Les femmes ont beaucoup à apporter au génie

Travail valorisant... qui pourrait être mieux adapté

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Publié 01/06/2018 par Isabelle Burgun

Il semble bien difficile de nommer une femme «géniale», inspirante pour les femmes, lorsqu’on parle de génie : l’ombre masculine plane encore.

«J’ai honte de l’avouer», indique Ketra Schmitt, professeure associée du Centre for Engineering in Society de l’Université Concordia, «mais nous sommes conditionnées contre l’utilisation de ce terme pour les femmes, et cela a de nombreuses répercussions, des lettres de référence jusqu’à l’évaluation de l’enseignement.»

Moins de 20%

Depuis 30 ans, les programmes de sensibilisation auprès des jeunes filles se multiplient, pourtant le pourcentage de participation des filles aux études en génie demeure faible, soit environ 20%, a répété la chercheuse au colloque sur Le génie par et pour des femmes : rompre avec le déséquilibre femmes-hommes en génie qui se tenait le 8 mai  dans le cadre du Congrès de l’ACFAS.

Entre 2016 et 2017, sur 2719 nouveaux ingénieurs qui ont joint les rangs de l’Ordre des ingénieurs du Québec, seulement 541 étaient des femmes — on parle même de 14% pour l’ensemble de la profession. Ils sont rares, les programmes de génie universitaire où la participation des femmes dépasse ce taux, quoique le génie chimique et biomédical ait la cote chez les filles.

Adapter le travail à la femme

«Elles ont pourtant un grand intérêt pour le génie. Alors, notre hypothèse est que le travail et leurs conditions doivent s’adapter pour les attirer en plus grand nombre», relève Donatille Mujawamariya, professeure de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa et coorganisatrice du colloque.

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La chercheuse rappelle d’ailleurs que la première étudiante en génie de l’Université d’Ottawa n’a gradué qu’en 1963. Sa récente étude auprès des étudiantes et étudiants de premier, deuxième, troisième cycles et de leurs professeurs en génie du Canada, de 2011 à 2017, a montré qu’hommes et femmes, sont unanimes pour dire qu’avoir plus de femmes en génie bénéficierait à l’ensemble de la société.

Inclure les hommes dans la solution

C’est pourquoi Mme Mujawamariya propose trois solutions. Tout d’abord, elles doivent travailler sur des sujets qui les concernent, comme la santé et le vieillissement — une ingénieure participante du colloque y présente par exemple son invention destinée à améliorer l’absorption de serviettes destinées aux personnes incontinentes.

Ensuite, il faudrait obliger tous les étudiants du 1er cycle universitaire à suivre un cours d’introduction au génie. Troisièmement, il faudrait inclure les hommes dans la solution. Car ce ne serait pas un problème de femme pour les femmes.

«Je pense que cela commence à la maison, les pères qui ne pensent pas que le génie pourrait intéresser leur fille doivent leur en parler et les motiver, sans compter aussi les hommes du milieu académique et de l’industrie qui doivent s’adapter de manière inclusive», sanctionne la prof Mujawamariya.

Travail valorisant

Une soixante d’ingénieures québécoises travaillant dans des firmes de génie-conseil, dans de grandes entreprises technologiques, dans le secteur public, ainsi que des professeures d’université en génie, ont témoigné de leur réalité à Claire Deschênes, professeure en génie mécanique à l’Université Laval.

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«Elles adorent leur travail et le travail d’équipe. Lorsque leur crédibilité est bien établie, elles ont confiance en elles et avancent bien dans leur carrière», confirme celle qui a été la première femme prof en génie à la Faculté de sciences et de génie de Laval en 1989.

Même s’il persiste quelques difficultés, par exemple la difficile conciliation travail-famille lorsqu’elles doivent aller sur les chantiers, ou quelques cas de sexisme surtout chez les plus jeunes, le principal problème reste leur faible nombre au sein de cette profession.

Action concertée

Cette étude s’inscrit dans une action concertée qui vise à comprendre la progression et la rétention des femmes dans les professions et métiers réservés autrefois aux hommes.

Et comparées à d’autres professions, les conditions de travail des ingénieures s’avèrent plutôt positives. «Bien meilleures que celles des médecins et bien moins compétitives que le droit. Et les entreprises font la promotion de l’égalité et de l’équité et mettent en place des programmes pour faciliter l’engagement et la progression des femmes en génie», relève la chercheuse.

Et plus de femmes en génie pourrait même transformer les objets qui nous entourent. «Ce n’est pas une femme qui a conçu l’appareillage de mammographie qui écrase les seins des femmes ou encore la ceinture de sécurité qui comprime les ventres des femmes enceintes. Elles n’ont pas les mêmes préoccupations ni la même façon d’aborder un problème», soutient encore la professeure Mujawamariya. C’est pourquoi les femmes ont beaucoup à apporter au génie.

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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