Les lettres attachées de retour dans nos écoles

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L'apprentissage des lettres cursives ou attachées redevient obligatoire dans les écoles de l'Ontario. Photo: iStock.com/viki2win
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Publié 03/07/2023 par Émilie Gougeon-Pelletier

Du haut de ses six ans, Helena sait déjà écrire son nom en lettres attachées. Pourtant, les enfants ne sont plus obligés d’apprendre les rudiments de l’écriture cursive depuis plus de 15 ans en Ontario. Mais ça va bientôt changer.

Le matin, quand Rachel Senecal dépose sa fille Helena à l’école élémentaire catholique Marie-Tanguay, à Cornwall, elle espère qu’elle pourra apprendre à mieux lire et écrire en français.

«Au cours de sa dernière année scolaire, je me suis demandé pourquoi on se concentrait tant à lui apprendre l’écriture cursive, alors qu’elle a des difficultés avec la base, soit la lecture en français», souligne Rachel Senecal.

Obligatoire dès septembre

Dès septembre, l’apprentissage des lettres attachées deviendra obligatoire à partir de la troisième année, en Ontario.

Rachel Senecal se réjouit de savoir que lorsqu’elle aura complété sa deuxième année scolaire et qu’elle fera sa rentrée en troisième, sa fille aura une longueur d’avance dans ce domaine.

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«C’est bien, je pense, mais je ne voudrais pas que ce soit la priorité.»

N’empêche, Helena est «tellement fière de pouvoir déjà écrire son nom en lettres attachées», note sa mère. Elle ajoute que c’est dans ce style d’écriture qu’elle a apposé sa signature dans la lettre de fin d’année remise à son enseignante, la semaine dernière, et dans une carte de souhaits d’anniversaire pour sa cousine.

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Le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce. Photo: archives l-express.ca

Améliorer la littéracie

Le retour de l’apprentissage des lettres attachées est l’une des nombreuses mesures incluses dans les nouveaux curriculums du ministère de l’Éducation qui devront être utilisés dès la rentrée, en septembre.

La province a entamé des réformes, en 2022, afin de moderniser «le mode d’enseignement et d’évaluation de la lecture dans les écoles, en mettant l’accent sur la phonétique».

L’objectif principal est d’améliorer la littératie des élèves, selon le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce.

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«Dans la foulée du rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne sur le droit de lire l’an dernier, notre gouvernement s’est engagé à réviser le programme de langues de 2006 parce que trop d’enfants y étaient laissés pour compte», indique-t-il, dans une déclaration envoyée au Droit.

Comme apprendre une nouvelle langue

Toutes les deux dans la vingtaine, Sandrine et Élodie Lavictoire sont de cette génération qui a appris l’écriture cursive obligatoirement à l’école.

Leur père Luc Lavictoire s’en réjouit. Il pense à toute cette génération, entre 2006 et 2023, qui n’aura pas eu cette occasion. Si ses filles en avaient fait partie, elles n’auraient pas été capables de lire toutes les notes qu’il leur laisse constamment.

«C’est triste, quand on y pense», dit le Franco-Ontarien de Rockland, aujourd’hui résident d’Ottawa.

«Lire et écrire en cursif, c’est comme apprendre une nouvelle langue», lance Luc Lavictoire. «Plus on connaît de langues, mieux c’est. Même si de nos jours, on écrit principalement sur des ordinateurs, c’est une façon d’écrire qui est encore présente et importante. On le remarque quand on va dans les bibliothèques, par exemple, et qu’on veut lire des documents d’archives.»

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Le droit de lire

Dans sa réforme, le gouvernement ontarien se fie grandement à un rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), publié en 2022, intitulé Le droit de lire.

Cette enquête de longue haleine, entamée en 2019, décrivait d’importants problèmes liés au programme d’enseignement de la langue en Ontario au palier élémentaire, créé en 2006 par le gouvernement de Kathleen Wynne.

C’est à ce moment que l’apprentissage de l’écriture en lettres attachées est devenu optionnel dans la province.

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Le rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne.

La science de la lecture

Le rapport public de la CODP soulignait que le programme d’enseignement ne prenait pas compte de la science de la lecture.

Ainsi, la province mettra désormais l’accent sur l’écriture cursive, la littératie numérique et la pensée critique, soutient le ministre Lecce.

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Par ailleurs, la CODP suggérait dans son rapport de mettre en œuvre ses recommandations dans tous les milieux scolaires. Pourtant, son enquête avait exclu les conseils scolaires francophones de la province.

Cette omission avait d’ailleurs causé une levée de boucliers des syndicats d’enseignement francophones de l’Ontario.

Syndicats mécontents

Les syndicats d’enseignement de la province déplorent maintenant que la sortie des nouveaux curriculums survienne sans préavis et sans appui significatif pour aider le personnel enseignant.

«Nous faisons face, encore une fois, à un lancement bâclé des nouveaux curriculums qui se fera sans ressources pédagogiques adaptées et sans que du perfectionnement professionnel ne soit offert au préalable», soutient la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), Anne Vinet-Roy.

Elle regrette le fait que le ministère de l’Éducation ait attendu à la mi-juin avant de présenter des changements qui doivent être mis en place dès la rentrée scolaire.

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«Cette façon de mener des changements, à la veille du congé estival, démontre une fois de plus le manque de respect flagrant du gouvernement Ford à l’endroit du personnel enseignant qui tient à bout de bras un système scolaire sous-financé», a-t-elle martelé.

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La présidente de l’AEFO, Anne Vinet-Roy. Photo: archives l-express.ca

Pour une mise en oeuvre «graduelle, réfléchie et intégrée»

Anne Vinet-Roy estime que le gouvernement Ford aurait dû respecter les recommandations de l’AEFO en mettant en œuvre les curriculums «de manière graduelle, réfléchie et intégrée afin de permettre au personnel enseignant de se les approprier».

La présidente de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO), Karen Brown, affirme que «l’attente de la province selon laquelle les éducateurs seront prêts à enseigner le programme de langues révisé à partir de septembre est absurde».

«Leur déploiement précipité prouve à quel point ils sont déconnectés des réalités de la classe et des éducateurs», selon Karen Brown. «Les documents pédagogiques ne sont pas des recettes. Vous ne vous contentez pas de les télécharger et de suivre les instructions, en utilisant une liste d’ingrédients prescrits. Le curriculum est complexe.»

Le nouveau programme comprend l’ajout de 700 nouveaux éducateurs spécialisés et des investissements de 100 millions $, dit Stephen Lecce, «pour améliorer les compétences en littératie et veiller à ce que nos élèves soient mieux préparés pour les emplois de l’avenir».

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