contraire, chez nous, le racisme contre les Autochtones ou les Noirs ou les immigrants, dans l’emploi ou le logement notamment, est tout sauf «systémique».

Racisme ordinaire

C’est du racisme tout à fait «ordinaire», de la part d’employeurs, de propriétaires ou de fonctionnaires.

Pas rare, malheureusement, et dont on ne se débarrassera que par l’éducation et… le temps, c’est-à-dire la pratique continue du vivre ensemble, le voisinage multiculturel, le métissage.

Ce racisme réel est d’autant moins «systémique» qu’il est illégal et officiellement combattu par nos gouvernements et leurs commissions des droits de la personne. Ainsi que par des institutions – comme les universités – qui se dotent de bureaux de plaintes contre les discriminations et les «microagressions», et de comités faisant la promotion de la diversité des races et des sexes.

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Les vrais coupables

Le racisme «systémique», c’est l’apartheid en Afrique du Sud ou dans le Sud des États-Unis pendant une bonne partie du 20e siècle.

C’est peut-être encore la Loi sur les Indiens au Canada. Et c’est le «profilage» policier, aujourd’hui inavouable car bel et bien «systémique», ayant longtemps été considéré comme une technique efficace, un raccourci.

Le racisme infligé à Joyce Echaquan, avant sa mort à l’hôpital de Joliette, n’est pas venu d’une directive ou même d’une attitude de l’institution. C’est le fait d’employés racistes, à identifier et à congédier.

Qualifier ce racisme de «systémique» dédouane les fautifs et brouille les pistes de solution.

Une affiche de la campagne «Justice pour Joyce».

À l’Université d’Ottawa

Dans un autre contexte, j’écrivais au début de l’année – avant la CoViD et surtout avant la mort en direct de George Floyd et l’explosion de colère qu’elle a provoquée – qu’«hommes et femmes, blancs et noirs, anglophones et francophones sont majoritairement ‘réconciliés’ au Canada»…

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Je maintiens mon «majoritairement», mais je reconnais que la tâche ressemble souvent à celle de Sysyphe.

Ces ratés ne justifient pas l’aplaventrisme de la direction de l’Université d’Ottawa face à la cabale d’étudiants et de professeurs hypersensibles aux «microagressions» – réelles ou, ici, imaginaires – contre la prof d’histoire de l’art Verushka Lieutenant-Duval.

Woke

Celle-ci goûte à sa propre médecine, puisqu’elle-même fait partie de la mouvance «éveillée» (woke) à toutes les tares racistes et sexistes de notre société dans toutes leurs intersectionnalités.

C’est même ce qu’elle était en train d’expliquer à ses étudiants, dans un cours à distance en anglais sur l’art «queer», quand elle a prononcé le mot qu’apparemment seuls les Noirs ont le droit de s’échanger sans se blesser, et qu’aucun média n’a le droit de reproduire sans s’exposer à la violence – comme les caricatures de Mahomet.

Il y a quelques mois, à CBC dans une réunion de production et à l’Université Concordia dans un cours de cinéma, on s’est énervé parce que le titre de l’essai de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, a été mentionné (en anglais). Dany Laferrière doit maintenant justifier le titre de son roman Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer.

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Des ignorants – toujours des anglophones – ont traité Yvon Deschamps de raciste pour un vieux monologue… contre le racisme! Curieusement, Quentin Tarantino n’a pas encore été lapidé depuis la sortie de son film Django Unchained, dans lequel le fameux mot est lancé mille fois.

Le recteur Jacques Frémont. Photo: Martin Roy, Le Droit.

Suspendue, puis réintégrée

La lâcheté face à ces menaces est maintenant institutionnalisée – donc «systémique» – dans nos universités, surtout au Canada anglais dans le sillage des États-Unis, mais aussi au plus haut niveau de nos gouvernements (sauf au Québec?).

Suspendue pendant quelques jours pour permettre aux autorités d’«enquêter» (alors qu’un coup de téléphone à la prof aurait suffi à dissiper le malentendu), on nous dit qu’elle reste à l’emploi de l’Université d’Ottawa et qu’elle a même déjà recommencé à donner son cours.

Pour cela, il faudrait saluer la magnanimité du recteur Jacques Frémont, qui a dit tout et son contraire depuis le début de cette crise. Notamment la perle suivante: «les membres des groupes dominants n’ont tout simplement pas la légitimité pour décider ce qui constitue une microagression»…

Plier ou résister?

Il a dit tout, sauf ce qu’il fallait dire:

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– qu’avec tous les mots, c’est l’intention qui compte: injurier ou informer, éduquer, cultiver;

– que les étudiants sont à l’université pour apprendre, pas pour enseigner, encore moins pour gouverner;

– que la liberté d’expression, déjà correctement balisée par nos lois contre la diffamation et l’incitation à la violence, prime sur un droit chimérique de ne pas se sentir offensé;

– et que toute cette philosophie victimaire infantilise ses adeptes au lieu de les affranchir.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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