L’étonnante rébellion du Haut-Canada

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Publié 20/12/2010 par Benoit Legault

On sait peu de choses au Canada français de la rébellion du Haut-Canada, sinon que c’était une insurrection mineure en comparaison de «notre» révolte des Patriotes de 1837-38. La Mackenzie House, au centre-ville de Toronto, permet de découvrir le meneur de cette rébellion des sujets de langue anglaise, William Lyon Mackenzie (1795-1861), son époque réformiste et l’immense capital de sympathie dont il a toujours joui, lui qui a défié ouvertement la couronne et l’establishment anglais.

La Mackenzie House est la jolie petite maison de ville qui a été donnée à Mackenzie par ses partisans et sympathisants à la fin de sa vie. Peu de choses subsistent de son mobilier.

La maison est toutefois intéressante, car c’est un exemple rare de résidence typique de la petite bourgeoisie torontoise du milieu du XVIIIe siècle. Mais l’intérêt principal du lieu est qu’il lève le voile sur un personnage clé de l’histoire de l’Ontario.

Écossais d’origine, donc en marge du Family Compact, ces riches Anglais qui contrôlaient tout ce qui se passait à Toronto (York à l’époque), Mackenzie était un libre penseur qui produisait son propre petit journal revendicateur. Une grande pièce de la maison-musée est d’ailleurs réservée à l’interprétation du fastidieux processus d’impression de l’époque.

Des fier-à-bras du Family Compact ont saccagé son imprimerie et son journal, mais Mackenzie a continué de soulever la population en décrivant les excès et injustices du pouvoir anglais. Politicien provincial, il est devenu le premier maire de York (ancien nom de Toronto) et il a finalement mené une rébellion (1837) qui cherchait à renverser les Anglais et à créer une république à l’américaine dans le Haut-Canada (l’Ontario d’aujourd’hui).

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Petit malin, Mackenzie a soulevé cette rébellion au moment même où l’armée britannique régulière était occupée à écraser la révolte des Patriotes du Bas-Canada (le Québec d’aujourd’hui).

La rébellion du Haut-Canada n’a pas été une mince affaire. Quelques soldats ont été tués et une vingtaine de rebelles ont été exécutés, et Mackenzie lui-même aurait été pendu s’il ne s’était pas exilé en secret dans l’État de New York.

Il a pu revenir au Canada en 1949 grâce à la loi d’amnistie. Mackenzie est demeuré un héros du peuple au Canada anglais et son capital de sympathie est immense. Il est l’aïeul du premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King, qui a pris soin de toujours utiliser le nom de son illustre ancêtre, même si c’était le nom de sa mère.

Au Québec, l’exploitation économique des colons était toujours perçue dans l’ombre des batailles linguistiques. Mais, en Ontario, il était surtout question de pouvoir économique, sur fond de discriminations intenses infligées aux Écossais, aux Irlandais et aux non-protestants.

Au-delà de ses fascinantes explorations historiques, on découvre dans la Mackenzie House la vie d’un vrai héros populaire, un homme qui mangeait au sous-sol pour avoir plus de place et de lumière dans sa salle de travail, un homme qui brûlait du désir de montrer qu’un individu sans fortune personnelle pouvait influencer le cours de l’histoire, et demeurer incorruptible. Il y a bien des leçons dans cette maison qui demeurent d’actualité…

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Au final, on est fasciné par ce rebelle de premier ordre, par ce patriote de langue anglaise, par ce nationaliste de l’Ontario qui trouvait d’ailleurs que le Bas-Canada était trop bien traité…

La légende de Mackenzie a dépassé, et de loin, ses réalisations; il est plus vénéré aujourd’hui qu’il l’était de son vivant… Et tout cela est franchement bien présenté dans sa dernière maison, entretenue par la ville de Toronto.

Une visite attentive de la Mackenzie House procure une image assez complexe du Canada anglais, loin des simplifications habituelles. C’était donc plus la peur des armes des soldats British que l’amour de la mère-patrie qui rendait dociles les colons du Haut-Canada… Aussi, qu’un anti-colonialiste aussi notoire ait été aussi populaire au Canada anglais force à réfléchir.

Mackenzie House: 82 Bond Street (entre Dundas et Queen), 416-392-6915, ouverte en décembre de midi à 16h du mardi au dimanche, 6,25$ pour les adultes (réductions).

Auteur

  • Benoit Legault

    Journaliste touristique basé à Montréal. Collaborateur régulier au Devoir et à l-express.ca. Responsable de la rédaction de guides Ulysse. Benoit Legault a remporté plusieurs prix de rédaction touristique. Il adore l'Ontario et ses Grands Lacs.

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