Les trolls influencent-ils les résultats des sondages ?

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Seulement 2% des gens répondent au téléphone, et on ne peut guère se fier aux sondages en ligne.
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Publié 27/10/2024 par Kathleen Couillard

Est-il vrai que 7% des adultes aux États-Unis croient que le lait au chocolat provient de vaches brunes? Et que le tiers des millénariaux ne sont pas certains que la Terre soit ronde? Il y a longtemps que des experts s’inquiètent de la fiabilité des sondages en ligne, mais plus récemment, certains ont commencé à évoquer l’influence des trolls.

Jusqu’au début des années 2000, la méthodologie pour réaliser un sondage était à peu près toujours la même. Les personnes interrogées par téléphone étaient sélectionnées aléatoirement pour former un échantillon représentatif de la population entière, comme l’explique la journaliste d’enquête Teresa Carr dans un article sur la fiabilité des sondages publié en juin dans le magazine Undark.

Refus de répondre

Cette façon de faire est toutefois de moins en moins possible. Selon un scientifique de la société de sondages YouGov cité dans l’article, à peine 2% des personnes contactées au hasard par téléphone acceptent de répondre aux sondeurs.

Depuis 2012, les sondages téléphoniques sont en chute libre, révèle d’ailleurs une étude du Pew Research Center. En 2022, ils représentaient seulement 6% des sondages réalisés par les firmes américaines.

Elles sont donc de plus en plus nombreuses à se tourner vers des sondages en ligne. Les participants sont généralement recrutés grâce à des annonces sur les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche.

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Plus faciles à réaliser, ces sondages ont en effet l’avantage d’être 50 à 500 fois moins coûteux que les sondages traditionnels, selon les estimations d’une politologue de l’Université Duke citée dans l’article de Undark.

N’importe qui = n’importe quoi

N’importe qui peut participer à ces sondages et les motivations des répondants sont variées. Alors que certains le font pour le plaisir, d’autres sont attirés par les récompenses qui leur sont promises par les firmes de sondages. Les participants sont ainsi rarement représentatifs de l’ensemble de la population et les sondeurs doivent pondérer les résultats obtenus.

Ces sondages sont aussi plus vulnérables aux fraudeurs. En effet, certains participants peuvent se créer plusieurs comptes avec de fausses identités pour répondre plusieurs fois au même sondage et amasser davantage de récompenses.

Par ailleurs, des répondants dits malicieux, ceux qu’on appelle les trolls, prennent plaisir à répondre des faussetés.

Par exemple, pour tester un sondage en ligne, des experts ont demandé aux participants de moins de 30 ans s’ils disposaient d’un permis pour opérer un sous-marin nucléaire… et 30% ont répondu oui!

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Pourquoi s’inquiéter des faiblesses des sondages?

La plupart des experts s’entendent pour dire que les sondages en ligne sont moins fiables. De plus, les questions ne se limitent pas aux intentions de vote, mais incluent aussi l’opinion de la population sur le logement, l’éducation ou les changements climatiques. Elles peuvent donc influencer les choix de nos décideurs.

En décembre 2023, un sondage de ce type a été réalisé par l’organisation américaine YouGov et le journal britannique The Economist. Les résultats indiquaient qu’un jeune Américain sur cinq croyait que l’holocauste est un mythe.

Un sondage plus rigoureux réalisé par le Pew Research Center a montré que la proportion réelle tournait plutôt autour de 3%. Les résultats du premier sondage sont vite devenus viraux, alors que le deuxième a reçu beaucoup moins de visibilité.

Résultats sensationnalistes

Selon la politologue de l’Université Duke, les sondages aux résultats sensationnalistes minent l’image que la société se fait d’elle-même et peuvent même remettre en question la capacité d’une population à faire des choix sensés ou à choisir un gouvernement adéquat.

Cela est particulièrement vrai lorsqu’il est question des théories du complot, puisque les sondages peuvent gonfler la proportion de gens qui y adhèrent.

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À partir de sondages réalisés pendant l’élection présidentielle de 2016, des chercheurs avaient noté que 12% des répondants disaient croire qu’Hillary Clinton était impliquée dans un trafic d’enfants opéré à partir d’une pizzéria de Washington. En 2018, l’analyse de ces résultats avait toutefois fait soupçonner que la moitié d’entre eux étaient en fait des trolls.

Auteurs

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

  • Agence Science-Presse

    Média à but non lucratif basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada.

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