L’heure la plus sombre vient toujours avant l’aube

roman
Éric Tourville, Chimæris, roman, Paris, Éditions Slatkine & Cie, 2018, 512 pages, 42,95 $.
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Publié 06/05/2018 par Paul-François Sylvestre

Le romancier Éric Tourville est docteur en biologie moléculaire et son thriller Chimæris regorge de termes scientifiques. Cela m’a parfois paru inutile, mais je dois reconnaître que nous sommes en présence d’un thriller métaphysique et que science et littérature font bon ménage.

Le lieutenant Alex Fremont découvre quatre corps calcinés au phosphore dans une ferme abandonnée du Vermont. Au-dessus de la porte, une étoile rouge à cinq branches. L’autopsie révèle qu’il s’agit de quatre adolescentes, possiblement originaires d’Ukraine. L’enquête indique qu’il y a des traces de sperme sur les lieux. Est-on en présence d’un réseau pédophile? Et où donc est passée la fille de la cinquième cellule?

Fremont ignore que l’étoile rouge à cinq branches, appelée pentagramme ou pentacle, est un symbole majeur de l’occultisme, qui «possède à la fois le rôle de protection contre les puissances du mal et d’invocation des esprits». Or, dans cette affaire, Fremont ne s’est jamais senti aussi «dépouillé de toute protection».

Si ce thriller vous semble plutôt corsé, vous n’avez encore rien vu. Un personnage se souvient avoir lu quelque part que «l’heure la plus sombre vient toujours avant l’aube». En anglais, aube se traduit par dawn et c’est ce nom que porte la fillette évadée. Belle trouvaille. Dawn est muette, mais ses sens sont d’une acuité étonnante et ses capacités cognitives, voire physiques, demeurent surdéveloppées.

L’auteur écrit que Fremont est de nature pessimiste, «c’est une des raisons qui lui avaient fait rejoindre la police». Le père du lieutenant note que leurs ancêtres venaient du Canada français et que leur patronyme s’écrivait Frémont à l’origine, «mais que l’accent avait disparu en traversant la frontière».

Selon Éric Tourville, les mots construisent «des cages d’acier qui permettent de tenir le réel à bonne distance. Alors que les images…» Ces dernières sont souvent brutales, nous donnant «l’impression d’avoir forcé l’arrière-cuisine du Diable».

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L’auteur note que le Vermont n’était plus ces «grands espaces peuplés de Blancs animés de valeurs traditionnelles liées au travail, à la communauté et à la famille». Devant la tragédie qui se joue dans cet État, la presse parle aussitôt de «la ferme de l’horreur» et de possibles réseaux pédophiles. Selon Tourville, «les médias n’étaient plus depuis longtemps le quatrième pouvoir, mais le premier».

L’histoire s’étale sur plus de 500 pages ; elle aurait pu se dérouler allègrement sur 350 pages, mais il aurait fallu éliminer des rebondissements spectaculaires et des tournures inattendues comme l’invasion peu diplomate du FBI. On apprend que le FBI peut entrer en scène lorsque l’accusation de meurtre comprend un viol ou si le crime sexuel a été commis contre un enfant. Les deux agents du FBI considèrent Fremont avec «un mépris non dissimulé».

Quand le FBI dépose un acte d’accusation, il apparaît bricolé, «un pis-aller pour clore rapidement l’enquête». Mais il reste encore plus de 140 pages à lire; nous ne sommes pas au bout de rebondissements qui défient presque l’imaginable… «Dawn ressemble à un petit Poucet sanglant qui sèmerait des cadavres sur sa route.» Elle agit comme la déesse de la vengeance, comme un ange exterminateur.

En terminant, voici deux réflexions de l’auteur Éric Tourville: «Pour que le monde soit vivable, il avait plus souvent besoin de mensonges que de vérités.» Et «la sexualité est, avec l’argent, le principal mobile de la plupart des crimes.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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