Les hauts et les bas de Pierre Léon

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Publié 02/03/2010 par Paul-François Sylvestre

Face à la vie qui demeure si précaire, Pierre Léon semble se dire que, heureusement, il y a l’écriture qui demeure. Je lui donne raison. Depuis 1960, soit au cours des cinquante dernières années, Pierre Léon a publié 48 ouvrages, dont 26 en solo et 22 en tant que co-auteur. Ces deux dernières créations ont paru à la fin de 2009: La Nuit du subjonctif, un recueil de nouvelles, et Séduction des hommes et vertu des dieux, des chroniques irrespectueuses.

Dans La Nuit du subjonctif, Pierre Léon a fait du patchwork ou un piqué comme on dit en canayen. Il a rassemblé une variété de pièces, les a cousues avec finesse et cela a donné un édredon littéraire qui nous réchauffe le cœur.

La première nouvelle donne au recueil son titre. Le subjonctif y trône: «Il eut fallu que nous le sussions», n’est-ce pas. Il nous fait parfois hésiter: «Je voudrais pas que vous mourassiez… ou mourussiez.» Le correcteur de mon programme Word m’indique que «mourussiez» est le bon mot.

Grand jongleur des mots, Pierre Léon aime parfois que le qualificatif rime avec le nominatif – «donzelles à dentelles» – ou que les deux adjectifs riment aisément: «tous ces corps graciles et dociles».

Il a même l’art de bien agencer les plats et les vins. Ainsi, dans la dernière nouvelle intitulée La méprise de Jésus, on voit Dieu le Père somnoler le plus souvent dans son fauteuil capitonné de velours rouge, quand il ne se régale pas «de pets de nonnes arrosés d’un petit vin de messe».

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Jonglerie des mots

Là où Léon maîtrise le plus l’art de la jonglerie des mots, c’est dans Petite suite en P. Cette nouvelle comprend sept paragraphes et six d’entre eux sont composés de mots ne commençant que par la lettre P. Cela débute avec «Petit Poucet perdu, paniquait, pleurait, pestait.» Et lorsqu’on le trouve finalement, il est «paumé, prolixe, priant, pissant, pétant paisiblement. Putain!»

La finesse d’une nouvelle dépend souvent, à mon avis, de son punch final. Plus le dénouement surprend, plus c’est réussi.

Le meilleur exemple se trouve dans La louche d’argent, une nouvelle qui met en scène les curés de deux paroisses voisines. Le plus jeune engage une fort jolie ménagère qui n’a même pas 20 ans. Est-ce prudent, se demande le plus vieux. Cette remarque aigre-douce crée un froid et vous devinez déjà comment le jeune curé se réchauffe… Mais vous serez surpris et ravis de voir comment Pierre Léon réussit à boucler finement la boucle.

Reproches et encouragements

Les textes de Séduction des hommes et vertu des dieux ont d’abord paru dans L’Express de Toronto, entre 2006 et 2009, ou dans La Gazette du Chinonais, en France. L’auteur reconnaît que «ces chroniques ont suscité parfois de vifs reproches pour leur manque de correction politique, mais aussi des commentaires bien réjouissants». Raison de plus pour les regrouper et leur redonner vie dans un ouvrage illustré par l’auteur lui-même.

Léon parle de tout dans ce livret. Cela va du verbe rire au verbe baiser en passant par le mensonge, l’inceste, les bains, les fleurs, etc. La onzième chronique s’intitule Rire et baiser et nous apprend, selon une émission québécoise, que «la fille que tu fais rire est à moitié dans ton lit! Mais c’est encore un fait à vérifier statistiquement».

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Comme il est question de «vertu des dieux», la religion occupe nécessairement une place de choix dans ces chroniques. On peut y lire qu’une proclamation papale de 1853 a affirmé «que Marie avait conçu sans pécher, alors que, à cette époque-là et depuis longtemps, tant de filles auraient bien voulu pécher sans concevoir»!

Irrévérencieux

J’ai mentionné le mensonge. À cet égard, Pierre Léon affirme: «Je pense que l’on ne peut pas être un bon écrivain sans être un joli menteur. Autrement, je crois, comme vous, que je n’ai jamais menti, si l’on veut bien admettre que le seul vrai mensonge est celui qui veut faire mal».

Chose certaine, les jolis mensonges de Pierre Léon sont fort appréciés par l’écrivain français Henri Mitterand qui a envoyé ce mot à Pierre: «On reconnaît dans chacune de ces chroniques ton talent à débusquer la cocasserie des discours reçus et des conduites imposées, ton irrévérence à l’égard des dogmes et des cultes, ton art de te dépêcher de rire avant d’en pleurer».

Édition amateure

Ce livre aurait été encore plus drôle s’il n’avait pas souffert d’un manque de révision/édition et d’une mise en page amateure. Plusieurs dates sont écrites à l’anglaise (02/22/06). On écrit 8 mai 2008 à la page 27 et 
5 mai 08 à la page 28. Il y a deux sortes d’apostrophe dans la même page. Il y a des majuscules là où il n’en faut pas. Aucun mot n’est coupé, ce qui donne de grands espaces blancs sur certaines lignes. Il y a des alinéas manquants, etc.

Cela dit, je retiens que Pierre Léon aime décrire les hauts et les bas de notre existence. Son écriture sait adopter le style qui sied au sujet traité, tantôt avec éloquence, tantôt avec pétulance. À l’image de ces sujets, l’écriture de Pierre Léon a ses hauts et ses bas. Plus il parle des affaires du Ciel, plus il atteint les hauteurs.

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Pierre Léon, La Nuit du subjonctif, nouvelles, Toronto, Éditions du Gref, 2009, 160 pages.

Pierre Léon, Séduction des hommes et vertu des dieux: chroniques irrespectueuses, Toronto, CMC Éditions, coll. Namadanse, 2009, 92 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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