Pierre-Louis Gagnon a récemment publié Le rendez-vous de Damas, un roman dont le titre a très peu à voir avec l’intrigue. Il aurait tout aussi bien pu s’intituler «Rendez-vous de marginaux en 39-45». La toile de fond de ce récit est «la conscription si nécessaire, mais pas nécessairement la conscription».
Tout commence à Montréal où le jeune journaliste Serge Régnier, du quotidien Le Canada, se demande si les marginaux comme lui sont «condamnés à ne jamais connaître le bonheur». Serge cherche la compagnie et l’intimité des hommes pour «accéder à la plénitude de [son] être».
Entre les rencontres amoureuses éphémères que Serge échafaude avec un journaliste irlandais ou un jeune libraire au visage angelot, l’auteur glisse d’intéressantes réflexions sur la société québécoise à la fin des années 1930. Il écrit que la Belle Province est victime de «quatre colonialismes: l’économique avec les Américains, le politique avec la Grande-Bretagne, le religieux avec Rome et le culturel avec Paris».
Selon le maire Camillien Houde, le vice sous toutes ses formes existe depuis toujours à Montréal et ça ne vaut pas la peine de lutter contre «ses manifestations les plus apparentes qui profitent à l’économie». Les touristes, selon Houde, viennent à Montréal pour jouir du Paris nord-américain.
Quand Serge Régnier commence à écrire des articles insinuant que la mafia new-yorkaise est en train de s’établir à Montréal ou que la conscription ne passera jamais au Québec, il ne tarde pas à se mettre à dos son patron lié au Parti libéral. Serge démissionne et s’engage dans l’armée, uniquement pour suivre l’élu de son cœur, l’athlétique Richard Mailloux.
Pierre-Louis Gagnon décrit comment Serge et Richard sont postés en Angleterre, où ils partagent la même chambre, travaillent dans la même batterie, prennent un coup dans les mêmes pubs et «ne cherchent pas la compagnie des femmes».