Efficacité variable
La grippe est un cas particulier. Trois caractéristiques du virus de la grippe expliquent qu’il est difficile d’élaborer un seul vaccin qui aurait la même efficacité, année après année.
1) Il n’y a pas seulement «une» grippe
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe trois types de virus de la grippe, appelés A, B et (moins fréquent) C. Le type A est lui-même divisé en sous-types, en fonction de la protéine présente à la surface du virus. Ces protéines jouent un rôle dans la propagation du virus et sont désignées par les lettres H (hémagglutinine) et N (neuraminidase).
Mais d’une année à l’autre, les souches de grippe en circulation ne sont pas nécessairement les mêmes et elles peuvent même coexister, ce qui oblige à développer un nouveau vaccin chaque année. Par exemple, pour la saison 2014-2015, la souche A (H3N2) était responsable de 90 % des cas de grippe au Canada alors qu’en 2015-2016, la souche A (H1N1) avait causé 54 % des cas; le virus B était quant à lui responsable de 37% des cas.
2) Le virus de la grippe a un taux élevé de mutations
Le virus de la grippe a aussi la fâcheuse habitude de se modifier, de subir des mutations, ce qui le rend plus difficile à détecter par le système immunitaire.
Il faut se rappeler que si notre système immunitaire est capable de combattre efficacement un agresseur — comme un virus — c’est parce qu’il l’a déjà rencontré. Autrement dit, il le reconnaît. C’est le principe de base de toute vaccination, qui consiste à injecter une version inoffensive du virus, afin que le système immunitaire le reconnaisse plus tard.
Or, les mutations du virus de la grippe modifient ses protéines de surface. Celles-ci sont alors plus difficilement reconnues, ou pas reconnues du tout, par le système immunitaire.
3) Les souches en circulation sont difficiles à prédire
Il est difficile de prévoir quelle sera la souche de la grippe qui sera en circulation pendant la saison suivante. Depuis 1973, l’OMS émet des recommandations formelles à ce sujet.
«Des centres de surveillance sentinelle à travers le monde séquencent le génome des virus qui circulent», explique Martin Richter, du Centre de recherche du CHUS, qui s’intéresse à l’immunologie et à la pharmacologie des infections virales respiratoires. «Selon les résultats sur une partie de la planète, l’OMS fait des statistiques et prédit quelles souches devraient se propager en Amérique du Nord, ce qui permet d’élaborer les vaccins.»
Au Canada, le Groupe de travail sur l’influenza développe ensuite ses propres recommandations qu’il soumet au Comité consultatif national de l’immunisation.
Mais «les scientifiques peuvent se tromper dans le choix de la souche», souligne le Dr Karl Weiss, médecin microbiologiste et infectiologue à l’Hôpital général juif de Montréal. «Beaucoup d’erreurs peuvent survenir. » C’est d’ailleurs ce qui explique l’inefficacité observée en 2014-2015. La souche servant à confectionner le vaccin différait d’un point de vue génétique de celle en circulation.
Efficacité moyenne
Le vaccin contre la grippe préviendrait la maladie chez 40 à 60% des personnes en bonne santé, à condition que les souches qu’il contient correspondent à celles en circulation. Pour la saison 2015-2016 en particulier, des scientifiques canadiens ont évalué que le vaccin offrait une protection de 64% contre le virus A (H1N1), alors en circulation. Le ministère canadien de la Santé estiment aussi qu’il est efficace pendant six mois.
«L’efficacité varie également d’un individu à l’autre», ajoute Martin Richter. «De plus, pour avoir une bonne efficacité, on vise un taux de vaccination dans la population qui tourne autour de 80%. Si trop peu de gens sont vaccinés, la communauté ne sera pas très bien protégée.»
Un comité scientifique québécois est en train de se pencher sur la pertinence, pour les gens en bonne santé, de se faire vacciner contre la grippe. Les conclusions de ce comité devraient être connues à l’été 2017.
Par ailleurs, une étude publiée aux États-Unis en 2016 a conclu que chez les gens de plus de 50 ans vaccinés contre l’influenza, le risque d’être hospitalisé diminuait de 57%. «On sait que le vaccin contre la grippe a une certaine efficacité pour les personnes âgées, les gens avec des maladies sous-jacentes et les femmes enceintes, ajoute le Dr Weiss. Même si ce n’est pas un très bon vaccin, en réduisant de 50 % le risque d’aller à l’hôpital, on évite des conséquences sévères.»
Enfin, le vaccin annuel contre la grippe fonctionne seulement contre le virus de la grippe. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États-Unis, plusieurs autres virus peuvent toutefois causer des maladies similaires qui peuvent être confondues avec la grippe, même par un médecin. C’est ainsi que l’efficacité du vaccin est plus élevée si on la calcule en fonction des cas de grippe confirmés en laboratoire qu’en fonction des cas diagnostiqués par un médecin, selon le Comité consultatif national de l’immunisation.