En 1929, Louis Mathias Auger est un Franco-Ontarien de 26 ans. Député du comté fédéral de Prescott, il est accusé d’avoir violé Laurence Martel, une jeune femme de 17 ans venue demander son aide pour obtenir un emploi dans la fonction publique.
Après pas moins de cinq procès, Auger est innocenté du viol, mais condamné pour séduction et incarcéré pendant deux ans au pénitencier de Kingston. Voilà des faits historiques que Marguerite Andersen s’approprie pour inventer une intrigue qui mène ces deux personnages jusqu’au tournant des années 1950. Dans son roman Doucement le bonheur, elle marie allègrement réalité et fiction.
Qu’advient-il de Louis Auger et de Laurence Martel après le drame de février 1929? La romancière ne s’en soucie pas et crée de toute pièce une vie fictive pour ses deux protagonistes, de 1930 à 1950. Les archives nous indiquent, pourtant, que Auger a tenté de se faire réélire député de Prescott en 1935, sans succès, et qu’il s’est fait élire maire de Hawkesbury en 1936, pour un mandat d’un an.
La romancière choisit, elle, de peindre plutôt un portrait psychologique où revivent les ambiances de l’époque. Ce portrait nous conduit tour à tour à Hawkesbury, Ottawa, Kingston, Toronto, Montréal, Paris, Londres, Berlin, et Biddeford Pool, en Nouvelle-Angleterre.
De la page 17 à la page 60, la romancière relate le triste incident de février 1929 et les nombreux procès auxquels il a donné lieu. Elle écrit: «Un député fédéral condamné à neuf ans de prison pour avoir violé une jeune fille de la classe ouvrière, jamais encore le Canada n’avait vécu un tel événement! Était-ce parce que le crime avait eu lieu dans l’enceinte du Parlement? Était-ce parce qu’un jury entièrement anglophone – chose qui n’aurait pas été possible au Québec ou au Manitoba – avait trouvé le jeune francophone bien trop arrogant?» La romancière note que le quotidien d’Ottawa, Le Droit, voit dans l’exclusion de jurés francophones «l’un des faits les plus remarquables de ce procès».