Les cliniques privées à la rescousse des hôpitaux de l’Ontario

Et relocaliser certains patients

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Une sculpture en métal de Bill Lishman à l'arrière de l'hôpital Bridgepoint, dans le quartier Gerrard et Broadview à Toronto. Photo: Nathalie Prézeau
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Publié 21/08/2022 par Émilie Gougeon-Pelletier

Dans l’espoir de stabiliser le système de santé de l’Ontario, le gouvernement veut financer plus de chirurgies dans les cliniques privées. Il propose aussi d’envoyer des patients hospitalisés en attente d’une place en foyer de soins de longue durée dans des établissements loin de chez eux qu’ils n’ont pas choisi.

Les hôpitaux ontariens ont été mis à rude épreuve au cours de l’été par la pénurie de personnel. Environ 25 salles d’urgence ont fermé temporairement à un moment où un autre, dans plusieurs régions.

Le gouvernement conservateur de Doug Ford a dévoilé jeudi matin un «Plan pour rester ouvert» à l’approche de l’automne et de l’hiver.

Des hôpitaux aux cliniques privées

L’idée est de mettre l’accent sur «la stabilité et la relance pour le système de la santé» en ajoutant des milliers de travailleurs de la santé et en libérant des lits d’hôpitaux.

Pour ce faire, la province prévoit augmenter le nombre de chirurgies effectuées dans les cliniques privées couvertes par le Régime d’assurance-santé de l’Ontario.

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Le ministère de la Santé envisage également d’accroître la capacité chirurgicale de la province en augmentant le nombre d’opérations effectuées dans des établissements de santé indépendants.

En conférence de presse, la ministre de la Santé Sylvia Jones n’a pas voulu indiquer si une augmentation du nombre de cliniques privées était dans les cartes pour l’Ontario.

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La ministre de la Santé, Sylvia Jones.

Envoyer les aînés ailleurs

La province a aussi déposé un projet de loi qui fera en sorte que les aînés hospitalisés en attente d’une place en foyer de soins de longue durée (FSLD) soient transférés dans un établissement alternatif «temporaire»… Possiblement dans une communauté autre que la leur, jusqu’à ce qu’une place se libère dans le foyer de leur choix.

Ainsi, 200 patients hospitalisés depuis six mois et en attente d’une place en FSLD seront déplacés dans les trois mois qui suivent, et 1300 personnes devraient être déplacées d’ici mars 2023.

La Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO) s’insurge de cette disposition. «Le retrait du consentement est une violation des droits fondamentaux des personnes, en particulier des personnes âgées vulnérables», déclare le président Jean-Rock Boutin.

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«Les personnes âgées ont peur d’être transférées dans un foyer où elles ne veulent pas aller, d’être éloignées de leur famille et, pour les personnes aînées francophones, d’être admises dans un foyer où il n’y a aucun service en français.»

La FARFO recommande d’augmenter l’offre de soins à domicile, incluant du soutien aux proches aidants, pour permettre aux personnes d’attendre chez elles qu’une place se libère dans le foyer de soins de longue durée de son choix.

Bendale Acres, Pavillon Omer Deslauriers, soins de longue durée
La résidence municipale Bendale Acres, au 2920 avenue Lawrence est à Scarborough, est la seule de la métropole à offrir un étage francophone: le Pavillon Omer Deslauriers.

Le ministre des Soins de longue durée, Paul Calandra, assure que personne ne sera déplacé «de force». La stratégie gouvernementale, dit-il, devrait libérer 250 lits d’hôpital au cours des six premiers mois de la mise en place du plan.

On prévoit aussi 300 lits, utilisés pour isoler des patients atteints de la covid, qui seront mis à la disposition des aînés inscrits sur les listes d’attente.

Augmenter le personnel dans les hôpitaux

Le plan de la ministre de la Santé prévoit par ailleurs l’ajout de 6000 travailleurs de la santé. Il ne précise pas combien de ces nouveaux travailleurs de la santé seront des infirmières.

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La province couvrira temporairement les frais des examens, des demandes et des inscriptions des infirmières formées à l’étranger et à la retraite, ce qui leur permettrait d’économiser jusqu’à 1500 $, selon la ministre Jones.

Le gouvernement Ford entend investir jusqu’à 57,6 millions $ sur trois ans pour augmenter à 225 le nombre d’infirmières praticiennes dans les foyers de soins de longue durée.

Collège Boréal
Cours de soins infirmiers au Collège Boréal.

Services d’urgence

L’Ontario prévoit aussi des mesures pour soutenir les médecins des services d’urgence.

La présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario Cathryn How juge «déconcertant» que le plan de la province ait pensé à des stratégies pour appuyer ces professionnels en particulier, mais pas les infirmières.

Elle soutient que le gouvernement Ford a manqué une chance «en or» d’augmenter la rémunération du personnel infirmier et de mettre fin au projet de loi 124, qui limite à 1% l’augmentation salariale maximale annuelle que peuvent recevoir les employés du secteur public comme les infirmières.

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Stratégie 911

Le plan de la province prévoit aussi l’élargissement du programme qui permet aux ambulanciers paramédicaux d’éviter de devoir emmener leurs patients à l’urgence à tous les coups.

Ainsi, les patients pourront être soignés chez eux, ou transportés dans «un centre de soins plus approprié».

Il arrive souvent que des ambulances soient stationnées à l’extérieur des hôpitaux pendant de nombreuses heures avant de pouvoir reprendre la route, en raison de la situation dans les salles d’urgence.

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Une vague de fermetures temporaires de services d’urgence a frappé les hôpitaux ontariens cet été.

Former et attirer le personnel

Le président-directeur-général de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Thierry Mesana, note que le gouvernement a promis qu’il voulait mettre fin à la médecine de couloirs.

«C’était un bon message», souligne le Dr Mesana, mais maintenant que les lits ont été ajoutés, il faut s’assurer que si on offre un lit à un patient, une infirmière sera là pour s’en occuper.

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«Le gouvernement doit investir dans le retour des infirmières retraitées, affirme Cathryn Hoy, elles sont un atout précieux.» Elle insiste: les nouveaux diplômés ont besoin de leur soutien, tout comme les infirmières internationales.

Il faut aussi accélérer le processus faisant passer une infirmière praticienne à une infirmière auxiliaire, ajoute la présidente de l’AIIO. «Cinq ans, c’est beaucoup trop.»

L’AIIO demande par ailleurs que le gouvernement augmente le financement pour des places supplémentaires dans les programmes collégiaux et universitaires de sciences infirmières.

La prescription des médecins

Les 43 000 médecins membres de l’Association médicale de l’Ontario (AMO) ont eu aussi des idées pour améliorer la situation dans le système de santé.

La «prescription pour l’Ontario» en cinq étapes devrait selon eux permettre d’améliorer les soins de santé à travers la province:

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  • Réduire les temps d‘attente et l’arriéré de services;
  • Étendre les services de santé et mentale et de lutte contre les dépendances dans la communauté;
  • Améliorer les soins à domicile et autres soins communautaires
  • Renforcer la santé publique et la préparation à une pandémie
  • Donner à chaque patient une équipe de fournisseurs de soins de santé et les relier de façon numérique

La présidente de l’AMO et médecin en salle d’urgence, Rose Zacharias, soutient qu’il faut construire des «centres chirurgicaux autonomes» financés publiquement pour sortir les patients des hôpitaux «afin de réduire le fardeau des cas de moindre complexité» et de les amener là où ils pourraient recevoir les services dont ils ont besoin.

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La pénurie de personnel frappe durement les hôpitaux ontariens. Photo: Hush Naidoo Jade Photography, Unsplash

Crise sans précédent dans nos hôpitaux

La Dre Zacharias indique qu’au cours de ses 20 ans de carrière, elle n’a jamais connu de telles tensions au sein du système de santé.

«Nous sommes confrontés à d’énormes défis en ce moment en tant que médecins des services d’urgence. Ça n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui.»

Elle note que le trois quart des médecins sont épuisés, un phénomène qui entraîne une pénurie chez ces professionnels de la santé.

De là l’importance, à ses dires, de connecter les patients de façon numérique. «Une équipe de fournisseurs de soins de santé pour chaque patient en Ontario, connectée numériquement, pour tirer parti des contraintes qui nous ont été imposées tout au long de la pandémie.»

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