Les écorces d’arbres: Œuvres d’art naturelles

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Publié 13/10/2009 par Gabriel Racle

Généralement, le fait d’évoquer des œuvres d’art fait songer à ces musées dont les collections contiennent de prestigieux chefs-d’œuvre ou qui présentent des expositions temporaires très courues, parce qu’elles offrent l’occasion de contempler des œuvres uniques, bien difficiles à admirer la plupart du temps.

Et si l’on songe plus précisément à des paysages, on aura sans doute à l’esprit les somptueux tableaux de Van Gogh, les paysages tranquilles de Renoir ou l’éclat fulgurant de ceux de Vlaminck.

À moins que tout simplement, ce ne soit les effets nacrés des cristaux de glace ou des flocons de neige de nos hivers, la verdoyance fleurie de nos étés ou nos forêts flamboyant de rouge et d’or à l’automne qui nous viennent à l’esprit. Mais, en prenant à contrepied l’expression classique, il ne faudrait pas que la forêt nous cache l’arbre.

Des chefs-d’œuvre de la nature

Et c’est sans doute ce qu’a pensé Cédric Pollet, photographe naturaliste, qui s’est attaché à saisir ce qui attire moins notre attention lorsque nous regardons un arbre, son écorce. Il résume ainsi la situation: «On passe tous les jours devant des chefs-d’œuvre de la nature sans y prêter attention.» Pour attirer note attention, il vient de publier un superbe livre, étonnant et fascinant: Pollet, Cédric. ÉCORCES, Voyage dans l’intimité des arbres du Monde, éditions Ulmer, 192 p., grand format, 400 illustrations, des photographies qui «n’ont fait l’objet d’aucune manipulation colorimétrique».

C’est le fruit d’une dizaine d’années passées à parcourir 25 pays dans cinq continents, pour photographier… des écorces: «cet épiderme externe des arbres, mais aussi par extension des herbes géantes (palmiers, bambous, fougères etc.), dont la structure est cependant différente».

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Des tableaux abstraits

On ne peut que souligner les mérites et l’intérêt incontestables d’un tel ouvrage, dont bien des reproductions d’écorces peuvent rivaliser avec des tableaux abstraits modernes, comme ceux d’un Thomas Nozkowski, par exemple, pour citer ce peintre abstrait étatsunien, qui développe des formes organiques et géométriques qui ne se répètent jamais, et sortent du cadre de l’art abstrait conventionnel pour le garder vivant et moderne.

Les écorces que nous «dépeint» C. Pollet répondent bien souvent à cet objectif ou à ces réalisations, et maintiennent ainsi un art novateur naturel et toujours vivant depuis fort longtemps.

C’est le but que s’est fixé l’auteur, pour que l’on ne prenne plus les arbres pour des natures mortes. «Cet ouvrage est avant tout un véritable hommage à l’arbre.

Une partie, au fond de moi, rêve de pouvoir inverser une vérité qui m’a toujours frappée: la dominance de l’intérêt apporté au règne animal face au monde végétal. L’animal est réactif, bouge dans l’instant présent.

Le végétal semble plus passif, mais évolue à son rythme, certes beaucoup plus lent, celui des saisons. Il faut par conséquent savoir être contemplatif et s’armer de patience pour en déceler les subtilités.» Un art vivant

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Et ce livre merveilleux nous aide à les découvrir. Rien de moins figé que l’écorce d’un arbre, elle change avec la croissance de celui-ci, ce qui la fissure, la fendille, lui donne des formes inattendues et spectaculaires.

Elle change parfois de couleur selon le moment de la journée. Parmi 15 000 clichés, l’auteur a fait une sélection de quelque 400 photos représentant 220 espèces d’arbres et écorces uniques, et présenté le portrait de 81 arbres, qui occupent habituellement deux pages, d’un côté l’écorce, de l’autre un texte explicatif avec des photos de l’arbre et de quelques-unes de ses caractéristiques. C’est l’occasion de découvrir des arbres inconnus, comme des bouleaux et des érables différents des nôtres.

Et cette présentation d’écorces révèle de surprenants chefs-d’œuvre d’art naturel, abstraits, évocateurs parfois d’autres réalités: l’écorce du cyprès glabre fait songer aux ocelles des ailes d’un papillon, celle du niaouli au sable cannelé par le vent ou les vagues, celle du sagoutier aux petites flammes d’un incendie, celle d’un bananier du Japon aux stries du dos d’un crocodile ou à des cheveux au vent pour celle d’un washingtonia mexicain, et çà et là de somptueuses mosaïques aux couleurs éclatantes.

La couverture du livre est un fragment de l’écorce d’un arbousier monumental, que l’on trouve sur la côte Ouest jusqu’au sud de la Colombie-Britannique. Les Amérindiens s’en servaient pour tanner les peaux et lui attribuaient des propriétés médicinales.

Présence et poésie

Car l’écorce de plusieurs arbres est présente dans notre vie: cannelle, sucre, fibres textiles, caoutchouc, gomme à mâcher, encens, myrrhe, liège, piments, médicaments (aspirine, quinine) cosmétiques, etc.

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Et cet ouvrage est un merveilleux cadeau que l’on peut se faire à soi-même ou offrir à qui aime l’art, la nature et ses beautés, sans crainte de décevoir: «…la nature est là qui t’invite et qui t’aime… Quand tout change pour toi, la nature est la même», disait le poète Lamartine.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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