Ma première expérience carcérale… dans un hôtel torontois

Bienvenue au Canada!

hôtel, détention, covid
Mieux qu'une cellule de prison, mais la détention quand même.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 19/06/2021 par Annick Tonet-Tyers

Je tourne en rond dans un univers entièrement gris. Stationnement gris, ciel gris, chambre dans les tons de gris. Où sont passées les couleurs de ce printemps fleuri?

Double coup à la porte, toc, toc: un sac en papier est déposé devant, mais la livreuse est déjà au bout du couloir. Je referme la porte sans avoir vu un visage et sans avoir prononcé un mot.

Les portes s’ouvrent sur son passage et, tout le long de cet interminable couloir, des mains ramassent furtivement leur pitance. Les portes se referment une à une, claquements successifs. Le silence s’ensuit.

C’est drôle, j’ai déjà vu ça quelque part…

Et oui! C’est ma première expérience carcérale, et c’est dans un hôtel torontois que ça se passe, en juin 2021.

Publicité
hôtel, détention, covid
Pas le corridor de la mort à Alcatraz, mais un séjour obligé après un retour au Canada.

Ventilation

La chambre a été dûment nettoyée, m’a-t-on annoncé, mais personne ne viendra faire le ménage durant les 3 jours de mon incarcération.

C’est curieux, je ne m’y sens pas en sécurité, dans cette chambre. Les fenêtres ne s’ouvrent que d’une fente de 15 cm sur 5 cm. Et la climatisation diffuse bruyamment un air tantôt froid tantôt chaud. Ne nous a-t-on pas vanté les mérites de l’air frais contre la covid?

Je suis aussi d’âge à me souvenir de la maladie du légionnaire, propagée par le système de ventilation d’un hôtel de Philadelphie, qui avait affolé l’opinion en 1976. Les climatiseurs actuels ont-ils été améliorés? Je n’en suis pas si sûre.

Je me serais sentie plus en sécurité dans ma maison, au centre ville de Toronto.

hôtel, détention, covid
La réception d’un hôtel.

Pas de yoga à l’hôtel

À mon arrivée à la réception de l’hôtel, j’ai demandé un tapis de yoga pour pouvoir pratiquer autrement qu’à même le sol durant ces trois jours. Impossible!

Publicité

On m’explique que, par contre, j’ai droit à 20 minutes de «fresh air» par jour, escortée par un employé de l’hôtel «for safe passage».

Pour ma sécurité? Je me demande si ce ne serait-ce pas plutôt pour m’empêcher de prendre le large. Je ne parviens pas à faire marcher la téléviseur et le téléphone de l’hôtel ne permet pas à mes amis de rejoindre ma chambre.

Dieu merci il y a le téléphone mobile, WhatsApp, Zoom. Famille et amis se manifestent, des deux côtés de l’océan. Je ne suis pas seule.

hôtel, détention, covid
Mieux qu’une cellule de prison, mais la détention quand même.

1 200 $ pour 3 nuits d’hôtel

Cette incarcération dans un hôtel, dans l’attente du résultat négatif de mon 2e test PCR en 3 jours, me coûte 1 200 $ pour 3 nuits. Si le résultat du test me parvient avant le 3e jour, pas de remboursement.

Dans l’avion qui me ramenait hier à Toronto, Air France aussi servait des repas emballés dans des sacs en papier, mais le leur était orné d’un joli ruban et agrémenté de la mention «Bon appétit!», comme pour s’excuser de ne pouvoir faire mieux.

Publicité

Et le pilote, à l’arrivée à Toronto, a souhaité nous revoir à bord «dans de meilleures conditions». Autrement dit, ils auraient aimé faire mieux.

Dans cet hôtel, le message n’est pas le même. Il s’agit de cadrer dès leur arrivée les clients-otages, qu’ils soient Canadiens, comme moi, ou non. Il s’agit de leur soutirer un maximum d’argent pour un minimum de services, au nom des services sanitaires.

détention, covid
Le petit déjeuner à la chambre.

Vaccinée?

Ces mêmes services sanitaires qui, depuis le début de cette pandémie, nous promettent le salut par la vaccination.

Mais alors, pourquoi ne m’a-t-on jamais demandé si j’étais vaccinée? Nulle part dans les longs questionnaires infligés avant d’avoir le droit d’embarquer, jamais à mon arrivée à l’aéroport dans les divers entretiens avec un personnel nombreux et efficace, la question du vaccin n’a été abordée.

Et pourtant je le suis, vaccinée et même doublement, depuis un mois. Autrement dit, je suis mieux protégée que tous les membres de ma famille et tous les amis que je suis venue retrouver dans la ville où je réside.

Publicité

Le repas emballé est vite avalé, et sans cérémonie. Il va falloir passer encore deux longues journées ici.

détention, covid
Vue imprenable sur… d’autres hôtels et édifices à logements.

Prisonnière

Aidée par le décalage horaire, je m’endors pour ma première nuit solitaire, en voyant défiler dans ma tête tous les prisonniers de la terre, prisonniers politiques, repris de justice, prisonniers de guerre.

L’expérience de mon père, qui passa un an dans un camp en Allemagne en 1940, resurgit aussi dans ma mémoire. Bien sûr, ma situation n’a strictement rien à voir avec la leur, mais je comprends tout de même qu’on n’est jamais à l’abri de dérives autoritaires. Même au Canada. Même pour la «bonne» cause.

Le lendemain, au réveil, après la cérémonie du petit déjeuner, je vérifie mes courriels avant de demander à la réception un créneau pour ma promenade accompagnée.

hôtel, détention, covid
Mieux qu’une cellule de prison, mais la détention quand même.

De l’hôtel à la résidence

Surprise! Je découvre que le résultat de mon test est déjà disponible. Et, bien sûr, il est négatif! Les employés de l’hôtel me confirment illico que je peux regagner mon domicile… sans remboursement évidemment.

Publicité

J’aurais voulu profiter de mes 20 minutes de promenade accompagnée dans la cour de l’hôtel. L’expérience aurait été complète. Mais voilà, mon escorte arrive trop vite pour me ramener à la maison où je devrai m’isoler pendant encore 13 jours. Je n’ai pas eu le coeur de la faire attendre…

Je serai désormais seulement en résidence surveillée. Et, bien sûr, je ne figurerai pas dans les statistiques des vaccinés du Canada.

Je me demande si je pourrai obtenir du gouvernement fédéral un crédit d’impôt de 1 000 $ pour investissement dans le secteur canadien de l’hospitalité.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur