L’École des femmes sur les planches du TfT: l’impossible cocufiage

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Publié 05/04/2011 par Guillaume Garcia

Savoir bien divertir requiert beaucoup d’audace et cet homme en son temps en avait bien en masse. Armé d’un sens du verbe et de la rime sans comparaison, ou si peu, Jean-Baptiste Pocquelin, plus connu sous le nom de Molière a fait et fait encore les beaux jours du théâtre classique français. Comme Racine, Corneille ou encore Shakespeare, les textes de Molière n’ont pas perdu une miette de leur sens et la question de la femme, et de son éducation, posée dans L’École des femmes ne connaît pas encore de réponse au XXIe siècle. L’Express a rencontré Alain Doom, qui jouera Arnolphe dans la pièce mise en scène par Diana Leblanc et présentée au TfT du 6 au 23 avril prochain.

Une femme qui ne pense pas, qui fait tout ce qu’on veut, qui ne râle jamais et qui ne nous quitte jamais, serait-ce le bonheur?

Si oui, je ne vois pas où trouver l’heureuse élue à part dans des magasins spécialisés où elle coûte 50 dollars de latex.

Celle là, vous pouvez la garder longtemps et elle ne se battra pas avec vous pour savoir chez qui aller dîner le samedi soir.

Pour Arnolphe, le bonheur se trouve dans une jeune fille de quatre ans que l’on place au couvent pour lui apprendre à coudre, à prier mais surtout pas à réfléchir. Comme ça, quand il l’épousera, elle sera tout acquise à lui obéir. Mais l’histoire ne se déroule pas souvent comme prévu et la chute en devient plus douloureuse.

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Il y a sûrement encore des Arnolphes

Diana Leblanc a choisi de placer le décor et le contexte de la pièce dans le Québec de l’entre deux guerres, «sans changer une seule virgule du texte», précise Alain Doom, Arnolphe dans la pièce.

«La force de Molière, c’est que la pièce a gardé tout son propos. Arnolphe est un homme intelligent, bien éduqué, et qui a peur d’être fait cocu par sa femme. Toute la pièce repose sur cette obsession. On a un portrait de la place de la femme, de la jeune femme et de l’omniprésence de la religion. Dans le Québec de l’entre deux guerres, la religion est également omniprésente dans toutes les couches du pouvoir et donc, et surtout dans l’éducation des jeunes filles. La peur de l’enfer était une réalité. »

Lors de la première de la pièce, au XVIIe siècle, Molière était marié à une jeune femme de 20 ans sa cadette. Il connaissait donc le problème. Une des caractéristiques de l’écriture de Molière est qu’il «n’est jamais moralisateur. C’est au public de tirer ses propres conclusions», explique Alain Doom, comédien et professeur de théâtre à Sudbury.

«Cette question est toujours d’actualité. Il y a sûrement encore des Arnolphes. D’ailleurs on a trouvé, pendant les répétitions que Saint-Arnolphe c’est le patron des cocus!»

Jouer du Molière dans le texte et la langue, et bien le jouer, reste une prouesse remarquable sachant que notre langage a évolué de manière irréversible.

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Écouter toute une pièce en vieux français, qui plus est en alexandrin, demande un maximum d’attention et la prestation du comédien détermine largement la qualité du spectacle.

Les clés du jeu

Pour que l’alchimie ait lieu, Alain Doom a travaillé particulièrement sur la rythmique des phrases.

«Il faut faire en sorte que les vers deviennent spontanés. Les rimes se suivent et on retient plus facilement les vers, de façon mnémotechniques. Mais on peut se retrouver prisonnier de ce rythme. Diana Leblanc a une grande expérience dans la mise en scène des classiques et pour cette pièce, elle a insisté sur la ponctuation. C’est d’une simplicité confondante mais Molière est finalement assez économe dans la ponctuation, mais quand elle est là elle est toujours signifiante. Au niveau de l’interprétation ça devient libérateur.»

D’Arnolphe, Alain Doom dit que c’est un personnage «pathétique et drôle malgré lui. Il avait un plan, qu’il trouvait génial, qu’il ne voit absolument pas comme diabolique, mais il va rencontrer des obstacles et tomber chaque fois dans un trou un peu plus profond. Il a un cheminement à la Pierre Richard!»

Du trio amoureux classique, Molière en retient les erreurs du plan d’Arnolphe. Sa plus grosse mésaventure sera de tomber amoureux de la promise.

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Du théâtre en français en Ontario

Impliqué dans la transmission de son savoir à travers son métier de professeur, Alain Doom est comblé par la chance de pouvoir jouer du Molière.

«C’est un rôle qu’on ne refuse pas. C’est un cadeau de pouvoir se frotter à cet auteur. Et puis c’est indispensable de continuer à jouer quand on est prof. Sans se confronter à la pratique on plafonne et on ne peut pas se permettre ça. Le savoir s’enrichit, surtout dans une discipline artistique, un prof doit être inspirant.»

Il deviendra directeur du nouveau programme de baccalauréat en Théâtre à l’Université Laurentienne en juillet prochain et fait sien le combat d’offrir en français des formations aux francophones de l’Ontario. «Il faut se donner une relève. On leur donne une formation sur place, avec nos spécificités, plus besoin de s’exiler.»

Sur scène ou dans la vie, il faut toujours reconstruire, comme Arnolphe qui tente de reconstruire son plan à chaque accroc.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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