L’histoire d’immigration de Matsui Takehiro: l’Acadie dans la peau

Histoires d'immigration Matsui Takehiro
Depuis qu’il est installé au Nouveau-Brunswick, Matsui Takehiro affirme qu’il ne retournera pas au Japon.
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Publié 24/04/2021 par Inès Lombardo

Trois fois en 29 ans: c’est le nombre de tentatives d’immigration de Matsui Takehiro, Japonais installé à Moncton au Nouveau-Brunswick, pour obtenir la résidence permanente au Canada. Au total, il compte trois séjours temporaires dans trois villes canadiennes différentes.

C’est à Moncton qu’il a finalement obtenu le précieux sésame, en 2018. De son parcours atypique ressort sa passion sans limites pour l’Acadie.

Chemin d’immigration long et sinueux

Un premier séjour de deux ans à Banff entre 1992 et 1994, un deuxième séjour à Vancouver entre 1998 et 2000, et un retour définitif au Canada en 2015, à Moncton, avec l’obtention de la résidence permanente trois ans plus tard… Ce chemin long et sinueux fait la fierté de Matsui Takehiro, 50 ans.

Depuis qu’il est installé au Nouveau-Brunswick, il sait qu’il ne retournera pas au Japon. «Je vis ici pour toujours, maintenant», affirme-t-il avec un large sourire.

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Matsui Takehiro aspire à autre chose que le surmenage: il veut profiter de la vie, de ses amis, des voyages, des rencontres.

La langue française, premier coup de cœur

Originaire d’Akita, petit village de bord de mer au nord-ouest du Japon, Matsui a décidé qu’il vivrait au Canada dès son premier séjour, en 1992.

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Ce choix d’immigration est motivé, selon lui, par un intérêt qu’il a développé «depuis l’enfance» pour la langue française. Il a commencé à l’étudier en même temps que l’anglais, lorsqu’il a fait ses études universitaires à Osaka.

Lors de son premier séjour au Canada, à Banff, Matsui travaillait en tant qu’administrateur à l’hôtel Fairmont Banff Springs. Il est devenu comptable à son retour au Japon, un métier qu’il a continué d’exercer lors de son deuxième séjour alors qu’il vivait à Vancouver.

Pas d’esprit de voisinage

Bien qu’il aime le pays, les villes de l’Ouest lui évoquent un mode de vie similaire à celui des grandes villes aux États-Unis. «C’était très compétitif dans le boulot, les gens sont pressés, stressés», se souvient-il.

«Et puis, je parlais seulement en anglais. Il n’y avait pas beaucoup de vie en communauté, dans le sens où les gens d’origines différentes ne se côtoyaient pas. Il n’y avait pas l’esprit de voisinage qu’il peut y avoir ici, à Moncton.»

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Parmi tous ses déplacements entre le Japon et Canada, Matsui ne s’est jamais marié et n’a jamais eu d’enfants. «Je n’ai pas d’attaches. Ça me rend léger et j’aime vivre ainsi.»

Profiter de la vie

Malgré tout, Matsui savait déjà à l’époque qu’il ne voulait pas vivre au Japon, car la vie y est très centrée sur le travail. Il aspirait à autre chose que le travail et le surmenage («overwork»).

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Matsui veut profiter de la vie, de ses amis, des voyages, des rencontres… Il pose donc sa candidature pour la résidence permanente à deux reprises lors de ses deux premiers séjours.

«J’ai échoué les deux fois» à l’immigration, explique-t-il posément. «Je pense que c’est très difficile d’obtenir la résidence permanente dans l’ouest du Canada. Il y a tellement de personnes qui postulent!»

Fasciné par l’histoire de l’Acadie

«Je me suis alors demandé quelle province pouvait m’accueillir», se rappelle Matsui. «J’ai pensé au Nouveau-Brunswick pour la langue française, mais aussi parce que j’étais fasciné par l’histoire de l’Acadie, dont j’avais entendu parler depuis longtemps.»

Pour ces raisons, Matsui repart en 2000 à Osaka. Il gagne sa vie en tant que comptable, mais il a l’idée de poursuivre des études de sociologie, qu’il commence en 2006. La spécialité de son diplôme: l’Histoire du Nouveau-Brunswick et de l’Acadie!

Comptable de jour, étudiant de nuit, il se lance à corps perdu dans ses études pendant huit ans.

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Il revient au Canada à Moncton en 2015 pour sa dernière année de recherche afin de faire valoir ses études et son bilinguisme auprès du ministère canadien de l’Immigration. Il pense que ces deux éléments l’ont grandement aidé à obtenir la résidence permanente en 2018.

Le drapeau acadien. Photo: Dan Robichaud

Immigration pour la légèreté et la liberté

Pendant sa dernière année d’études en sociologie à Shippagan, au Nord-Est du Nouveau-Brunswick, en 2015, Matsui profite de la vie de village et s’investit davantage dans ses recherches sur les Acadiens. Il s’intéresse particulièrement à la politique, à l’histoire et au système éducatif d’immersion.

Ce qu’il préfère sur place: la douceur de vivre et les gens, qu’il décrit comme amicaux. Au fil de ses rencontres avec les Néo-Brunswickois, il lie des amitiés solides et se sent de plus en plus à l’aise dans sa nouvelle vie.

«Je n’ai jamais eu peur de ne pas me faire accepter ici, car j’étais bilingue», observe-t-il. «Dans mes études ou dans mon boulot à Moncton, j’ai toujours navigué entre les communautés anglophone et francophone, que ce soit parmi mes amis ou au travail, où je parle français 50 % du temps.»

Le sociologue qui est resté comptable

Ses études de sociologie lui ont permis de connaître davantage la communauté à laquelle il s’est attaché depuis six ans. Matsui s’estime chanceux d’avoir suivi un tel parcours scolaire qui lui a donné de grandes connaissances du Nouveau-Brunswick et des Acadiens.

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Il explique qu’à part être professeur dans cette matière, ce qu’il ne souhaitait pas, les débouchés demeuraient limités. C’est pourquoi il est resté comptable, une profession qui n’est pas aussi stressante à Moncton qu’elle l’était au Japon, ajoute-t-il.

«Au Canada, c’est formidable, car à 16 h, la majorité des employés sont partis des bureaux! Et les vacances! Il y en a plus qu’au Japon!», s’enthousiasme Matsui.

Dans son pays natal, demander des vacances de plus d’une ou deux semaines n’est pas bien vu. «On hésite, car on sait que si ces congés plus longs nous sont accordés, ce sont nos collègues qui devront travailler», complète-t-il.

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Matsui Takehiro est originaire d’Akita, au Japon. Photo: Google Maps

Immigration : retrouver Akita à Moncton

Au Japon, pour son travail, Matsui a vécu à Tokyo, Osaka et Kyoto. «Mais j’ai toujours préféré mon village d’enfance, Akita», note-t-il. «Là-bas, il y a une odeur unique, que j’ai étrangement retrouvée à Moncton. Cette odeur me rappelle que je suis chez moi.»

Avec un peu de recul, Matsui pense que son coup de cœur pour l’immigration à Moncton est relié à Akita.

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Lorsqu’il a atterri au Canada la première fois, Matsui se rappelle de son premier sentiment: «Fini le surmenage au travail et les séismes!»

Grandir vers le ciel «comme une plante»

Encore aujourd’hui, il estime que dans son histoire d’immigration au Canada, c’est «l’Acadie [qui] m’a tiré» vers le haut. Matsui insiste sur l’emploi de cette expression: il pense que la terre acadienne a contribué à le faire grandir vers le ciel, «comme une plante», dit-il.

Celle qui le représenterait le mieux serait un pissenlit: «Leurs aigrettes volent dans les airs à l’automne. Moi, j’ai volé pendant longtemps. Puis je suis arrivé au Nouveau-Brunswick, où je me suis enraciné […] Je n’ai pas d’attaches. Ça me rend léger et j’aime vivre ainsi!»

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