L’université, temple de la malbouffe?

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 06/02/2007 par Yann Buxeda

En 2004, près de 25% des jeunes de 18 à 25 ans étaient considérés obèses au Canada (indice de masse corporelle supérieur à 30). À la fin des années 70, ils n’étaient que 13% dans ce cas. Pire, chez les jeunes adultes de 25 à 34 ans, la proportion d’obèses a plus que doublé, passant de 8,5% en 1979 à 20,5% en 2004.

Le constat est alarmant. De plus en plus, les jeunes générations sont touchées par les problèmes de surpoids. Et si la réduction du temps alloué aux exercices physiques est une réalité, la mauvaise alimentation est aussi un facteur des plus préoccupants. Dans les universités, il est de plus en plus difficile de se nourrir sainement, et les sirènes de la junk food savent se faire des plus mélodieuses.

Si les jeunes enfants sont touchés par le marketing alimentaire précoce, les étudiants ont eux aussi de plus en plus de mal à se soustraire aux attraits de la restauration rapide. Une situation que la plupart déplore. Dans une étude effectuée auprès d’environ 200 étudiants du Collège Glendon de l’Université York, ils étaient 80% à se déclarer insatisfaits de la diversité des menus proposés par la cafétéria du campus. 67% d’entre eux considéraient également que les repas proposés ne comblaient pas leurs besoins nutritionnels, et 72% regrettaient qu’en dépit d’un service de mauvaise qualité, les prix soient bien trop élevés.

Du coup, 92% de ces étudiants interrogés s’étaient prononcés pour la mise en place d’une solution de restauration alternative. Ce rapport, déposé par la Glendon Community Co-operative en préalable de la présentation d’un projet de coopérative alimentaire, faisait état de l’urgence de la situation mais aussi de la réelle prise de conscience des principaux concernés. À la suite de ces constats, trois étudiants, appuyés par l’un de leurs professeurs, ont décidé de lancer ce projet de Glendon food co-operative.

Une idée qui fait son chemin progressivement, comme le souligne Jonathan Yoani Kuiper, l’un des fondateurs: «Ce n’était pas évident de faire admettre l’idée qu’une autre alimentation était possible sur le campus. Nous avons recherché tous les soutiens possibles, et nous avons aujourd’hui une communauté derrière nous prête à nous soutenir jusqu’à ce que nous obtenions les autorisations requises.»

Publicité

C’est justement avec un concept fédérateur que la coopérative souhaite séduire les étudiants. Car en plus de proposer un repas équilibré, l’organisme souhaite aussi faire du lieu de repas un endroit où discuter et profiter des instants de pause, là où la restauration rapide propose un repas-minute.

Néanmoins, la qualité du menu reste la première priorité de la Glendon food co-operative: «Nous voulons proposer aux étudiants une alternative saine et équilibrée. Mais ce projet, c’est également celui de collaborer avec les fermiers ontariens pour favoriser la production locale tout en récoltant des produits frais et garantis bologiques. Tout le monde peut y gagner avec ces initiatives.»

Autre sujet de mécontentement du côté des étudiants du Collège Glendon, le prix des repas. Sur ce point, Jonathan Yoani Kuiper ne peut malheureusement pas encore se prononcer, comme il l’explique: «Le principe de la coopérative est que chacun participe à sa viabilité financière. Donc plus nous aurons d’adhérents, plus les prix seront faibles et les aliments de qualité. C’est une suite logique et chacun peut s’investir dans la réussite du projet.»

Cette idée de collaborer avec les producteurs locaux n’est pourtant pas novatrice. De nombreuses universités nord-américaines favorisent l’économie agricole locale en signant des partenariats exclusifs entre leurs cafétérias et des fermiers de leur région. C’est notamment le cas de Yale, Vassar ou plus récemment de l’Université de Toronto.

En septembre dernier, l’organe éducatif de la Ville-Reine a signé un partenariat avec des fermiers ontariens qui disposaient de la certification «Local flavour plus». Un label qui prend non seulement en compte la non-utilisation de pesticides ou d’OGM et le respect de la biodiversité, mais aussi la proximité entre le producteur et son client pour le transport des produits.

Publicité

Et ce sont près de 70 000 étudiants qui en profitent depuis le 19 septembre, date de ratification de l’accord. Pourtant, nombreux sont encore les étudiants à privilégier le repas sur le pouce proposé par les snacks alentours.

Comme le reconnaît Julie Leveaux, étudiante à l’Université de Toronto, il est difficile d’échapper à la malbouffe: «Le nombre de camions qui proposent hot-dogs et burgers est impressionnant sur le campus. Dans les bâtiments, certaines concessions sont même réservées à des grandes chaînes comme Tim Hortons ou Starbucks. L’Université est un lieu de promotion du snack. C’est difficile de trouver de la nourriture saine.»

Une double politique qui n’est pas pour favoriser l’image de la première université canadienne. D’un côté, elle favorise la nourriture de qualité et de l’autre elle donne pignon sur rue à certains emblèmes de la malbouffe en ses propres murs. La prise de conscience est donc réelle, mais les moeurs sont toujours profondément ancrés.

C’est le cas pour les universités, mais aussi pour les étudiants, comme le déplore par ailleurs Lulu Cohen Farnell. Avec son mari, elle a fondé Real food for real kids, un organisme qui propose des repas biologiques aux écoles et garderies du Grand Toronto.

Selon elle, le problème n’est pas seulement marketing, mais aussi et surtout éducatif: «Ces étudiants pris dans la malbouffe sont souvent des anciens enfants qui ont pris de mauvaises habitudes alimentaires. Autant à la maison, il est difficile de contrôler la nourriture des enfants, autant à l’école, il est quasiment criminel de proposer des hot-dogs à midi.»

Publicité

Selon elle, il serait même question de faire de la nutrition une matière scolaire: «La cuisine avec des produits frais, c’est quelque chose d’essentiel mais aussi de ludique. Le micro-ondes, ce n’est pas la seule alternative au fast food. Certains enfants ne font même pas la différence entre une endive et un concombre. Et s’ils ne l’apprennent pas à la maison, c’est à l’école de l’enseigner.»

Un point de vue qui pourrait être salutaire alors que la malbouffe tend à s’imposer comme l’une des principales causes de développement des cancers.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur