Les langues officielles, c’est compliqué

Une affiche à l'hôpital Humber River de Toronto: en anglais et 10 autres langues mais pas le français!
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Publié 02/03/2021 par Réjean Grenier

La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, a récemment publié un «livre blanc» sur la réforme de la Loi sur les langues officielles – la LLO pour les intimes.

On peut dire que, dans la communauté francophone canadienne, ce document était attendu avec une brique et un fanal. Plusieurs espéraient que la Loi serait modifiée en 2019, lors de son 50e anniversaire.

Gagner du temps

Ils voyaient l’étape d’un livre blanc comme une stratégie pour gagner du temps… Ce qui pouvait sembler une bien mauvaise stratégie de la part d’un gouvernement minoritaire qui, par définition, n’a pas beaucoup de temps.

Quoiqu’il en soit, le document de réforme rendu public il y a quelques semaines contient des pistes intéressantes. Surtout que son but avoué est de renforcer l’utilisation du français au Canada.

Le document dit clairement que c’est l’utilisation de la langue française qui doit être défendue.

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La ministre Mélanie Joly.

Application plus large

Et il s’attaque à ce qui, selon moi, est la plus grande lacune de la Loi : son application aux gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux ainsi qu’au secteur privé.

Une loi qui s’applique principalement au gouvernement fédéral en fait peut-être un gouvernement bilingue — encore faudrait-il demander aux fonctionnaires fédéraux ce qu’ils en pensent — mais ça ne fait pas une société, un pays bilingue.

Deux lacunes importantes

La plupart des Canadiens ont des milliers de fois plus d’interactions avec leurs gouvernements locaux ou avec le secteur privé qu’avec le fédéral. Et là, sauf au Québec, ça se passe presque exclusivement en anglais.

Dans le document de réforme, on parle beaucoup des relations avec les pouvoirs provinciaux et territoriaux. On loue les gouvernements qui ont adopté des lois garantissant certains droits linguistiques et on promet d’améliorer la collaboration avec ces autorités pour améliorer l’utilisation du français.

On indique aussi la volonté du fédéral de forcer les entreprises privées de compétence fédérale — transport, service postal, télécommunications, secteur bancaire — à embaucher du personnel bilingue et à offrir leurs services dans les deux langues officielles.

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Le secteur privé

Il reste cependant deux lacunes importantes en ce qui a trait au secteur privé.

La première est que les propositions qui touchent les entreprises de compétence fédérale semblent obnubilées par la Charte de la langue française du Québec. Partout on y lit un désir de protéger l’utilisation du français dans ces entreprises situées au Québec, conformément à la Charte qui fait du français la langue officielle du travail dans cette province.

À quelques reprises, on ajoute bien sûr : «Et dans d’autres régions du pays à forte présence francophone», mais on sait bien ce que ça veut dire. C’est du vent.

Un minimum d’affichage bilingue

L’autre lacune liée au secteur privé, c’est que le document de réforme ne va pas assez loin. Ses propositions se limitent à quelques entreprises de compétence fédérale.

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Or, le Canada ne deviendra jamais bilingue tant que toutes les entreprises privées ou publiques ne devront pas offrir un minimum d’affichage et de service dans les deux langues.

Dans un vrai pays bilingue, un grand hôpital torontois comme le Humber River Hospital ne devrait pas pouvoir afficher un important message de sécurité dans une dizaine de langues, sauf le français. Pourtant, ça arrive régulièrement et pas juste à Humber. Je l’ai vu de mes propres yeux.

Pas de quoi se gêner

Ces entreprises et institutions ne le feront pas si elles n’y sont pas obligées. En tant que ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly est bien placée pour agir là-dessus.

Plusieurs propositions avancées dans le «livre blanc» pourraient améliorer le statut du français au Canada. Mais la nature même d’un livre blanc est de susciter la réflexion, la discussion et les propositions. Ne nous gênons pas pour faire part de nos idées à la ministre Joly.

Auteur

  • Réjean Grenier

    Journaliste et éditorialiste depuis plus de 40 ans. Il a été propriétaire d’un journal et d’un magazine dans le Nord de l'Ontario. Avide lecteur, il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons.

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